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L’ordre international entre unilatéralisme et préservation des valeurs communes Débat universitaire à Genève sur la dimension juridique du dernier conflit au Liban Genève - de notre correspondant Zahi HADDAD

Constituée en juin dernier, l’Association suisse pour le dialogue euro-arabo-musulman (Asdeam) entend favoriser un rapprochement intellectuel entre les sociétés arabes et européennes. Première étape de cette démarche, une conférence publique donnée à l’Institut universitaire de hautes études internationales (HEI) de Genève sur le défi que constitue le conflit libano-israélien à l’ordre international et aux valeurs communes incarnées par l’idéal onusien. Un cas d’espèce qui s’est penché sur la dimension juridique du conflit. Interdisciplinaire, interculturelle et interprofessionnelle, la démarche de l’Asdeam vise à l’établissement, à terme, d’un centre de recherche capable d’appuyer la réflexion et le dialogue sur les relations entre les sociétés arabes et européennes. Dans l’immédiat, il s’agit pour l’Asdeam de se faire connaître. L’association a donc invité trois professeurs à s’exprimer, entre théorie internationale et exemple concret, sur le conflit libano-israélien, et sur le poids qu’il fait peser sur l’ordre international et ses institutions. « Le conflit du Liban renvoie aux trois niveaux des relations internationales : le local, le régional et l’international », affirme en préambule Yves Besson, vice-président de l’Asdeam et chargé de cours à l’Université de Fribourg, pour expliquer le choix de la thématique. « La riposte israélienne répond à une politique qui existe depuis 1948, poursuit l’ancien directeur de l’Unrwa. Cette vision est inadaptée par rapport à l’objectif, et doit amener Israël à se repenser en termes d’armement et d’ouverture politique. » En écho à cette introduction, le professeur Pierre de Senarclens, spécialiste des relations internationales, a déclaré que « l’on peut espérer qu’Israël fasse évoluer sa position en sortant des territoires occupés », ce qui ferait baisser la tension régionale. Mais le Genevois a rappelé que cela ne pourrait se faire sans une « pression convergente de ceux qui prétendent représenter la communauté internationale » et sans « une réforme des institutions internationales », alors même que le « droit international et ses dispositions sont bafoués », et que les « principes universalistes des Nations unies sont moins défendus ». Droit humanitaire et bombes non explosées Spécialiste de droit international, Vera Gowlland-Debbas s’est pour sa part arrêtée sur deux aspects d’un conflit : la justification de l’autodéfense et le principe de proportionnalité qui lui est accolé. À la deuxième question, elle a rappelé qu’une riposte doit se faire avec « la même force que celle qui est subie » et en aucun cas « de façon à se venger ou à punir ». La question de la justification est plus complexe en ce sens qu’elle amène d’autres dans son sillage : par exemple et dans ce cas particulier, l’autodéfense, si elle est justifiée, doit-elle aboutir à « l’escalade dans une région qui connaît des attaques régulières », et peut-on parler d’autodéfense contre un acteur qui n’est pas étatique et lorsqu’une riposte se fait contre tout un territoire ? Pour Mme Gowlland-Debbas, « il y a aujourd’hui un besoin de repenser la sécurité collective, et de réconcilier les principes de l’ONU et son inaction ». Dernier à prendre la parole, Georges Abi Saab est revenu sur les principes du droit humanitaire qui doit s’appliquer « abstraction faite des causes et des conflits ». Le professeur honoraire de HEI rappelle que « l’une des grandes conquêtes du droit humanitaire, c’est l’abandon de l’idée de réciprocité ». C’est-à-dire qu’on ne peut plus agir d’une certaine façon sous prétexte que l’autre partie au conflit agit justement de la même façon. Il souligne encore qu’en aucun cas des civils – qu’il s’agisse de personnes ou d’infrastructures – ne devraient être pris pour cible et que, en cas de frappes, les principes de proportionnalité et de précaution, dans le choix des armes et des cibles, devraient être pris en compte. Pour Georges Abi Saab, « au Liban ces principes n’ont pas du tout été respectés ». Et d’ajouter : « Il est contraire au droit humanitaire de demander à toute une région de partir (…) d’autant que – au Liban – tout mouvement (de population) a été pris pour cible, et qu’il y a eu une destruction massive de ponts et de routes. » Il termine son exposé en rappelant que les quelque « 500 000 à un million de bombes non explosées ont résulté en une terre brûlante – et non brûlée – où il n’est pas possible d’habiter ». Article 1er ignoré Répondant à une question sur le choix des panélistes et l’absence d’un représentant israélien, Yves Besson a insisté sur l’objectif du débat qui « n’est pas anti-israélien, mais qui veut voir comment défendre l’ordre international ». Georges Abi Saab a pour sa part réagi à une interrogation sur la responsabilité pénale dans le conflit : « Les crimes sont là, mais les tribunaux absents. Ce qui démontre un autre dysfonctionnement international. » Dernière intervention du public, celle de Cornelio Sommaruga, ancien président du CICR et actuel président du Centre international de déminage humanitaire, qui a regretté « l’absence de volonté de faire appliquer les conventions de Genève », soulignant à quel point cela constitue « un défi à moyen terme ». Rappelant les diverses violations du droit international humanitaire pendant le conflit de cet été, il a précisé que « l’article 1 commun aux quatre conventions de Genève demande que les parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter les dispositions des conventions ». Cornelio Sommaruga a aussi fait part de son inquiétude à court terme en estimant qu’une « solution devait être trouvée pour que ce genre de situation ne se reproduise plus », soulignant que « des négociations internationales urgentes sur Israël et la Palestine » devraient être entamées. À cette fin, M. Sommaruga a mentionné l’appel qu’il devait lancer à ce propos en milieu de semaine dernière avec 135 personnalités, telles que Mikhaïl Gorbatchev, Boutros Boutros-Ghali, Mary Robinson, Michel Rocard, Jimmy Carter, Jacques Delors, Roland Dumas, Bernard Kouchner, John Major, Desmond Tutu et Felipe Gonzalez. L’ordre international que nous connaissons s’oriente-t-il vers un « démontage des acquis » ? comme l’a demandé l’une des personnalités présentes. En réponse, Vera Gowlland-Debbas a conclu sur une note quelque peu perplexe : « Entre le retour à l’unilatéralisme et ceux qui sont attachés à ces acquis, je ne sais pas quelle sera l’issue. » Pour l’Asdeam et son président, Hassan Ghaziri, la prochaine étape consistera à « former un groupe de réflexion qui devra discuter de thèmes qui soient l’expression d’un dialogue, puis il s’agira d’établir le centre de recherche d’ici un à deux mois ».
Constituée en juin dernier, l’Association suisse pour le dialogue euro-arabo-musulman (Asdeam) entend favoriser un rapprochement intellectuel entre les sociétés arabes et européennes. Première étape de cette démarche, une conférence publique donnée à l’Institut universitaire de hautes études internationales (HEI) de Genève sur le défi que constitue le conflit libano-israélien à...