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Actualités - CHRONOLOGIE

« Le Hamas et le Hezbollah ne peuvent pas avoir pris ces initiatives tout à fait seuls », affirme le président français Chirac : « Je me demande s’il n’y a pas une volonté de détruire le Liban »

PARIS, d’Élie MASBOUNGI Le président français Jacques Chirac s’est demandé hier, au cours de l’interview télévisée traditionnelle qu’il donne chaque année à l’Élysée à l’occasion du 14 Juillet, s’il n’y a pas aujourd’hui « une espèce de volonté de détruire le Liban, ses équipements, ses routes, sa communication, son énergie, son aérodrome ; et pourquoi ? » Le chef de l’État répondait aux questions de Patrick Poivre d’Arvor et David Pujadas, les deux journalistes chargés de l’interview dont la première question concernait la situation au Proche-Orient avec, au premier plan, le Liban et les bombardements qu’il subit depuis trois jours de la part des forces israéliennes en riposte à la capture de deux soldats israéliens. « Je suis tout à fait consterné », a commencé par dire le président Chirac, par ce qui se passe actuellement au Proche-Orient. « J’avais imaginé il y a quelques semaines qu’on était engagés sur la voie de la stabilité et de la paix. J’avais eu l’occasion à l’époque de rencontrer d’abord M. Mahmoud Abbas et ensuite, ici à Paris, M. Ehud Olmert, Premier ministre d’Israël, et j’avais le sentiment qu’on était bien engagés sur la voie de la paix. Et puis les événements ont contredit cette approche », a-t-il indiqué. « Dans une affaire de cette nature, tout le monde est responsable. Il y a effectivement un agresseur et un agressé, mais tout dépend de la définition que l’on donne à ces termes. Je voudrais d’abord me demander si j’en crois les dernières nouvelles, celles de ce matin, s’il n’y a pas aujourd’hui une espèce de volonté de détruire le Liban, ses équipements, ses routes, sa communication, son énergie, son aérodrome ; et pourquoi ? Le Liban est un pays avec lequel la France a, depuis très longtemps, des relations d’amitié et de solidarité. Donc, la France est particulièrement sensible à ce sujet et je trouve honnêtement, comme l’ensemble des Européens, que les réactions actuelles sont tout à fait disproportionnées », a poursuivi M. Chirac. « Il faut prendre maintenant des initiatives et elles sont urgentes. J’ai eu longuement hier, au téléphone, le secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, je lui ai suggéré une initiative, et je suis heureux qu’il l’ait finalement retenue, si j’en crois les précisions qui ont été faites ce matin et qui consistaient à envoyer de toute urgence une mission de l’ONU sur place. Une mission représentant le secrétaire général et apte à parler avec tout le monde. Cette mission qui doit aller au Liban – si elle peut y accéder, car, pour le moment, on ne peut pas atterrir à Beyrouth –, en Israël, à Ramallah et dans les principaux pays arabes concernés, l’Égypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie, le Qatar, et terminer par la Syrie. Je dis terminer par la Syrie parce qu’il y a sans aucun doute, au cœur de l’ensemble de ce problème, une action qui a besoin d’être discutée avec la Syrie », a noté le président français. « Ce que j’ai dit à Kofi Annan, c’est que l’objectif principal est d’obtenir la libération des prisonniers israéliens. Les trois soldats, dont celui qui a été enlevé par le Hamas, et les deux autres qui ont été pris par le Hezbollah au Liban. Cela est capital. Deuxièmement, il faut obtenir le cessez-le-feu total et, troisièmement, étudier les modalités de mise en œuvre d’une protection militaire à la frontière d’Israël et du Liban. Un peu du genre de ce que nous avions fait avec le Liban il y a une quinzaine d’années, une sécurité militaire internationale pour éviter ce genre de situation. Car, parmi les objectifs essentiels, il y a, de la part du Hezbollah et du Hamas, la nécessité de cesser les tirs de fusées du territoire palestinien sur Israël, qui sont réguliers maintenant, ce qui est inadmissible, inacceptable et irresponsable. Il y a donc une espèce de processus, porté d’une part par le Hamas et d’autre part par le Hezbollah, qui entre dans le système provocation-répression et qui risque de nous emmener Dieu seul sait où et, en tout cas, le Liban au drame. Ces gens sont absolument irresponsables, notamment à l’égard des populations