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Actualités - OPINION

LE POINT L’ombre de Saddam

Aimez-vous les histoires drôles ? Oyez donc celle-ci : ayant reçu par télépathie des informations en provenance des États-Unis, un GI avait contourné une pierre, l’avait soulevée et permis ainsi à ses camarades de découvrir la cache de Saddam Hussein. Et comment, je vous prie, a-t-on appris cela ? Mais tout simplement grâce à un médium qui avait travaillé autrefois avec la Central Intelligence Agency sur le sujet hautement stratégique des phénomènes paranormaux. On pourra trouver que cette étrange révélation est à mourir de rire, ce qui – on le comprend – ne doit pas être l’avis du principal intéressé, condamné avant-hier dimanche à être pendu haut et court jusqu’à ce que mort s’ensuive. Soyons sérieux. L’homme qui, près d’un quart de siècle durant, a dirigé son pays d’une main de fer méritait-il la sentence qui vient de le frapper ? Oui, et plutôt deux fois qu’une, serait-on tenté de dire, si de toute façon, avec le nouveau procès qui doit s’ouvrir aujourd’hui même, il ne risquait pas une nouvelle condamnation à la peine capitale. La question est plutôt de savoir si le tribunal chargé de le juger s’est acquitté convenablement de sa mission, si le jugement prononcé à la veille de consultations américaines dont l’issue s’annonce à tout le moins hasardeuse pour le Parti républicain et, par ricochet, pour le plus illustre de ses représentants, George W. Bush, ne laissait pas la fâcheuse impression d’être entaché d’arrière-pensées électorales. En un mot, si l’on ne se trouve pas en présence d’une affaire purement politique, avec tous les risques que cela comporte. Toutefois, tel ne semble pas être le cas, l’issue intervenue il y a quarante-huit heures n’étant pas de nature à influer sur la décision de l’Américain moyen appelé à accomplir son devoir. Par contre, l’honnête homme du Midwest pourrait être tenté d’estimer qu’après tout, la justice – à défaut de la coalition qui mène depuis trois ans et demi sur les bords de l’Euphrate un combat perdu d’avance – sort gagnante et que l’engagement pris à l’époque d’instaurer ne fut-ce qu’un semblant de normalité a été tenu, même si ce n’est que partiellement. Dès lors, libre au principal avocat de la défense, Khalil el-Douleymi, et aux partisans du chef de l’État déchu d’affirmer que l’on a eu affaire à une « justice des vainqueurs », avec toutes les conséquences que cela pourrait comporter. L’ambassade US dans la capitale irakienne n’a pas fait mystère, dès les premières séances du tribunal, de l’aide qu’elle a cherché à fournir en matière juridique et même logistique, reconnaissant dans le même temps que les magistrats ont rarement tenu compte de ses avis. D’où sans doute les incidents de parcours qui ont émaillé le déroulement du procès. Ainsi, trois avocats de la défense ont été assassinés, à quelques semaines d’intervalle ; le premier président nommé, le Kurde Rizgar Mohammad el-Amine, a démissionné en janvier et son successeur pressenti a été récusé pour des liens supposés avec le parti Baas, avant que le choix final ne se porte sur Raouf Rachid Abdel-Rahman, un homme à poigne c’est le moins qu’on puisse dire. Le tout premier contre-effet de ce procès qui aura duré neuf mois est que, plus que jamais et pour longtemps il faut le craindre, l’Irak se retrouve divisé. Entre sunnites d’un côté, chiites et Kurdes de l’autre, accréditant davantage encore la thèse d’un éclatement du pays en trois Irak distincts. Certains pourraient trouver farfelue l’idée ; à Washington, elle n’en est pas moins défendue par plusieurs membres, et parmi les plus éminents, de l’Administration. Inutile de dire qu’à Bagdad même, elle possède d’ardents partisans jusqu’au sein du gouvernement. Un autre contrecoup est représenté par la probabilité de voir les affrontements internes reprendre avec une violence accrue, sans qu’il soit loisible au corps expéditionnaire américain de reprendre le contrôle d’une situation qui, bien au contraire, lui échappera un peu plus, surtout si l’ancien dictateur venait à être exécuté – une opération qui revêtirait la forme d’un « meurtre légal », avertissait hier le Guardian de Londres. Si tel devait être le cas, on verrait éclore une nouvelle manifestation du phénomène de « martyrisation » fréquent dans les pays du tiers-monde. Toutefois, une éventuelle pendaison ne devrait pas intervenir avant le courant de l’année à venir, en attendant la fin de la procédure d’appel et probablement le procès d’Anfal dans lequel l’ancien homme fort est accusé de génocide contre les Kurdes, lors des campagnes militaires de 1987-88 qui avaient fait 180 000 victimes. Il reste enfin que face à la délicate entreprise représentée par un procès sans précédent dans les annales arabes, l’Amérique s’est retrouvée seule. Seule une nouvelle fois, serait-on tenté d’ajouter, tout comme elle l’avait été – enfin presque... – au moment du déclenchement de l’invasion. On peut craindre qu’aujourd’hui comme hier, elle semble mal armée pour s’en sortir indemne. Et l’Irak avec elle. Christian MERVILLE
Aimez-vous les histoires drôles ? Oyez donc celle-ci : ayant reçu par télépathie des informations en provenance des États-Unis, un GI avait contourné une pierre, l’avait soulevée et permis ainsi à ses camarades de découvrir la cache de Saddam Hussein. Et comment, je vous prie, a-t-on appris cela ? Mais tout simplement grâce à un médium qui avait travaillé autrefois avec la Central Intelligence Agency sur le sujet hautement stratégique des phénomènes paranormaux. On pourra trouver que cette étrange révélation est à mourir de rire, ce qui – on le comprend – ne doit pas être l’avis du principal intéressé, condamné avant-hier dimanche à être pendu haut et court jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Soyons sérieux. L’homme qui, près d’un quart de siècle durant, a dirigé son pays d’une main de fer...