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RECONSTRUCTION - Une commission mixte planche sur les solutions adéquates après les destructions de juillet-août Quel sera le nouveau visage de la banlieue sud ?

Pour les uns, il faut revenir à la situation d’avant la guerre ; pour d’autres, il ne saurait être question d’un urbanisme non règlementaire Quel sera le visage de la banlieue sud après la reconstruction ? Privilégier les logements et commerces, ou les rues larges et les espaces verts, en brisant ainsi le carcan de la banlieue intra-muros ? Le débat est lancé au sein de la commission chargée par le Premier ministre, Fouad Siniora, de dresser un bilan exhaustif des destructions, d’évaluer les dégâts aux habitations et aux infrastructures, et de plancher sur la reconstruction des villages détruits au sud du Liban et sur celle de la banlieue sud de Beyrouth, sujet que nous aborderons dans cet article. Composée de représentants du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), de la Direction générale de l’urbanisme (DGU), du ministère des Déplacés, des municipalités, de l’ordre des ingénieurs et architectes, du Hezbollah et du mouvement Amal, la commission fait face à « des problèmes variés et complexes », plus précisément à Haret Hreik où deux secteurs, Bir el-Abed et Roueiss, ont été sévèrement touchés, et trois autres, les rues Hadi Nasrallah et Ahmad Kassir, ainsi que le « périmètre de sécurité », qui abritait avant la guerre les sièges des principales institutions politiques, sociales et culturelles du Hezbollah, ont été totalement rasés. «La localité a besoin de nouvelles approches en matière de planification et de gestion urbaines. La reconstruction doit être soumise à un plan directeur sur lequel nous devons nous baser pour éviter toute action hasardeuse », indique Samir Doumit, président de l’ordre des architectes et ingénieurs. Il révèle que les responsables libanais ne veulent pas d’un urbanisme « non réglementaire » et qu’il serait « impossible de revenir à la situation qui prévalait avant la guerre. Le plan d’urbanisme prévoyait par le passé des bâtiments de quatre à six étages, or on a atteint les dix. Si les infractions commises ont été “régularisées” par un arrêté ministériel datant de 1995, les nouvelles constructions ne peuvent plus bénéficier de ce dispositif. C’est la loi qui le dit ». Doumit estime, par ailleurs, que « vu le nombre de copropriétaires, il serait urgent de créer un organisme régulateur qui serait chargé de gérer le projet. À défaut, la reconstruction pourrait prendre dix ans ». Ceci n’est pas l’avis de M. Samir Daccache, président de la municipalité de Haret Hreik. Rejetant formellement l’idée d’une société foncière gérant la reconstruction, Daccache déclare que tout projet « de déplacement de la population est une atteinte au droit de l’individu ». Aussi, pour assurer le retour de la population, « nous voulons reconstruire les quartiers tels qu’ils étaient, c’est-à-dire avec la même densité. Nous refusons de baisser le nombre d’unités de logements de 30 000 à 20 000 comme certains le proposent », a-t-il ajouté. M. Daccache signale, en outre, que sur les quelque 30 000 logements détruits ou endommagés, « moins de 25 % sont en location ». Les habitants de Haret Hreik sont « à grande majorité propriétaires de leur bien » et, par conséquent, leur retour est un « droit sacré ». Les « infractions ont été régularisées par la loi de 1995 » et « chaque violation de la loi comme, par exemple, l’installation de commerces aux rez-de-chaussée a été frappée d’une amende de 10 millions de livres libanaises », a poursuivi le président de la municipalité, soulignant que toutes les constructions sont légales et inscrites auprès du cadastre foncier. Elles ont été érigées « en vertu d’un permis de construire et aucun empiètement sur le domaine public ou sur la propriété des autres n’est à signaler ». En fait, à Haret Hreik, « il n’y a pas d’empiètement sur nos terrains », affirme le responsable du wakf maronite, le RP Issam Abi Khalil, qui dénonce en revanche de nombreux « débordements » à Choueifat, à Kfarchima, sur la route de l’aéroport où une partie de l’hôpital al-Zahraa occupe une parcelle appartenant à la communauté, ainsi qu’à Bourj el-Barajneh où le camp palestinien s’est installé sur des biens-fonds maronites. De leur côté, le RP Jean-Marie Chami et M. Émile Rahbani, respectivement responsables des wakfs grecs-catholiques et grecs-orthodoxes, ont déclaré que leur communauté ne possède pas des biens-fonds dans la banlieue sud de la capitale. Quant aux empiètements sur les propriétés strictement privées, ils sont loins d’être négligeables, mais il est difficile au stade actuel d’obtenir des informations précises à ce propos. Haret Hreik, le Stalingrad des spécialistes Sur un autre plan, en réponse au discours très critique sur le paysage urbain de Haret Hreik, qui apparaît comme une agglomération tentaculaire et anarchique, souffrant de l’insuffisance de ses équipements, le président de la municipalité indique que