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Actualités - REPORTAGE

Enquête express - Déçus par la diplomatie et par le laxisme des responsables libanais, les habitants de la région encore occupée par Israël ne jurent que par le Hezbollah

Le tracé des fermes de Chebaa existe depuis longtemps déjà, estiment les propriétaires Exposés 24 h sur 24 au regard scrutateur de l’occupant israélien, les habitants du village de Chebaa semblent désormais habitués à cette « manœuvre » que leur inflige l’armée de l’État hébreu, postée sur la colline d’en face. Habitude ne signifie pas cependant soumission, encore moins renoncement à un droit sacro-saint que réclament près de 65 familles originaires de ce petit village, à savoir la propriété des fermes de Chebaa et de Kfarchouba. Le village, qui se déploie en dégradé le long de la vallée, est bordé, du côté nord-est, par ce qu’on appelle communément les portes des fermes, occupées par Israël depuis 1967. À l’entrée de celles-ci, un grand panneau arborant les photos des trois soldats israéliens enlevés par le Hezbollah en 2002 dans une opération spectaculaire effectuée par-delà la ligne bleue. Les soldats kidnappés avaient servi, quelques années plus tard, de monnaie d’échange pour la libération de près de 160 prisonniers arabes et libanais détenus par l’État hébreu. Majoritairement sunnite, Chebaa n’a jamais manqué à son devoir de soutien à une résistance chiite qui s’est engagée à leur restituer les hameaux occupés. Dans ce village, qui comptait à l’origine près de 36 000 habitants, on ne jure que par la Résistance qui incarne désormais tous leurs espoirs. Après avoir épuisé les recours juridiques et politiques et frappé aux portes des responsables locaux et internationaux, les propriétaires des fermes occupées ont décidé de s’en remettre à des moyens de dissuasion autrement plus musclés, ceux que leur offre le Hezbollah, « la seule entité qui a fait ses preuves contre le redoutable occupant », disent-ils. Cependant, si l’appui à la Résistance chiite est inconditionnel, les avis au village sont nuancés en ce qui concerne le rôle futur du parti en ce qui concerne la libération des fermes. Le président de la municipalité de Chebaa, Omar Zouhayri, ne voit aucun inconvénient à ce que la résistance s’inscrive désormais dans le cadre « d’une stratégie de défense globale définie en coopération avec l’armée dans le cadre d’un projet d’État ». Encore faut-il que les responsables libanais s’entendent sur une vision et une stratégie commune, ce qui est loin d’être le cas. Devenue un problème international majeur autour duquel gravite un ensemble de problèmes sécuritaires, diplomatiques voire même économiques, la question de l’appartenance des fermes de Chebaa préoccupe plus d’une partie libanaise et internationale, du fait notamment de ses répercussions géopolitiques dans la région. Quand bien même ces hameaux ne font pas plus de 225 km2, la crise suscitée du fait de leur occupation par Israël a été, à ce jour, lourde de conséquences sur le plan local aussi bien qu’au niveau des relations libano-syriennes et, par ricochet, libano-israéliennes, légitimant ainsi une résistance devenue « désuète » à l’ombre du nouvel ordre international, incarné notamment par la 1559. Une seule chose est aujourd’hui quasi certaine : les fermes sont libanaises et personne ne peut plus se dérober à cette réalité flagrante à condition que la bonne foi existe entre les parties au conflit. Ce qui n’est vraisemblablement pas le cas, si l’on en croit les positions exprimées par les notables de Chebaa. L’ambassadeur Ala avait reconnu la libanité des fermes Militant au sein du « Comité des citoyens du Arkoub », Yahya Ali poursuit inlassablement son combat pour faire admettre – à l’intérieur comme à l’extérieur – la libanité des fermes, dont une partie revient à sa famille. Directeur d’école, M. Ali passe le plus clair de son temps à convaincre les responsables libanais et internationaux de la justesse d’une cause qu’il défend bec et ongles aux côtés de Mohammad Hamdane, président du comité. « Le problème de la propriété des hameaux n’est pas récent comme le prétendent certaines parties. Il date des années 50 », insiste-t-il. Yahya Ali ne comprend absolument pas pourquoi les participants à la table de dialogue persistent à parler de