Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Universités - Un nombre d’étudiants équivalent à l’année dernière, voire en légère augmentation Les aides financières se généralisent après la guerre

Après un démarrage hésitant, fait d’incertitude et de doute, suite au départ précipité d’un grand nombre d’étudiants et d’enseignants durant les mois de juillet et d’août, les universités semblent avoir retrouvé leur vitesse de croisière d’avant-guerre. Mais les efforts des administrations pour le déroulement de l’année universitaire dans la normalité ne parviennent pas à masquer le malaise latent à plus d’un niveau. D’une part, et même si les chiffres donnés par six grandes universités sont éloquents sur le nombre d’étudiants inscrits pour l’année universitaire 2006-2007, un certain nombre d’étudiants n’a toujours pas réintégré les campus, préférant poursuivre l’année à l’étranger, notamment les étudiants en freshman et en mastère, ainsi que ceux de nationalité étrangère. Il en a été de même pour certains enseignants étrangers qui ont décidé d’attendre que la situation se stabilise avant de retourner au Liban. C’est, d’autre part, sur fond de graves problèmes socio-économiques qu’a démarré le premier semestre de l’année universitaire. Des problèmes auxquels font face cette année un nombre démesurément important d’étudiants, suite aux destructions qui ont accompagné le dernier conflit, mais aussi à cause du chômage qui touche aujourd’hui un grand nombre de familles. Que dire aussi des tensions entre les étudiants dont la majeure partie est fortement politisée et qui, exacerbées par le dernier conflit, mènent souvent à des bagarres entre étudiants de factions rivales, notamment lors des élections des amicales estudiantines ? Alors que les blessures de la dernière guerre tardent à cicatriser, et que les risques d’une nouvelle dégradation de la situation se font chaque jour plus menaçants, les étudiants du Liban peuvent-ils espérer vivre une année universitaire normale ? Quant aux universités, sauront-elles relever les défis qui ont émergé de cette nouvelle situation de crise ? Ce sont plus ou moins les mêmes problèmes qu’ont rencontrés six grandes universités du pays dans leurs différents campus, lors de la dernière rentrée universitaire : l’Université Saint-Joseph (USJ), l’Université Saint-Esprit, Kaslik (USEK), l’Université américaine de Beyrouth (AUB), l’Université libano-américaine (LAU), l’Université Notre-Dame (NDU) et l’Université Balamand. Prises de court par le conflit, les universités qui avaient mis en place un programme d’été devaient d’abord assumer le problème de la sécurité, du départ vers l’étranger des étudiants et des enseignants, et de l’arrêt des cours. Après la cessation des combats, elles se sont mobilisées pour se remettre en contact avec leurs étudiants et organiser rapidement la reprise des cours. Car leur grande crainte était de perdre leurs étudiants. Certaines n’ont pas hésité à reprendre les cours, amputées d’un bon nombre d’étudiants, rien que pour redonner confiance, mais aussi pour permettre à leurs étudiants, ayant trouvé un emploi, d’obtenir leurs diplômes et d’honorer leurs engagements professionnels. Il était également important de terminer à temps le semestre d’été pour ne pas trop retarder la rentrée d’automne. Mais, dans l’ensemble, c’est avec près de deux semaines de retard que les universités ont entamé la nouvelle année. Là aussi, les inscriptions n’étaient pas vraiment une partie de plaisir et la crainte de démarrer l’année avec un nombre insuffisant d’étudiants était une véritable hantise pour tous, d’autant qu’un important nombre d’élèves avaient demandé des attestations en vue de poursuivre leurs études à l’étranger. Dans cette optique, les universités ont dû se résoudre à atténuer les obstacles freinant les inscriptions des étudiants, notamment les obstacles de la langue, des concours d’admission ou des notes scolaires. Elles ont aussi retardé les échéances des inscriptions, afin de permettre aux étudiants ayant quitté le pays de rentrer à temps. Mais dans l’ensemble et selon les chiffres officiels qu’elles ont accepté de publier, le problème du manque d’effectifs semble avoir été dépassé. Nombre d’étudiants en augmentation « Nous avons modifié les critères d’acceptation des nouveaux étudiants », a ainsi expliqué le père René Chamussy, recteur de l’USJ, précisant que certains étudiants n’ayant pas le niveau requis en français ont été admis, à la condition d’améliorer leur niveau durant l’année. « De plus, le concours de médecine n’ayant pas eu lieu à cause de la guerre, nous avons