la localité « s’est développée suivant le plan établi par l’urbaniste français Michel Écochard » et que son infrastructure (électricité, routes, trottoirs, système de canalisation et de distribution d’eau, etc) date de 1996 et est « adaptée aux exigences de l’urbanisme moderne. Une partie infime de cette infrastructure a été détruite par les bombardements ». Samir Daccache, qui insiste pour « rebâtir les quartiers tels qu’ils étaient », préconise toutefois « des améliorations », en augmentant le coefficient d’exploitation. Ainsi, « en autorisant les constructions de dix ou douze étages, on pourra assurer les indispensables retraits sur rues, les zones de verdure et les bonnes conditions d’ensoleillement et d’aération ». De même, « il faudrait en profiter pour aménager des garages dans le sous-sol des nouveaux bâtiments et remédier au problème du trafic en traçant deux grandes artères, Minchieh/Mar Mikhaël et Alama/Moucharrafieh, qui aideraient à décongestionner la circulation », ajoute-t-il. Parallèlement, le CDR, la DGU et le mouvement Amal affichent une langue de bois. « Tout le monde a compris que le grand décideur est le Hezbollah », indique une source proche de la commission, révélant, toutefois, que les spécialistes considèrent « l’événement trop grand et l’occasion unique pour ne pas réhabiliter la banlieue, en matière de densité, d’amélioration, et en termes de symbole ». « C’est un peu notre Stalingrad. Peu importe qui en est l’auteur ou le bénéficiaire, souligne la même source. Il y a eu un séisme et le Liban pourrait en tirer un profit fabuleux sur le plan de l’urbanisme et sur le plan de la publicité, en lançant un concours international pour la reconstruction. Cette compétition devrait avoir comme cahier des charges aussi bien le relogement provisoire de la population que l’aspect social et politique de la reconstruction. Car où reloger une population qui est monochrome, pendant les cinq ou six ans de chantier ? Chaque responsable, chaque organisme politique ou étatique, ne peut que se pencher sur cette question. » La même source ajoute que d’autres experts pensent qu’il serait plus simple de « reconstruire la banlieue sud telle qu’elle était ». L’objectif aurait pour avantage de rassurer la population. « Et le Hezbollah ne perdrait pas de sa crédibilité, en assurant rapidement le retour des déplacés. » Néanmoins, aucune décision n’a été prise à ce niveau. Selon M. Hussein Rahhal, responsable au sein du Hezbollah, la commission étudie toujours « la solution adéquate tant sur le plan légal que sur le plan urbanistique » et le parti poursuit ses « consultations avec le gouvernement » dont le chef, Fouad Siniora, avait déclaré à plus d’une reprise que l’État assumera ses responsabilités envers les citoyens. Mais « nous ne savons pas encore quelle sera sa contribution », souligne Hussein Rahhal, qui a déploré la lenteur perceptible au niveau des aides concernant la restauration des maisons et commerces endommagés. Exproprier puis revendre De son côté, l’ancien président de l’ordre des ingénieurs et architectes, Assem Salam, considère que la planification de quelques quartiers détruits ne changera pas le visage de la banlieue sud, caractérisée par une très forte densité. Il fait observer que la reconstruction est avant tout un enjeu politique où une foule de facteurs est prise en compte et par conséquent la marge de manœuvre est « très complexe et confuse ». En outre, « il ne s’agit pas de dire quoi faire, où faire, comment faire, d’élaborer des plans, ensuite de les présenter, en disant appliquez-les. Qui va les appliquer ? Ce sont des promoteurs fonciers qui ont construit les immeubles pour les revendre en appartements. Les copropriétaires qui n’arrivent souvent pas à se mettre d’accord sur la maintenance des escaliers, comment vont-ils, aujourd’hui, s’entendre pour gérer cette situation ? Il faudrait soit une société qui a son expertise dans ce domaine, soit l’État pour mener à terme une telle opération. Le procédé le plus simple serait d’exproprier toute la zone sinistrée, d’indemniser les propriétaires, de replanifier, reconstruire puis revendre. Mais ce projet nécessite un climat politique sain ». Or dans la conjoncture actuelle... May MAKAREM
Pour les uns, il faut revenir à la situation d’avant la guerre ; pour d’autres,
il ne saurait être question d’un urbanisme non règlementaire

Quel sera le visage de la banlieue sud après la reconstruction ? Privilégier les logements et commerces, ou les rues larges et les espaces verts, en brisant ainsi le carcan de la banlieue intra-muros ? Le débat est lancé au sein de la commission chargée par le Premier ministre, Fouad Siniora, de dresser un bilan exhaustif des destructions, d’évaluer les dégâts aux habitations et aux infrastructures, et de plancher sur la reconstruction des villages détruits au sud du Liban et sur celle de la banlieue sud de Beyrouth, sujet que nous aborderons dans cet article. Composée de représentants du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), de la Direction...