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Non-transmission de la nationalité - des enfants « étrangers dans leur propre pays » La femme arabe, citoyenne de seconde zone Mariam SEMAAN

Les codes qui régissent l’obtention de la nationalité dans la majorité des pays arabes stipulent que celle-ci est uniquement transmissible par le père. À cause de cette inégalité légalisée, les familles mixtes – de père étranger et de mère arabe – vivant dans le pays de la femme affrontent une multitude de problèmes administratifs et sociaux. En amont de ces tracas quotidiens, c’est une certaine conception du rôle de la femme dans les sociétés arabes et de son rapport à la citoyenneté qui transparaît à travers cette situation. Vous êtes une femme, ressortissante d’un pays arabe. Vous décidez d’épouser un « étranger » et d’avoir un enfant. Ne tombez pas des nues si, une fois devant le fonctionnaire de l’état civil pour procéder à l’enregistrement de votre nouveau-né, il vous affirme avec autorité que « non, Madame, vous ne pouvez pas transmettre votre nationalité à votre enfant ». En effet, dans la plupart des pays arabes, dont le Liban, la Jordanie, la Syrie, Bahreïn, le Maroc et la Tunisie, la législation en place stipule que seul l’homme peut transmettre sa nationalité à son épouse et à ses enfants. Ces lois pénalisent toutes les familles mixtes, mais sont particulièrement dures pour celles installées dans le pays de la femme, car le mari et les enfants n’y ont qu’un statut d’étrangers. À ce titre, ils sont privés de la gratuité liée aux droits sociaux dont bénéficient les nationaux, tels l’éducation ou les soins médicaux. Ils doivent aussi tenir compte des restrictions du droit foncier, concernant notamment l’acquisition de propriétés. Au Liban, par exemple, si les étrangers ont la possibilité d’acquérir, sous certaines conditions, des biens immobiliers, les Palestiniens, eux, sont totalement privés de ce droit. Bien sûr, il est interdit à ces « étrangers » de participer à la vie politique du pays, étant privés du droit de vote et de celui de l’éligibilité. Afin de pouvoir s’intégrer dans la société, mari et enfants devront subir à intervalles réguliers le calvaire des formalités administratives : permis de séjour à renouveler; permis de travail coûteux et soumis au bon vouloir de l’employeur, qui pourrait en profiter pour exploiter les « étrangers ». Autre interdiction, liée cette fois ci à la profession elle-même. Ils n’ont pas le droit d’exercer certains métiers, en particulier ceux institués en corporation : juriste, médecin ou ingénieur. Dans certains pays, dont le Liban, la liste des restrictions est encore plus longue. Insécurité et exclusion La situation de ces « étrangers » dans leur propre pays engendre inévitablement des sentiments d’insécurité, d’instabilité et d’exclusion, surtout parmi les classes sociales défavorisées. Mais c’est le sentiment d’injustice qui prédomine, car les codes de la nationalité en place sont en contradiction flagrante avec la Charte des droits de l’homme, et les conventions sur les droits de la femme signées par les pays arabes et qui prônent l’égalité pour tous. La loi crée en effet des inégalités entre l’homme et la femme, mais aussi entre les femmes elles-mêmes, ce qui donne lieu à des situations pour le moins aberrantes. Ainsi, par exemple, les enfants d’une Italienne qui a épousé un Jordanien se retrouvent avec plus de droits que les enfants d’une Jordanienne dans son propre pays ; et au Liban, l’enfant né de père inconnu acquiert automatiquement la nationalité libanaise. De faux problèmes Pourquoi donc les pays arabes ne modifient-ils pas leurs lois ? Les associations qui se sont mobilisées dans les différents pays pour tenter de modifier la législation actuelle affirment que les autorités officielles invoquent, en particulier, deux raisons : la crainte de provoquer un déséquilibre démographique ou confessionnel, et celle de favoriser l’implantation des Palestiniens dans les pays d’accueil. Les autorités craignent en effet que les Palestiniens ne commencent à épouser à tout-va des ressortissantes arabes, dans le seul but d’acquérir une nationalité. Mais pour Lina Bou Habib, directrice du Collective for Research and Training on Development Active » au Liban, les justifications des autorités ne tiennent pas la route : « Il n’y a aucune raison de penser que les “étrangers” vont déferler à la suite du changement des lois, ni qu’ils appartiendront nécessairement tous à la même confession. » Concernant le cas libanais, qui semble être le plus délicat à résoudre, Mme Bou Habib met les points sur les i : « Selon les statistiques, le nombre de Libanaises ayant épousé des Palestiniens s’élève uniquement à 1,1 %. Un chiffre qui est loin de pouvoir bouleverser l’équilibre démographique ou confessionnel du pays. » Elle soulève également un autre point relatif au droit au retour des Palestiniens : « Si une Palestinienne épouse un Libanais, elle acquiert la nationalité libanaise. Le droit de retour existerait-il uniquement pour les hommes ? » Pour Mme Bou Habib, la vraie nature du problème se situe donc ailleurs que dans les explications officielles. Elle est commune à l’ensemble des pays qui refusent encore de changer les lois, y compris le Liban. « La véritable raison au refus d’amender le code sur la nationalité est à chercher dans le rapport à la citoyenneté tel qu’envisagé dans les pays arabes. Les dirigeants ne croient simplement pas que les femmes soient des citoyennes égales aux hommes », dénonce-t-elle. Les lois actuelles sur la nationalité institutionnaliseraient l’idée de subordination de la femme dans le cadre d’États patriarcaux. Pour lutter contre cette conception du rôle de la femme dans la société, des associations revendiquent le droit à la transmission de la nationalité par la femme en Jordanie, en Syrie, au Liban, à Bahreïn, en Égypte, au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Néanmoins, si ces associations luttent de concert, à travers des campagnes coordonnées et globales, au niveau des résultats, en revanche, elles ne sont pas toutes au même stade. À ce jour, seules l’Algérie et l’Égypte ont réussi à faire modifier leurs lois, permettant aux femmes de gagner une bataille dans la longue lutte vers la reconnaissance de leurs droits.
Les codes qui régissent l’obtention de la nationalité dans la majorité des pays arabes stipulent que celle-ci est uniquement transmissible par le père. À cause de cette inégalité légalisée, les familles mixtes – de père étranger et de mère arabe – vivant dans le pays de la femme affrontent une multitude de problèmes administratifs et sociaux. En amont de ces tracas quotidiens, c’est une certaine conception du rôle de la femme dans les sociétés arabes et de son rapport à la citoyenneté qui transparaît à travers cette situation.
Vous êtes une femme, ressortissante d’un pays arabe. Vous décidez d’épouser un « étranger » et d’avoir un enfant. Ne tombez pas des nues si, une fois devant le fonctionnaire de l’état civil pour procéder à l’enregistrement de votre nouveau-né, il vous affirme avec...