Dans le cadre du séminaire « La presse en état de siège », organisé par l’Association mondiale des journaux et le quotidien an-Nahar, il était difficile d’aborder la liberté d’expression sans évoquer l’indépendance financière des entreprises médiatiques. En effet, un modèle économique viable et une autonomie financière apparaissent comme les garants d’une ligne éditoriale indépendante. Une session a donc été consacrée hier à ce sujet, en présence d’intervenants du monde de la presse écrite arabe et libanaise.
À cette occasion, le rédacteur en chef du quotidien as-Safir, Talal Salman, a dressé un tableau particulièrement sombre du marché de la presse écrite locale.
« La presse écrite au Liban est dans une situation dramatique », a-t-il affirmé d’entrée de jeu. Cela dit, la crise de la presse écrite n’est pas un phénomène typiquement libanais. Les journaux ont deux sources principales de financement : les revenus publicitaires et ceux des petites annonces, qui représentent en général la plus grande partie des rentrées, et les recettes des ventes. Or la presse écrite mondiale perd de plus en plus de lecteurs chaque année au profit de nouveaux médias, plus rapides et moins coûteux (comme la télévision, Internet), ou encore au profit des journaux gratuits. Par conséquent, la part des dépenses publicitaires dans la presse écrite est en baisse continue. Au Liban, moins d’un tiers des budgets publicitaires est consacré à la presse écrite, a indiqué M. Salman.
Mais dans certains pays démocratiques, comme la France, les pouvoirs publics ont rapidement compris la nécessité de soutenir financièrement les entreprises de presse écrite, à travers une série d’aides directes et indirectes, pour les empêcher d’avoir recours à des fonds politiquement conditionnés. Il s’agissait de préserver leur indépendance et de les protéger contre les tentatives de prises de contrôle politique.
Ce n’est pas le cas du Liban. Pour le rédacteur en chef du Safir, la presse écrite libanaise est d’autant plus menacée qu’elle évolue désormais dans un pays politiquement et économiquement instable, et dont le marché est très réduit. Selon lui, l’essor de la presse écrite libanaise s’expliquait principalement par le rôle régional qu’elle jouait, à une époque où le Liban était pionnier en terme de liberté de la presse. « Jusqu’au début de la guerre civile dans le milieu des années 70, la presse libanaise était, avec la presse égyptienne, l’élément moteur de la presse du monde arabe, a souligné M. Salman. Dans les années 50 et 60, Beyrouth était le centre des débats entre les différents courants intellectuels et politiques de la région, et les journaux locaux ont profité de cette situation pour s’étendre au-delà des frontières. Ils ont ainsi augmenté leur lectorat et par conséquent leurs recettes publicitaires, directement ou à travers la publication de numéros spéciaux. »
Mais l’instabilité politique a poussé les investisseurs à se diriger vers d’autres pays. Dopé par les liquidités du Golfe, chaque pays arabe s’est doté de ses propres médias, dont certains sont désormais plus développés que les médias libanais. « Certains journaux arabes ont aujourd’hui techniquement dépassé les libanais. » Pire, fuyant la guerre, les journalistes libanais ont peu à peu déserté les rédactions locales au profit de celles de la région. « La presse écrite libanaise n’est plus la presse des Arabes, a déploré M. Salman. Elle est devenue parmi la plus pauvre de la région. »
Elle ne peut donc plus compter que sur son marché de base, qui n’est pas le plus dynamique qui soit.
Même si la situation politique actuelle dope un peu les ventes au numéro, le marasme économique entraîne une baisse des dépenses publicitaires. Et malgré l’approche des fêtes, les encarts dans la presse écrite se font de plus en plus rares.
Sahar AL-ATTAR
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À cette occasion, le rédacteur en chef du quotidien as-Safir, Talal Salman, a dressé un tableau particulièrement sombre du marché de la presse écrite locale.
« La presse écrite au Liban est dans une situation dramatique », a-t-il affirmé d’entrée de jeu. Cela dit, la crise de la...