sélectionné les étudiants en fonction de leurs résultats scolaires, de leurs notes au bac. Nous avons même organisé plus tard un autre concours, à petite échelle. » Début octobre, les craintes commençaient déjà à se dissiper. « Même si nous n’avions pas encore atteint le chiffre de l’année passée, nous étions rassérénés et confiants que l’année scolaire pourrait avoir lieu sans dommages financiers », souligne encore le père Chamussy. Mais aujourd’hui, à l’instar de la plupart des grandes universités du pays, le nombre d’élèves inscrits dans toutes les branches de l’USJ est sensiblement égal à celui de l’année passée, autrement dit à 10 000 étudiants. « Il faut aussi prendre en considération la cherté de vie à l’étranger », observe le père recteur. À l’AUB, même si la classe de « freshman » ainsi que le programme d’échanges accusent une sensible baisse du nombre d’élèves, plus de 7 200 étudiants de 60 pays sont aujourd’hui inscrits pour le semestre d’automne. Certes, précise Maha el-Azar, « le nombre d’étudiants étrangers, notamment américains et européens, a nettement diminué par rapport aux années précédentes, mais les étudiants arabes sont revenus après le conflit. D’ailleurs, 1 900 nouveaux étudiants de 21 nationalités ont rejoint l’AUB pour cette rentrée ». Les chiffres publiés par les autres universités sont eux aussi éloquents. Ainsi la LAU affichait début octobre plus de 6 370 étudiants, « un chiffre qui dépasse nos attentes car il est supérieur à celui de l’année dernière », indique le responsable de la communication, Christian Oussi, « malgré la défection d’un certain nombre d’étudiants de niveau freshman ». Quant à l’USEK, elle annonce que 6 679 étudiants sont aujourd’hui inscrits pour la nouvelle année universitaire. La NDU a donné le chiffre de 5 000 étudiants, alors que Balamand affiche 3 100 inscrits. Des chiffres qui rejoignent ceux de l’année passée et les dépassent même, dans certains cas, de quelques centaines d’élèves. « Dans le domaine des inscriptions, nous avons eu plus de peur que de mal », note le directeur général des relations publiques de la NDU, Souhail Matar, résumant les appréhensions de l’ensemble des universités, tout en précisant que 95 % des étudiants ont réintégré les campus, dès que les universités ont ouvert leurs portes. Mobilisation au niveau des aides financières Mais le malaise est bien là. Car cette rentrée universitaire s’est déroulée sur fond de grave crise économique, exacerbée par le dernier conflit. Un malaise auquel les universités privées doivent absolument faire face pour garder leurs effectifs. « Nous nous sommes mobilisés pour aider encore plus les étudiants cette année », explique l’attaché de presse de l’USEK, Wissam Moussallem, et ce « malgré les retards de paiement qui ne cessent de s’accumuler ». L’université a ainsi accordé une réduction de 60 % aux élèves du Sud poursuivant leurs études à Rmeich, alors que les branches de Chekka et de Zahlé accordent depuis quelque temps déjà une réduction de 20 % à l’ensemble de leurs élèves. « Nous avons également baissé le montant du premier versement, et donnons aux étudiants la possibilité d’échelonner leurs paiements, sans intérêts, même s’ils dépassent les délais », assure-t-il. « De plus, poursuit M. Moussallem, nous faisons travailler près des trois quarts de nos élèves. Cela leur permet de réduire encore leurs frais d’universités. Sans compter les bourses et les aides attribuées aux étudiants dans le besoin. » Une telle mobilisation se généralise au sein des universités privées, même si chaque université adopte un plan d’action qui lui est propre. À l’Université Balamand, les problèmes liés au chômage et à la crise économique sont également prioritaires, cette année. « Non seulement l’université n’envisage aucune augmentation des scolarités pour l’ensemble de l’année, mais elle a multiplié les aides et les bourses », explique le doyen d’admission et chef des scolarités, Walid Moubayed, tout en indiquant que les étudiants peuvent échelonner leurs frais d’université sur 9 mois, sans intérêt. « Le travail des étudiants est également une solution couramment pratiquée au sein de l’université », ajoute M. Moubayed, précisant qu’ « il est toujours possible de trouver des solutions pour venir en aide aux étudiants ». Des frais en augmentation Même engagement de la NDU qui multiplie les moyens de venir en aide à ses étudiants. « Nous ne refusons pas l’inscription d’élèves qui ont accumulé des retards de paiement, et avons mis en place un système de paiement par échelonnement, sans compter les aides, bourses et réductions qui sont