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ÉCLAIRAGE - Au douzième jour du sit-in, le blocage reste entier La mission Ismaïl se solde par un échec, toute l’attention se focalise sur la médiation de Amr Moussa
Par ABOU RIZK Tilda, le 12 décembre 2006 à 00h00
Après l’effervescence de la rue, dimanche, l’heure est de nouveau aux tractations politiques pour régler la crise qui perdure. Si le ballet diplomatique a repris, intensif, son issue demeure plus que jamais incertaine : les deux parties au conflit campent toujours sur leurs positions et refusent chacune d’effectuer un pas en direction de l’autre. La mission du médiateur soudanais, Moustapha Ismaïl, qui s’évertue à rapprocher les points de vue, s’est ainsi soldée par un échec, même si l’émissaire de la Ligue arabe est loin d’avoir déclaré forfait et espère toujours « parvenir à un mécanisme pour concrétiser les idées proposées dans le cadre d’un règlement ». Mais son rôle prend pratiquement fin avec l’arrivée, aujourd’hui, du secrétaire général de la Ligue, Amr Moussa, attendu dans la journée à Beyrouth pour tenter de dégager une base solide à une reprise du dialogue que la France a de nouveau encouragé hier. Paris, tout comme Washington, s’est empressé de réaffirmer son appui au gouvernement de M. Fouad Siniora, au lendemain de la gigantesque manifestation appelant à la formation d’un cabinet d’union nationale.
Au douzième comme au premier jour du large mouvement populaire organisé par l’opposition en appui à ses revendications politiques, le problème reste entier. Le seul point sur lequel l’opposition et la majorité ne formulent pas d’objection, c’est un règlement présenté dans le cadre d’un package deal. Les deux parties estiment que les propositions de solution de la Ligue arabe et « les constantes maronites » de Bkerké peuvent, en principe, constituer une base solide pour un règlement, mais ce sur quoi elles n’arrivent toujours pas à s’entendre, c’est l’ordre des priorités suivant lequel le panier de solutions sera appliqué.
Pour la majorité, le départ du président Émile Lahoud et l’élection d’un nouveau chef de l’État représentent la clé du problème. « Ceux qui veulent un gouvernement d’union doivent accepter une élection présidentielle anticipée le plus rapidement possible », a réaffirmé hier le chef des Forces libanaises, Samir Geagea.
Sans être aussi direct, le Premier ministre, Fouad Siniora, a soigneusement évité de faire mention d’un gouvernement d’union nationale devant les délégations populaires qui continuent d’affluer au Sérail pour lui exprimer leur soutien. Il s’est contenté de plaider en faveur d’une participation au pouvoir, en insistant sur la nécessité de ne pas paralyser le gouvernement et d’une entente au sujet du tribunal international.
En revanche, pour l’opposition, c’est par la formation d’un gouvernement d’entente nationale au sein duquel elle détiendra la minorité de blocage qu’il faut commencer, les dossiers de la présidentielle et du tribunal international pouvant être examinés par la suite.
L’opposition a réagi plutôt favorablement aux propositions de règlement de l’émissaire soudanais, dans la mesure où celles-ci se rapprochent de ses revendications. Le porte-parole du Hezbollah, Hussein Rahal, a indiqué que son parti « examinait positivement toute initiative comportant la formation d’un gouvernement d’union nationale dans lequel l’opposition aura un tiers de blocage » et qu’il attendait « la réponse du gouvernement ».
Garanties
M. Ismaïl, qui s’est rendu à Damas dans le cadre de sa médiation, avait proposé la formation d’un gouvernement d’entente nationale associée de garanties du Hezbollah et de ses alliés de ne pas paralyser le gouvernement. La mise en place du cabinet sera suivie d’un redémarrage du dialogue pour discuter du tribunal international et de la présidentielle. Avec cette formule, il ne devrait y avoir « ni vainqueur ni vaincu », a déclaré l’émissaire soudanais après avoir regagné le Liban. À Beyrouth, l’émissaire soudanais a eu de nouveaux entretiens avec les pôles des deux courants adverses ainsi qu’avec le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, à qui il a notamment communiqué le résultat de ses entretiens avec le président Bachar el-Assad qui « appuie » le « consensus libanais » et les « efforts » de la Ligue arabe pour régler la crise.
Quoi qu’il en soit, la majorité s’est abstenue de commenter la formule qu’il a proposée. Mais les propos de M. Geagea sont on ne peut plus éloquents : le chef des FL a estimé que la Ligue n’avait pas « clairement fixé » les priorités des points à discuter. « Les demandes de la majorité sont connues : l’adoption du projet de constitution du tribunal international, la question de la présidence, la formation d’un gouvernement d’union, l’élaboration d’une nouvelle loi électorale et des élections législatives anticipées », a-t-il dit.
Quelles sont les chances de succès d’une médiation devant l’intransigeance des deux parties ? Aucune a priori, d’autant que l’épreuve de force engagée entre l’opposition et le gouvernement risque de s’exacerber avec la décision du gouvernement de tenir aujourd’hui un Conseil des ministres.
Même les efforts de Amr Moussa ne devraient pas aboutir, le secrétaire général de la Ligue n’étant pas en mesure de fixer un ordre de priorité à la solution qui conviendrait aux deux parties adverses, a-t-on indiqué de sources bien informées. Une lueur d’espoir persiste cependant, selon les mêmes sources, au cas où le président égyptien, Hosni Moubarak, qui doit rencontrer demain son homologue syrien, Bachar el-Assad, parviendrait à convaincre son hôte d’intervenir auprès de ses alliés au Liban pour lever le sit-in et donner une nouvelle chance au dialogue. Une telle issue pourrait se répercuter positivement sur la mission Moussa. Mais on verrait mal la Syrie lâcher du lest au Liban.
Tilda ABOU RIZK
Après l’effervescence de la rue, dimanche, l’heure est de nouveau aux tractations politiques pour régler la crise qui perdure. Si le ballet diplomatique a repris, intensif, son issue demeure plus que jamais incertaine : les deux parties au conflit campent toujours sur leurs positions et refusent chacune d’effectuer un pas en direction de l’autre. La mission du médiateur soudanais, Moustapha Ismaïl, qui s’évertue à rapprocher les points de vue, s’est ainsi soldée par un échec, même si l’émissaire de la Ligue arabe est loin d’avoir déclaré forfait et espère toujours « parvenir à un mécanisme pour concrétiser les idées proposées dans le cadre d’un règlement ». Mais son rôle prend pratiquement fin avec l’arrivée, aujourd’hui, du secrétaire général de la Ligue, Amr Moussa, attendu dans la...