Le 4 mai, la majorité parlementaire a voté et entériné la loi sur la réorganisation de la communauté druze, une loi que le chef de l’État avait renvoyée place de l’Étoile après un premier vote. Rejetée par la faction prosyrienne de la communauté, la nouvelle loi, qui comprend 55 articles, n’est, selon ses initiateurs, ni une « aventure » ni un « complot ». Au contraire, elle permet, à leurs yeux, de moderniser les institutions de la communauté et de gérer, au-delà des dissensions politiques internes, ses affaires. Tout d’abord, la nouvelle loi dote la communauté d’un parlement, c’est-à-dire d’un Conseil communautaire élu par la population druze, et qui à son tour désignera le cheikh Akl, mettant fin à un système d’alternance où le chef spirituel de la communauté était tour à tour issu de...
Actualités - CHRONOLOGIE
Une nouvelle loi pour moderniser les institutions de la communauté Civils et religieux druzes bientôt appelés aux urnes pour élire leur Conseil communautaire
Par MAKAREM May, le 12 mai 2006 à 00h00
Le 4 mai, la majorité parlementaire a voté et entériné la loi sur la réorganisation de la communauté druze, une loi que le chef de l’État avait renvoyée place de l’Étoile après un premier vote. Rejetée par la faction prosyrienne de la communauté, la nouvelle loi, qui comprend 55 articles, n’est, selon ses initiateurs, ni une « aventure » ni un « complot ». Au contraire, elle permet, à leurs yeux, de moderniser les institutions de la communauté et de gérer, au-delà des dissensions politiques internes, ses affaires. Tout d’abord, la nouvelle loi dote la communauté d’un parlement, c’est-à-dire d’un Conseil communautaire élu par la population druze, et qui à son tour désignera le cheikh Akl, mettant fin à un système d’alternance où le chef spirituel de la communauté était tour à tour issu de chacun des deux courants politiques, Joumblatti et Yazbaki. Il sera désormais, et conformément à la nouvelle législation, élu par le Conseil communautaire, lui-même désigné par les membres de la communauté. De même, pour empêcher toute mainmise sur les biens fonciers et les donations, la nouvelle loi restructure le Comité des waqfs, qui aura à remplir un rôle important sur le plan financier.
Ce sont les experts juridiques Talal Jaber et Ghassan Mahmoud, chargés des affaires législatives au sein du Parti socialiste progressiste auprès du Parlement, qui ont élaboré la loi visant à la réorganisation de la communauté druze. Le Conseil communautaire regroupera quelque 80 personnalités et aura la charge de tutelle et de contrôle de toutes les affaires non religieuses. Il est formé par les membres permanents, dits « de droit », et les membres « élus ». Les premiers sont les députés et anciens députés, les ministres en fonction, les juges auprès des tribunaux religieux ainsi que les membres du Conseil constitutionnel et du Conseil supérieur de la magistrature. Les représentants des professions libérales, les professeurs d’universités, les mandataires civils et religieux des régions où résident les druzes constituent, quant à eux, les membres choisis par voie de suffrages. « Chacun sera élu par la catégorie à laquelle il appartient. Les avocats seront désignés par les avocats, les médecins par les médecins, les ingénieurs par les ingénieurs, les dignitaires religieux par les cheikhs des majlis ou khaloué et les représentants des régions par les membres des conseils municipaux et les moukhtars », explique Me Jaber.
Une fois formé, le Conseil communautaire se réunira pour élire le cheikh Akl et les comités, administratif, financier, culturel, religieux, juridique mais aussi, et surtout, le Comité des tutelles des waqfs, qui sera chargé de gérer les donations, les biens de la communauté, et de contrôler toutes les opérations de développement et d’investissement et les soumettre à l’approbation du Conseil communautaire. « L’article 9 de la loi stipule qu’il est interdit de vendre, d’acheter ou d’hypothéquer tout bien appartenant à la communauté. Tout contrat immobilier ou toute opération financière doiventt être approuvés et votés par les 3/4 des membres du Conseil communautaire. De même, tout bail à loyer ne devrait pas excéder une période de cinq ans et ne peut être renouvelable que s’il obtient l’assentiment des trois quarts des membres du Conseil. L’article 9 de la présente loi annulera ipso facto tous les contrats immobiliers déjà signés par le passé », souligne encore Talal Jaber, ajoutant qu’« il est interdit à la personne du cheikh Akl ou à un membre du Conseil communautaire et des comités, ou même à leur épouse ou à un membre de leur famille d’entreprendre des affaires immobilières ou de disposer des biens du waqf ».