très importants », indique Souhail Matar. De son côté, la LAU a elle aussi pris la décision de ne pas effectuer de hausse de scolarité pour l’ensemble de l’année universitaire. « Nous avons même consacré un montant supplémentaire de 3 millions de dollars aux aides financières destinées aux étudiants, précise Christian Oussi, portant à 13 millions de dollars le montant des aides pour l’année 2006-2007. » De leur côté, les deux universités privées regroupant le plus grand nombre d’étudiants, l’USJ et l’AUB, poursuivent leur traditionnelle politique d’aide, avec, certes, une attention spéciale aux cas particuliers découlant du dernier conflit. « Pour faire face à cette situation sociale particulièrement difficile, observe le père René Chamussy, nous avons créé “l’opération 7 jours” d’aide aux villages sinistrés, alors que le fonds de solidarité poursuit son action de soutien financier aux élèves ayant souffert de la guerre et à ceux qui se trouvent dans l’incapacité de payer les frais d’université. » Même son de cloche à l’AUB qui accorde réductions, bourses et aides financières, tout en privilégiant le travail rémunéré des étudiants. « Nous prêtons une attention toute spéciale, cette année, aux cas particuliers », observe Maha el-Azar, précisant que les dossiers d’aide financière sont traités au cas par cas. Mais au niveau de ces deux universités, une légère augmentation du prix des crédits semble inévitable en cours d’année, pour faire face à l’augmentation du coût de la vie et aux nouveaux investissements. « Nous ne pourrons pas y échapper », déplore le père René Chamussy. « L’augmentation ne dépassera pas les 2 % cette année », précise, quant à elle, Maha el-Azar. Il reste à espérer que l’ensemble des étudiants pourront suivre, alors que la crise n’en finit pas de sévir. Il reste surtout à espérer que cette difficile étape que traversent les universités leur permettra de poursuivre leur quête de l’excellence au niveau de l’enseignement. Des mesures pour éviter les tensions politiques entre les étudiants Les tensions politiques entre étudiants de factions adverses constituent un problème de taille au sein des campus universitaires. Discussions animées, houleuses même, menant à la bagarre, ont déjà été observées à plusieurs reprises dans certaines facultés durant les dernières années, notamment à l’occasion d’élections estudiantines ou d’un quelconque événement politique. C’est la raison pour laquelle certaines universités ont pris des mesures exceptionnelles pour que l’année universitaire 2006-2007 se déroule sans incidents, allant jusqu’à annuler les élections estudiantines, alors que d’autres ont préféré donner davantage de liberté aux étudiants, estimant que cette liberté aboutira au respect de l’autre. La LAU a vécu l’année dernière des périodes de grande tension entre étudiants appartenant à des courants politiques adverses. Incidents à l’issue desquels des étudiants ont été renvoyés. « C’est pour éviter que de tels incidents se reproduisent, notamment durant cette période de grande tension politique, que la direction de l’université a pris la décision d’annuler les élections estudiantines cette année. Le conseil estudiantin sera le même que celui de l’année dernière », précise à ce propos Christian Oussi, ajoutant que l’établissement a voté une nouvelle loi qui prône le respect par l’étudiant du langage démocratique. Mais de leur côté, l’USJ, la NDU, l’AUB et l’Université de Balamand ont refusé d’annuler les élections, estimant que celles-ci privilégient le dialogue et la démocratie. Mais elles ne peuvent s’empêcher de fixer certaines limites aux étudiants, par peur des débordements. Quant à l’USEK, elle n’organise pas d’élections estudiantines. « C’est dans le règlement de l’université », précise à ce propos Wissam Moussallem. Anne-Marie EL-HAGE
Après un démarrage hésitant, fait d’incertitude et de doute, suite au départ précipité d’un grand nombre d’étudiants et d’enseignants durant les mois de juillet et d’août, les universités semblent avoir retrouvé leur vitesse de croisière d’avant-guerre. Mais les efforts des administrations pour le déroulement de l’année universitaire dans la normalité ne parviennent pas à masquer le malaise latent à plus d’un niveau. D’une part, et même si les chiffres donnés par six grandes universités sont éloquents sur le nombre d’étudiants inscrits pour l’année universitaire 2006-2007, un certain nombre d’étudiants n’a toujours pas réintégré les campus, préférant poursuivre l’année à l’étranger, notamment les étudiants en freshman et en mastère, ainsi que ceux de nationalité étrangère....