délimitation (préalablement au tracé définitif) puisque, dit-il, « les fermes sont délimitées depuis belle lurette. Tous les responsables le savent déjà ». De plus, ajoute notre interlocuteur, les documents prouvant la propriété de ces fermes ont été scellés dans un ouvrage que le comité a distribué depuis des décennies aux parties concernées, y compris aux Nations unies. « L’Organisation internationale est au courant de ce dossier depuis les années 60 », témoigne le directeur de l’école. Ce dernier rappelle en effet que M. Hamdane avait entamé depuis la fondation du comité, en 1958, des contacts intensifs avec les parties concernées. Une copie des documents comprenant notamment les titres de propriété, les documents administratifs et les cartes représentant les fermes, y compris les reçus de taxes payées à l’État libanais par les propriétaires, avaient été remis aux responsables onusiens de l’époque, raconte M. Ali. « L’occultation par les Nations unies des revendications persistantes des propriétaires témoigne clairement d’une politisation à outrance de ce dossier », souligne-t-il. Ses rencontres avec plusieurs officiers de l’ONU, venus enquêter sur le terrain, atteste du bien-fondé de ses propos et justifie son emprisonnement, en 1988, par les forces israéliennes « pour avoir fourni des informations aux officiels de l’ONU ». Ces derniers étaient venus enquêter sur place sur demande du Premier ministre, Sélim Hoss. Une semaine plus tard, Yahya Ali, qui avait remis tous les documents aux officiers de la Finul, s’est retrouvé dans la prison de Hasbaya, qui était à l’époque sous contrôle de l’État hébreu. Cela ne l’empêchera pas de reprendre, une fois libéré, son combat. En 2003, il se réunit avec cinq autres officiers de la SIRA (l’équipe onusienne chargée de faire respecter la trêve de 1949). C’est alors qu’il entendra enfin, de la bouche de l’officier australien, une « reconnaissance » qu’il attendait depuis des années : « Les fermes sont libanaises », lui déclare ce dernier qui précise toutefois que l’appartenance des hameaux continuera de faire l’objet de tergiversations au plan international. « Elles seront tantôt syriennes, tantôt libanaises, selon les besoins et les circonstances du moment », lui confiait alors le responsable. Tout avait été dit, ou presque. À son tour, René Ala, ambassadeur français au Liban en 1989, reconnaîtra la libanité des fermes avant d’insister auprès des propriétaires sur la nécessité de passer de la situation de facto à la situation de jure, pour officialiser cette reconnaissance. « M. Ala s’était appuyé sur des cartes officielles que détient le gouvernement français », raconte Yahya Ali. Selon lui, la France a changé d’attitude depuis. « Elle fait désormais preuve de manque de fermeté et refuse de trancher cette question cruciale », ajoute le directeur de l’école. Retour donc à la case départ pour les fils de Chebaa et du Arkoub qui se trouvent, une fois de plus, pris dans l’engrenage d’une équation internationale des plus complexes. « C’est aux Libanais et aux Syriens d’apporter la preuve de la libanité de ces fermes », martèle l’ONU qui considère à ce jour les fermes comme étant syriennes. Damas s’obstine de son côté à ne pas trancher, laissant ses voisins libanais s’enliser dans un imbroglio politico-juridique sans fin. Convaincus de l’inefficacité du recours diplomatique, les habitants de Chebaa misent sur le Hezbollah. Pour le comité des citoyens de Chebaa et du Arkoub, la solution est on ne peut plus simple : le gouvernement devrait adopter un projet de loi officialisant la souveraineté libanaise sur ces fermes. « Cette initiative ne requiert aucune contribution ou reconnaissance, a priori, de la Syrie. Damas pourra simplement contester, a posteriori, une fois la libanité confirmée », soulignent les parties concernées. Mais nous n’en sommes pas encore là, disent-ils. Pour eux, la balle est dans le camp de l’équipe au pouvoir. Jeanine JALKH
Le tracé des fermes de Chebaa existe depuis longtemps déjà, estiment les propriétaires

Exposés 24 h sur 24 au regard scrutateur de l’occupant israélien, les habitants du village de Chebaa semblent désormais habitués à cette « manœuvre » que leur inflige l’armée de l’État hébreu, postée sur la colline d’en face. Habitude ne signifie pas cependant soumission, encore moins...