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TRIBUNE La gouvernance d’entreprise n’est pas une notion universelle

Par le Dr Karim S. REBEIZ, PhD AUB Suliman S. Olayan School of Business (Finance) Le concept de gouvernance d’entreprise a suscité un intérêt considérable suite à l’éclatement de la bulle Internet et aux scandales financiers d’envergures internationales, à l’instar de ceux qui ont secoué Enron, Arthur Anderson, Worldcom, Parmalat, Vivendi et autres. Malgré tout, l’idée de ce que représente vraiment la gouvernance d’entreprise est encore méconnue dans les différents cercles financiers. Quelle est donc la gouvernance d’entreprise ? De façon succincte, on pourrait définir la gouvernance d’entreprise comme étant un système de supervision de l’entreprise par l’entremise d’un conseil d’administration composé de directeurs pour s’assurer que l’organisation soit justement gérée et de façon adéquate pour préserver les droits des intéressés (actionnaires et autres) contre les conflits d’intérêts et tout abus de pouvoir de la part des dirigeants. Tout a débuté suite à la révolution industrielle et la Première Guerre mondiale. Ces deux événements majeurs ont profondément modifié la forme et la configuration des organisations et, par conséquent, ont créé une nouvelle donnée au niveau de la propriété et du contrôle de l’organisation. Les entreprises ont dû se plier aux nouvelles exigences du marché et se doter d’une nouvelle structure opérationnelle de plus grande envergure afin de subvenir aux besoins croissants d’une nouvelle classe de consommateurs. Les propriétaires ne pouvant donc plus subvenir aux besoins financiers des nouvelles entreprises (vu leurs ampleurs et leurs complexités) ont alors décidé de fusionner leurs ressources financières. Ceci a mis un terme à la concentration de la propriété aux mains de quelques groupuscules (les familles) pour céder la place à la fragmentation des actionnaires. Et c’est ainsi que beaucoup de compagnies familiales furent graduellement remplacées par les grands conglomérats et que la gérance de l’entreprise fut prise en charge par une entité professionnelle et totalement détachée des actionnaires (les dirigeants ou managers). Cette séparation de pouvoir entre les fournisseurs des ressources financières (les actionnaires) et les dirigeants (les agents) a donné lieu à un conflit d’agence contractuelle. Une entité indépendante, le conseil d’administration, a donc été créée afin de donner aux actionnaires une représentation au niveau interne de la société. Le rôle des directeurs est donc de se porter garant des droits des actionnaires. La fonction des directeurs est d’instaurer un contrôle vigilant sur les décisions prises par les dirigeants et de s’assurer qu’elles ne vont pas à l’encontre des intérêts des actionnaires. Dans cette optique, il est important de faire la distinction entre la gouvernance d’entreprise et la gérance de la société. Les dirigeants gèrent la société au jour le jour (« Corporate Management »), alors que les directeurs supervisent l’entreprise de façon vigilante (« Corporate Governance ») mais sans gêner (ou pire importuner) les dirigeants dans leurs décisions quotidiennes. Cependant, la gouvernance d’entreprise a évolué différemment dans le monde, en s’adaptant aux us et coutumes de chaque région et culture. Dans les pays anglo-saxons (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne, Australie et autres), le droit de l’actionnaire prime avant tout (« Shareholders Rigottes »). C’est pourquoi, à chaque trimestre (au moment des bilans financiers), il existe une pression accrue sur les entreprises pour avoir des rendements conformes aux attentes du marché. La notion d’indépendance du conseil d’administration (vis-à-vis des dirigeants) est donc primordiale pour le bon fonctionnement de cette entité. Les dirigeants sont responsables vis-à-vis des directeurs, et les directeurs sont redevables aux actionnaires. Les activistes, tels que les fonds de pension, sont d’ailleurs très actifs, surtout aux États-Unis (« Shareholder Activistes »). D’ailleurs, ils ne ménagent aucun effort pour favoriser la nomination de directeurs indépendants au sein du conseil d’administration, c’est-à-dire des personnes qui n’ont aucune affiliation personnelle et professionnelle avec les dirigeants de l’entreprise. Selon la même logique, ils encouragent la dissociation des fonctions de président et du directeur général. Par contre, l’allégeance inconditionnelle du conseil d’administration aux actionnaires n’est pas aussi répandue dans les pays européens. En effet, le droit des intéressés, autre que les actionnaires, est pris en compte, comme par exemple le droit des syndicats ouvriers, des employés, des banques, des fournisseurs, du gouvernement et de la communauté en général (« Stakeholders’Rights »). Au Japon, il existe de facto une obligation morale de la part de tous les intéressés (employés, actionnaires, créanciers et autres) d’agir dans l’intérêt suprême de l’entreprise. Bien qu’il existe un conseil d’administration, son indépendance n’est pas de rigueur. D’ailleurs, la plupart des directeurs sont aussi les dirigeants de l’entreprise. Le système islamique est un concept original et relativement récent et dont l’importance ne cesse de croître de jour en jour. Dans ce contexte religieux, les dirigeants sont responsables vis-à-vis des directeurs, et les directeurs sont redevables à Dieu. Le droit divin prend la priorité par rapport au droit des intéressés de l’entreprise qu’ils soient actionnaires ou autres. Toutes les transactions de l’entreprise doivent être faites en conformité avec la jurisprudence musulmane (« charia »). Ce modèle requiert un audit à double dimension religieuse et financière et donc nécessite la création d’un conseil de supervision spécial (« Charia conseil de supervision »). Le rôle de ce conseil est de s’assurer que la pratique des opérations de gestion ne va pas à l’encontre des normes islamiques comme, par exemple, la spéculation financière, le gain sur les taux d’intérêt à zéro risque et la pratique du commerce de l’alcool et du porc. En fin de compte, il n’existe pas de notion universelle de gouvernance d’entreprise bien que la globalisation de l’entreprise et la convergence des pratiques financières faciliteraient une harmonisation des différents systèmes existant à travers le monde, mis à part le système islamique qui représente en lui-même un cas particulier.

Par le Dr Karim S. REBEIZ, PhD
AUB Suliman S. Olayan School of Business (Finance)

Le concept de gouvernance d’entreprise a suscité un intérêt considérable suite à l’éclatement de la bulle Internet et aux scandales financiers d’envergures internationales, à l’instar de ceux qui ont secoué Enron, Arthur Anderson, Worldcom, Parmalat, Vivendi et autres. Malgré tout, l’idée de ce que représente vraiment la gouvernance d’entreprise est encore méconnue dans les différents cercles financiers. Quelle est donc la gouvernance d’entreprise ? De façon succincte, on pourrait définir la gouvernance d’entreprise comme étant un système de supervision de l’entreprise par l’entremise d’un conseil d’administration composé de directeurs pour s’assurer que l’organisation soit justement gérée et de façon...