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ÉCOLES PUBLIQUES - Bâtiments inachevés, livres inexistants, fournitures inadaptées La rentrée scolaire au Sud, contre vents et marées, sur fond de problèmes multiples

Contre vents et marées, la rentrée scolaire a bien eu lieu, ce lundi 16 octobre, dans les écoles publiques du Sud. Mais c’est à une rentrée morose et souvent de pure forme que les élèves ont eu droit, principalement dans les villages et les écoles gravement détruits par la guerre. Les directeurs des établissements publics ont bien fait l’impossible pour respecter la date butoir, décrétée par le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ils ont eu beau mettre la main à la pâte pour accélérer les travaux de reconstruction ou de finissage, ils ont eu beau distribuer des coups de fil à droite et à gauche, harcelant ainsi le ministère, les donateurs ou les entrepreneurs : ils n’ont pu totalement venir à bout des problèmes de cette rentrée scolaire dans un délai aussi court. Bâtiments inachevés, retard dans la livraison des écoles préfabriquées, livres inexistants, fournitures scolaires insuffisantes et pas toujours adaptées aux besoins des élèves… La liste est longue et le résultat n’est certes pas à la mesure des efforts déployés. Certaines écoles n’ont toujours pas ouvert leurs portes, d’autres n’ont accueilli que les élèves préparant les examens officiels, d’autres encore souffrent d’une importante baisse du nombre de leurs élèves, alors que, dans la majorité des cas, les écoliers suivent les cours sans manuels scolaires et avec, pour seules fournitures, un crayon et une feuille sur laquelle ils griffonnent une vague dictée improvisée par le maître. Que dire aussi de l’environnement dans lequel évoluent aujourd’hui les élèves, marqué par la désolation, le deuil et la dangereuse présence des bombes à sous-munitions ? Malgré ce noir tableau, les directeurs d’école se veulent optimistes et assurent que les choses rentreront dans l’ordre après le congé du Fitr ou, au plus tard, d’ici à deux semaines. Tournée dans quelques écoles du Liban-Sud, notamment dans les villages de Froun, Tebnine, Bint-Jbeil, Aïn Ebel et Rmeich, où les problèmes varient en fonction de l’importance des destructions. Le choix de l’école tributaire du logement À l’école publique de Froun, village situé entre Nabatiyé et Bint Jbeil, la rentrée scolaire a bien eu lieu le lundi 16 octobre comme prévu. Les élèves, âgés de 3 à 17 ans, ont réintégré leurs salles de classe fraîchement repeintes. Mais le nombre est nettement en deçà des capacités de l’établissement. Certaines classes du primaire ne regroupent que quelques élèves seulement, alors que dans le complémentaire, les classes sont quasiment pleines. Vêtus de tabliers immaculés, les élèves, garçons et filles, suivent attentivement les explications de leurs enseignants. Mais sur leurs tables, pas le moindre livre, ni même le moindre cahier, juste une feuille de papier et un crayon. Alors, en attendant que les procédures administratives s’accélèrent pour que livres et fournitures soient distribués aux élèves, les maîtres improvisent une leçon ou quelques exercices de révision. Dans ce village envahi par l’armée israélienne quatre jours durant, la seule école publique, regroupant le primaire et le complémentaire, a été détruite « à 40 % par les bombardements et la présence de l’armée israélienne », observe le directeur de l’établissement, Ali Makki. Reconstruite grâce au programme d’aide émirati, l’école accueille déjà 115 élèves de la petite localité, un chiffre inférieur de 30 % à celui de l’année passée. « Mais les inscriptions ne sont pas terminées et les familles ne sont pas encore totalement installées », observe M. Makki avec un brin d’espoir. Il semble cependant accepter avec résignation le fait que nombre d’élèves ne retourneront pas à l’école de Froun cette année. « Certaines familles n’ont plus de maison et ont préféré inscrire leurs enfants dans des écoles anglophones des villages environnants, ou carrément à Nabatiyé ou à Tyr », indique-t-il, déplorant la baisse d’intérêt pour la langue française dans la région. Rien n’arrête pourtant la détermination de ce dynamique directeur. Le chantier de reconstruction vient à peine d’être terminé, au prix d’un travail ininterrompu. « Il ne manque plus que le finissage et le grand ménage », note-t-il, tout en s’excusant de la saleté des lieux faute de femme de ménage. Alors, pour rendre les lieux habitables, M. Makki a lui-même mis la main à la pâte. Reste le problème du retard dans la livraison des manuels scolaires. « Nous venons de recevoir du ministère de l’Éducation les bons d’achat des manuels scolaires. Je dois les remplir rapidement afin que les élèves puissent se procurer les livres », indique-t-il. Un horaire adapté au mois de jeûne Quant aux fournitures, « elles