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C’est chaque jour le 14

Je vis dans un Liban où il est interdit d’arrêter de fumer. Je vis dans un Liban à la Al Capone, un Liban où les mafiosi circulent chacun dans son quartier, où les habits sont fabriqués à la couleur du clan, où les gens portent les couleurs de la tribu. On a si bien décrit les Libanais comme étant de bons commerçants, voilà le revers de la médaille. Ils se mettent soudain à vendre leur sang. Même pas, ils l’offrent gratis. Je vis dans un Liban déchiré non seulement par la guerre, mais par la volonté de ses habitants, qui offrent leur sang tantôt à un pays voisin proche, tantôt à l’autre, et parfois même à des voisins éloignés. On m’a dit que l’homme doit pouvoir changer le monde, je compte bien le faire. Je suis jeune, je sais, je suis encore un peu naïf, je sais. Ce serait peut-être un cadeau à mes enfants – pour changer un peu... – que de leur offrir un Liban où l’on est citoyen (membre d’un État, considéré du point de vue de ses devoirs envers la patrie et de ses droits politiques, selon Larousse). Ce fut si facile, le jour du 14 Mars, de marcher côte à côte avec mes concitoyens. La fameuse foule éphémère du 14 Mars, je m’en rappellerai jusqu’à ma mort. Je n’en croyais pas mes yeux. Je ne savais pas que les Libanais étaient capables, un instant, d’oublier tout, de ne penser qu’au Liban. Demandez au vendeur du coin s’il a jamais vendu autant de drapeaux libanais que le jour du 14 mars. Ma seule douleur, à côté de celle de la mort de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, c’est que la classe politique n’a pas été à la hauteur de l’esprit de ce 14 Mars. Ils n’ont été que des chefs de tribu égoïstes qui ont couru chacun après sa part du gâteau. On a bien ri du Liban depuis la nuit des temps. On regarde cette salade si mal faite, si affreuse par moments et on se moque de ces gens qui ne savent pas se délimiter hors du cadre de la tribu. Mais par d’autres moments, comme ce jour du 14 Mars, la salade était encore une salade, mais elle était délicieuse. La photo était si large qu’elle sortait du cadre que l’on a gravé dans mon esprit si fort, pendant si longtemps. C’était la photo du Liban tout entier, réuni religieusement autour d’un seul et même martyr. Quand au 8 Mars, je crois que ce n’est qu’un concours de circonstances qui a fait que mes frères n’ont pu assister à la gloire du moment. Je crois sincèrement que mes frères chiites n’auraient raté ce moment pour rien au monde. Vous rappelez-vous ce qu’a fait cette foule en une semaine ? Il y eut des guerres qui n’ont pas accompli le quart de ce que cette foule a fait. Imaginez maintenant cette même foule maintenue – dans notre esprit bien sûr - pendant un mois, un tout petit mois. Eh bien, croyez-moi, vous n’aurez plus envie de l’ôter de votre esprit. Ce dont je parle, ce n’est pas de politique, mais c’est le projet de la Cité, où la couleur est celle du Liban, où le quartier ne porte de valeur qu’en coordonnées, où il est encouragé d’arrêter de fumer (d’arrêter de fumer à ses morts, de fumer à chaque bombe et à chaque guerre). Le colonel Kadhafi a déclaré, il y a quelques jours, que « le Liban n’a pas réussi à prouver qu’il était un État indépendant ». Il a raison pour le moment, mais gare à lui le jour où les Libanais décideront que chaque jour sera un 14 Mars. Tony EID
Je vis dans un Liban où il est interdit d’arrêter de fumer.
Je vis dans un Liban à la Al Capone, un Liban où les mafiosi circulent chacun dans son quartier, où les habits sont fabriqués à la couleur du clan, où les gens portent les couleurs de la tribu.
On a si bien décrit les Libanais comme étant de bons commerçants, voilà le revers de la médaille. Ils se mettent soudain à vendre leur sang. Même pas, ils l’offrent gratis.
Je vis dans un Liban déchiré non seulement par la guerre, mais par la volonté de ses habitants, qui offrent leur sang tantôt à un pays voisin proche, tantôt à l’autre, et parfois même à des voisins éloignés.
On m’a dit que l’homme doit pouvoir changer le monde, je compte bien le faire. Je suis jeune, je sais, je suis encore un peu naïf, je sais. Ce serait peut-être un cadeau...