C’est le cheikh Akl druze qui sera aux commandes du Conseil communautaire et un nombre de conditions doivent être réunies par le candidat prétendant à ce titre. Outre le fait d’être pieux et initié à la doctrine depuis cinq ans au moins, le cheikh Akl doit avoir 40 ans révolus mais ne dépassant pas les 75 ans. Il sera élu pour 15 ans, son mandat pouvant être prorogé suivant une procédure précise. « La nouvelle loi a renforcé ses prérogatives. Il jouit sur le plan national du même respect, des mêmes droits et privilèges que les chefs spirituels des autres communautés libanaises. » Ses pouvoirs couvrent l’ensemble des domaines liés aux affaires spirituelles des druzes qu’il représente auprès des autorités officielles et des autres communautés. Mettant également l’accent sur « la création d’un cadre administratif prévoyant 82 postes qui seront financés par l’État », Me Jaber signale pour conclure que dès que la loi entrera en vigueur, le cheikh Akl actuel, Bahjat Gaïth, devra appeler les électeurs à désigner les membres de leur Conseil communautaire. S’il refuse, il revient alors au juge Nohad Hariz, président du tribunal d’appel de la communauté, d’organiser les élections.
Pourquoi Talal Arslane conteste ?
Ancien magistrat, membre du Comité national islamo-chrétien pour le dialogue, professeur à l’Université Saint-Joseph, vice-président de la banque BBAC et auteur de plusieurs ouvrages dont Les druzes, vivre avec l’avenir, Abbas Halabi explique que « dans le rapport de force qui existe actuellement au sein de la communauté, et plus précisément entre les deux courants historiques, il est évident qu’une grande majorité pro-Joumblatt va remporter les élections du Conseil communautaire, l’assemblée qui va élire le nouveau chef spirituel. Or, Talal Arslane visait un bazar politique fondé sur un partage équitable des représentants au Conseil qui serait formé de 50 % de Joumblattis et de 50 % d’Arslanis. Joumblatt a refusé le marché ».
« La nomination de cheikh Bahjat Ghaïth a été contraire à la loi et a été contestée depuis le début », ajoute Halabi, rappelant qu’à la veille de sa mort, feu cheikh Akl Mohammad Abou Chakra aurait confié dans une lettre à Bahjat Ghaïth la mission de lui succéder, à titre provisoire et pour une période déterminée, le temps d’élire un nouveau cheikh Akl spirituel. « Or, dans aucun article de la loi, on peut lire que le cheikh Akl peut choisir son successeur, et cette lettre avait soulevé de nombreux points d’interrogation. Mais, à l’époque, Walid Joumblatt et les dignitaires religieux avaient cédé devant le fait accompli, à la condition d’organiser dans les plus brefs délais l’élection d’un nouveau chef spirituel. Initiative que Ghaïth n’a pas prise. C’était en 1991, et depuis, il est arrivé ce qui est arrivé… »
Cela fait aujourd’hui 15 ans que Bahjat Ghaïth est aux commandes, et « l’institution d’un mandat de 15 ans, stipulé par la nouvelle loi, lui permettra de sortir sans perdre sa dignité », révèle Abbas Halabi, ajoutant pour conclure qu’« aucun druze ne peut se sentir lésé par une loi démocratique qui permettra à tout un chacun de participer à l’élection du Conseil communautaire qui élira le nouveau chef spirituel ».
May MAKAREM
Le 4 mai, la majorité parlementaire a voté et entériné la loi sur la réorganisation de la communauté druze, une loi que le chef de l’État avait renvoyée place de l’Étoile après un premier vote. Rejetée par la faction prosyrienne de la communauté, la nouvelle loi, qui comprend 55 articles, n’est, selon ses initiateurs, ni une « aventure » ni un « complot ». Au contraire, elle permet, à leurs yeux, de moderniser les institutions de la communauté et de gérer, au-delà des dissensions politiques internes, ses affaires. Tout d’abord, la nouvelle loi dote la communauté d’un parlement, c’est-à-dire d’un Conseil communautaire élu par la population druze, et qui à son tour désignera le cheikh Akl, mettant fin à un système d’alternance où le chef spirituel de la communauté était tour à tour issu de...