du Liban », a souligné Jacques Chirac. Prié de dire si l’on peut voir derrière tout cela la main de l’Iran, le chef de l’État français a refusé de porter un jugement définitif sur ce point. « Mais j’ai le sentiment, pour ne pas dire la conviction, que le Hamas de son côté et le Hezbollah du sien ne peuvent pas avoir pris ces initiatives tout à fait seuls et qu’il y a, par conséquent, quelque part un soutien de la part de telle ou telle nation », a-t-il noté. Et le président Chirac de conclure sur le chapitre du Liban : « Je me réjouis que le secrétaire général de l’ONU ait accepté d’envoyer cette mission. J’ai également demandé que l’UE envoie d’urgence M. Solana. Je pense que cela sera mis en application. Nous devons en tout cas être en permanence et prendre des initiatives sur cette affaire qui est tout à fait dramatique. » De son côté, le Premier ministre Dominique de Villepin a estimé hier que la situation au Proche-Orient exigeait « beaucoup de vigilance » et de « mobilisation » de la part de la communauté internationale. Ce 14 Juillet « a une dimension particulière dans la mesure où on salue l’armée et que nous sommes dans une période troublée sur la scène internationale », a-t-il déclaré en arrivant à la garden-party de l’Élysée, en allusion à l’escalade de la violence régionale. « C’est une période d’inquiétude qui exige beaucoup de vigilance et beaucoup de mobilisation de la part de la communauté internationale si l’on veut que la paix puisse être maintenue au Proche-Orient », a dit Dominique de Villepin. « Cela implique pour la diplomatie française et pour l’ensemble de la diplomatie européenne et occidentale une vigilance et une mobilisation particulières », a-t-il ajouté. Solidarité avec le Liban Par ailleurs, comme à chaque fois que le Liban est soumis à rude épreuve, la France exprime sa solidarité avec les Libanais, une règle encore de mise hier. Alors que l’homme de la rue, sans même avoir pris connaissance des réactions officielles françaises, estimait que les opérations militaires israéliennes étaient brutales et condamnables, le palais de l’Élysée et le Quai d’Orsay ont réprouvé les bombardements israéliens tout en déplorant la capture des deux soldats israéliens par le Hezbollah. Premier à s’exprimer sur l’offensive israélienne, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, a donné le ton en jugeant la riposte israélienne à l’enlèvement des deux soldats israéliens comme étant disproportionnée avec l’acte lui-même. À l’Élysée, la même réaction a été reflétée par l’entourage du président Chirac qui a consacré une bonne partie de son temps à prendre contact avec le président égyptien Hosni Moubarak, le secrétaire général de l’ONU, le roi Abdallah de Jordanie, et qui a par ailleurs répondu aux appels téléphoniques de personnalités de premier plan, dont M. Saad Hariri. À l’heure de son point de presse quotidien, M. Jean-Baptiste Mattei, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a évoqué la situation explosive au Liban-Sud, réaffirmant la ferme condamnation de la France telle qu’exprimée par son ministre et rappelant que la France est favorable à un déploiement renforcé de la Finul pour prévenir une escalade encore plus dangereuse. Chirac accusé d’« absence de détermination » Il convient par ailleurs de signaler que la secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, a accusé hier le président Jacques Chirac d’« absence de détermination » concernant la crise au Moyen-Orient. Alors que, selon elle, « les Libanais, toutes tendances confondues, attendent de la France qu’elle soit à leurs côtés pour préserver leur indépendance et leur autonomie », le président en est resté à une proposition de « vague mission de l’ONU » dans la région. « Il a fait porter les responsabilités d’un côté », a affirmé Mme Buffet dans une allusion au Hezbollah et au Hamas. Dans une réaction similaire, la Ligue communiste révolutionnaire a accusé le président français d’avoir « amnistié la politique israélienne ».
PARIS, d’Élie MASBOUNGI

Le président français Jacques Chirac s’est demandé hier, au cours de l’interview télévisée traditionnelle qu’il donne chaque année à l’Élysée à l’occasion du 14 Juillet, s’il n’y a pas aujourd’hui « une espèce de volonté de détruire le Liban, ses équipements, ses routes, sa communication, son énergie, son aérodrome ; et pourquoi ? »...