ne correspondent pas vraiment aux besoins des élèves du complémentaire, les cahiers sont trop petits et peuvent à la rigueur servir de brouillon, et puis la quantité est si limitée », dit-il, consterné, tout en montrant les fournitures offertes par l’Unicef et qui se limitent, pour chaque élève, à 4 cahiers, une petite boîte de crayons de couleur, 2 ou 3 crayons, une gomme et un taille-crayon. « Nous sommes à la recherche d’une solution avec les parents pour assurer aux élèves des fournitures plus adéquates », souligne-t-il, tenant à préciser que l’Unicef ainsi que nombre d’associations redoublent d’efforts pour que la rentrée scolaire se fasse dans les meilleures conditions possibles. « Mais en ce mois de jeûne du ramadan, les choses ne peuvent qu’aller lentement, d’autant que les cours s’arrêtent à 13 heures », précise M. Makki. La cour de récréation de l’école secondaire mixte de Tebnine grouille d’élèves. L’animation règne dans cette école qui accueille déjà 540 élèves, chiffre proche de la capacité maximale de l’établissement. L’essentiel des travaux de réparation est terminé grâce au fonds d’aide émirati. « La pression était très forte, mais nous avons relevé le défi », dit fièrement le directeur de l’établissement, Ahmad Hammoud, qui estime les dégats à 70 000 dollars environ. Mais ici aussi, des problèmes de livres et de fournitures se posent, et seuls les élèves de terminale, dont les cours ont débuté bien avant le 16 octobre, ont pu se procurer les manuels scolaires des librairies, contre une promesse de paiement. « Nous venons juste d’obtenir les bons du ministère de l’Éducation et les choses devraient rentrer dans l’ordre après la fête du Fitr, d’autant que les classes se prolongeront jusqu’à 14, voire 15 heures », indique encore M. Hammoud. Une rentrée retardée Mais à Bint Jbeil, le contraste est saisissant. Les salles de classe sont encore vides, les cours de récréation aussi. Les dommages causés par la guerre aux 6 écoles publiques du village sont considérables et il serait illusoire de penser que certains bâtiments pourront être opérationnels avant plusieurs mois. Seuls les élèves des classes préparant aux examens officiels ont commencé les cours, tant bien que mal, dans des bâtiments encore en chantier. Mais les directeurs d’école ne baissent pas les bras et se démènent pour faire avancer les choses, alors que la recontruction suit son cours grâce au fond d’aide qatari. « La rentrée scolaire se fera pas à pas, progressivement », assure la directrice de l’école primaire et complémentaire pour filles, Fatmé Anani. « Cette semaine, nous distribuerons aux élèves les bons d’achat délivrés par le ministère de l’Éducation pour les manuels scolaires. Nous leur donnerons également les fournitures », souligne-t-elle. Mais la rentrée se fera effectivement après la fête du Fitr et seulement pour trois classes dans un premier temps, car l’établissement a été très endommagé et des pans entiers de mur se sont effondrés. « Des bâtiments préfabriqués auraient bien fait l’affaire, observe Mme Anani. Je ne comprends pas pourquoi cette promesse a été vaine. » Résultat : lasses d’attendre l’ouverture de l’école ou n’ayant pas trouvé de logement, 17 familles ont retiré des attestations scolaires pour inscrire leurs enfants dans d’autres régions. Quelques ruelles plus loin, cependant, l’école secondaire de Bint Jbeil a retrouvé un aspect normal. Les travaux de réparation semblent terminés et quelque 600 élèves devraient reprendre les cours juste après le Fitr. Devant l’ampleur des destructions et des drames vécus durant cette dernière guerre par chaque enfant dans sa propre famille, son entourage ou sa propre chair parfois, il faudra bien plus qu’une rentrée scolaire pour panser les plaies. Indubitablement, la rentrée scolaire est le meilleur signe d’une normalisation souhaitée et attendue. Mais seul le temps soignera les blessures et les souffrances, à condition que les villages retrouvent leur aspect d’antan. Anne-Marie EL-HAGE
Contre vents et marées, la rentrée scolaire a bien eu lieu, ce lundi 16 octobre, dans les écoles publiques du Sud. Mais c’est à une rentrée morose et souvent de pure forme que les élèves ont eu droit, principalement dans les villages et les écoles gravement détruits par la guerre. Les directeurs des établissements publics ont bien fait l’impossible pour respecter la date butoir, décrétée par le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ils ont eu beau mettre la main à la pâte pour accélérer les travaux de reconstruction ou de finissage, ils ont eu beau distribuer des coups de fil à droite et à gauche, harcelant ainsi le ministère, les donateurs ou les entrepreneurs : ils n’ont pu totalement venir à bout des problèmes de cette rentrée scolaire dans un délai aussi court.
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