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Actualités - OPINION

Commentaire L’ONU et la sauvegarde de la planète

Par Jeffrey SACHS* Le 1er janvier prochain, Ban Ki-moon, ancien ministre des Affaires étrangères de la Corée du Sud, deviendra secrétaire général de l’ONU, à la suite de Kofi Annan qui achèvera alors son mandat de 10 ans après avoir eu un rôle stimulant dans le monde par sa diplomatie et sa politique de lutte contre la pauvreté et de défense des droits humains. Mais la guerre en Irak a été une source de division et a détourné l’attention et les ressources financières des autres régions en crise et de problèmes graves à long terme, comme la lutte contre les maladies, le changement climatique, l’approvisionnement énergétique et l’accès à l’eau. Les élections qui viennent d’avoir lieu aux USA et la montée en puissance de l’Asie pourraient être l’occasion d’attirer l’attention du monde sur les défis majeurs auxquels notre planète doit faire face. Le nouveau secrétaire général de l’ONU va hériter non seulement des problèmes qui se posent à long terme comme la pauvreté, la protection de l’environnement, la prolifération nucléaire et la réforme de l’ONU, mais également de toute une série de crises régionales telles que la situation en Irak, en Iran, en Afghanistan, en Palestine, au Liban, en Somalie, au Myanmar, au Soudan ou en Corée du Nord. Les tentatives récentes de pression sur ces pays, que ce soit sous forme de menaces ou de sanctions et parfois de guerre, ont échoué. La plupart de ces pays sont moins stables qu’il y a cinq ans. Une autre approche est manifestement nécessaire. Les principaux pays asiatiques, dont la Corée du Sud d’où est originaire le nouveau secrétaire général, sont depuis longtemps favorables à une combinaison d’actions diplomatiques et d’incitations économiques pour résoudre des problèmes complexes. Plutôt que de s’appuyer sur des sanctions et des menaces militaires, l’idée est de favoriser la prospérité à long terme de ces régions instables. Cette approche équilibrée a de la valeur, car la plupart des régions en crise ne le sont non pas seulement ou principalement pour des causes politiques, mais en raison de problèmes sous-jacents que constituent la faim, la maladie et la destruction de l’environnement. Prenons l’exemple du Darfour, une crise dont le Conseil de sécurité de l’ONU a débattu comme d’une confrontation entre le gouvernement soudanais et la population du Darfour. Mais plus profondément, le Darfour est instable en raison de la misère et de la croissance rapide de sa population qui ne dispose pas des ressources nécessaires en matière d’eau, de nourriture, de santé, d’enseignement et d’autres services de base. Plutôt que de sanctions, les grandes puissances feraient mieux de travailler avec le gouvernement soudanais pour soutenir financièrement une stratégie de développement à long terme. La résolution des crises au Darfour et ailleurs sera l’un des premiers défis auxquels sera confronté le nouveau secrétaire général. Mais l’ONU ne doit pas se contenter d’aller d’une crise à l’autre. Elle a l’occasion et il lui revient d’avoir un rôle moteur dans l’établissement d’un consensus général autour des problèmes écologiques et économiques cruciaux auxquels la planète est confrontée à long terme. Lors des décennies à venir, le changement climatique, la déforestation, la croissance démographique et d’autres problèmes écologiques vont menacer la survie même de centaines de millions de gens à travers le monde. Une initiative de l’ONU pourrait être décisive pour parvenir à des solutions face à ces défis impressionnants qui se posent sur le long terme. Entre 1992 et 2002, les pays membres de l’ONU ont signé de nombreux accords qui pourraient et devraient être à la base de solutions globales à long terme. En 1992, la « Conférence de Rio sur l’environnement » s’est conclue par trois traités portant sur le changement climatique, la biodiversité et la désertification. En 2000, les pays membres de l’ONU ont signé les Objectifs pour le développement du millénaire et en 2002, ils ont convenu du Consensus de Monterrey par lequel ils s’engagent à faire des efforts pour tripler l’aide aux pays pauvres, de manière à ce qu’elle atteigne 0,7 % du PNB des pays riches. Il importe donc non pas que l’ONU fixe encore d’autres objectifs, mais qu’elle atteigne ceux qui ont déjà été fixés. C’est en parfaite harmonie avec l’état d’esprit avec lequel Ban Ki-moon envisage sa nouvelle fonction. Il a dit clairement que l’ONU doit mettre en œuvre les engagements de la communauté internationale. Sans cela, tous les traités du monde resteront inutiles. Mission clé au cours de son mandat, le nouveau secrétaire général devra parvenir à un accord international sur le changement climatique pour l’après 2012, quand le protocole de Kyoto touchera à sa fin. Les pays pauvres ne paraissent pas être sur le chemin d’atteindre la plupart des Objectifs pour le développement du millénaire dans les neuf années restant jusqu’à la date fixée. Et malgré l’engagement international de parvenir à limiter de manière significative la diminution de la diversité biologique à l’horizon 2010, la destruction d’immenses zones de forêts tropicales et d’océans continue. Si les USA travaillent plus étroitement dans le cadre de l’ONU, ils trouveront des partenaires décidés parmi les puissances montantes d’Asie qui sont prêtes à utiliser leur influence et leurs ressources pour répondre aux problèmes qui se posent, car elles ont besoin d’un cadre général stable pour étayer leur développement à long terme. Ces pays ont parfaitement conscience de leur influence croissante dans le monde, que ce soit en tant qu’investisseurs, partenaires commerciaux ou participants et victimes de la destruction de l’environnement. En coulisses, les puissances asiatiques peuvent aider à désamorcer les crises au Darfour, en Corée du Nord, au Myanmar et ailleurs. Ils auront également un rôle crucial à jouer pour forger une nouvelle approche collective du changement climatique, du manque d’eau et des autres problèmes de même nature. Le nouveau secrétaire général va débuter son mandat alors que le monde cherche à résoudre des problèmes de plus en plus urgents. Il y a déjà un large consensus sur les objectifs à atteindre, et ils sont réalisables. Tout le défi repose dans la mise en œuvre des moyens pour y parvenir. * Jeffrey D. Sachs est professeur d’économie et directeur de l’Institut de la Terre à l’Université de Columbia à New York. © Project Syndicate, 2006. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Par Jeffrey SACHS*

Le 1er janvier prochain, Ban Ki-moon, ancien ministre des Affaires étrangères de la Corée du Sud, deviendra secrétaire général de l’ONU, à la suite de Kofi Annan qui achèvera alors son mandat de 10 ans après avoir eu un rôle stimulant dans le monde par sa diplomatie et sa politique de lutte contre la pauvreté et de défense des droits humains. Mais la guerre en Irak a été une source de division et a détourné l’attention et les ressources financières des autres régions en crise et de problèmes graves à long terme, comme la lutte contre les maladies, le changement climatique, l’approvisionnement énergétique et l’accès à l’eau. Les élections qui viennent d’avoir lieu aux USA et la montée en puissance de l’Asie pourraient être l’occasion d’attirer l’attention du monde sur...