La nouvelle est passée presque inaperçue, éclipsée qu’elle était par l’interruption subite du dialogue national et la vive polémique opposant Walid Joumblatt au Hezbollah.
Il s’agit de la mise en garde lancée lundi par le numéro deux du FPLP-CG Anouar Raja aux congressistes de la place de l’Étoile. Avant même que de songer à désarmer les camps palestiniens, a-t-il souligné dans une conférence de presse tenue à Bourj al-Barajneh, il faut satisfaire les droits civiques et sociaux des réfugiés, et en particulier leur droit au travail et à la propriété foncière ; autrement, on n’aura fait que planter des bombes à retardement et créer des ilôts d’insécurité. Message parfaitement clair en effet, puisqu’il somme le Liban de choisir entre l’absorption des centaines de milliers de Palestiniens résidant sur son territoire et une cession de souveraineté non exempte pour autant de sérieux risques de guerre. Et ce choix entre deux maux, c’est en ce moment précis, crucial entre tous, qu’il nous est proposé.
Certes, le Commandement général n’a guère la stature d’un Fateh en termes d’effectifs et d’audience malgré l’impressionnante brochette d’initiales dont il se pare. Mais c’est un des groupuscules palestiniens les plus remuants et surtout, il est totalement inféodé à cette Syrie qui nous poursuit inlassablement de ses fraternelles attentions. Ainsi, c’est essentiellement au FPLP-CG qu’étaient destinés les convois d’armements affluant, ces dernières semaines, à travers la frontière syrienne. Et le déploiement de fedayine hors de l’enceinte des camps, notamment dans la paisible localité côtière de Naameh, c’était encore le fait de cette organisation. Par le verbe comme par les actes, voilà donc quelle sorte de contribution apportent Damas et ses instruments au succès de ce dialogue interlibanais appelé à reprendre lundi et dont un des thèmes les plus épineux est précisément le désarmement du Hezbollah et des camps, réclamé par la résolution 1559 de l’ONU.
Ce n’est pas là seulement, toutefois, affaire de timing. Car déjà au sortir de la guerre, en 1991, de telles revendications étaient officiellement avancées par une délégation unifiée représentant les divers camps du Liban. Étaient réclamés le droit au travail, à la résidence, à la liberté de circulation ; le droit à la propriété, mais aussi celui d’exercer des droits politiques, telle la création de conseils municipaux, l’adhésion à des partis panarabes et la création de journaux et autres médias ; les Palestiniens exigeaient, de même, l’accès à toutes les professions qui leur étaient interdites au Liban, de même que leur intégration aux syndicats professionnels locaux. L’été dernier, un arrêté du ministre du Travail levait l’interdit de dizaines de types d’emploi, les professions libérales demeurant réservées toutefois aux Libanais, de même que divers métiers artisanaux.
Ce même été voyait aussi un développement extraordinaire avec la première prétention publique, déclarée, des Palestiniens à la citoyenneté des États hôtes ; elle était formulée au niveau le plus élévé, c’est-à-dire par le président de l’Autorité autonome en personne,qui venait de visiter officiellement le Liban et la Syrie. Ce ne serait pas là encourager l’implantation des Palestiniens, faisait idylliquement valoir Mahmoud Abbas dans une interview à la télévision de Dubaï : car nationaux arabes ou non, les Palestiniens de la diaspora s’empresseront de regagner leur patrie d’origine dès l’instant où cela leur deviendra possible. C’est cette même logique que défendait peu après le délégué palestinien à la Ligue arabe, se heurtant aussitôt à la vigoureuse opposition du représentant du Liban, l’ambassadeur Abdellatif Mamlouk.
Non point évidemment que les Libanais soient dénués de cœur, qu’ils soient insensibles à l’exil forcé des Palestiniens. Mais de tous les pays d’accueil arabes, le nôtre est à l’évidence le moins bien armé pour encaisser le choc communautaire, politique et social que produirait une intégration formelle ou larvée, franche ou rampante d’une telle masse de réfugiés : il n’y survivrait tout simplement pas, à la différence de bien d’autres voisins arabes. C’est ce même Liban pourtant que se sont acharnées à disloquer, par leurs errements, les organisations de combat palestiniennes. C’est ce même et fragile Liban que le régime baassiste de Syrie a méthodiquement fragilisé avant la guerre pour mieux se l’approprier, une fois qu’il eut enfin émergé bien cuit du brasier où avaient fini par le plonger les diaboliques machinations régionales, israéliennes et autres.
Reste à déplorer les incohérences d’une communauté internationale préoccupée c’est vrai par l’explosive question des camps armés, mais qui ne se démène pas trop pourtant pour remettre enfin sur rails le processus de paix au Proche-Orient. Que dire enfin de la candeur, du stupéfiant angélisme que donnent à voir certains esprits charitables qui, en se proposant d’alléger les souffrances des uns, en viennent à compromettre – même de bonne foi – les intérêts vitaux des autres ?
Un exemple en est ce rapport récemment publié par un institut norvégien d’études internationales appliquées (www. fafo.no/). La Norvège, qui a parrainé comme on sait l’accord israélo-palestinien d’Oslo, accorde par ailleurs une généreuse assistance à l’Autorité autonome. Elle ne saurait en être assez remerciée. Mais peut-être certains chercheurs feraient-ils bien de mieux chercher. Ceux du Fafo paraissent s’étonner ainsi que les réfugiés soient écartés de la fonction publique au Liban, alors que ce n’est pas le cas en Syrie et en Jordanie (?). On pourra découvrir encore dans ce rapport – tiens, tiens – qu’en raison notamment du chômage, le revenu annuel moyen d’un réfugié, évalué à 5,5 millions de LL, est inférieur à celui des citoyens libanais. Lesquels Libanais – mais on s’écarte du sujet de l’étude – sont eux-mêmes en proie au chômage, ce qui se traduit par un exode des jeunes, et cela à cause d’une crise vieille déjà de plusieurs décennies. Crise que l’on doit en grande partie… au corps du sujet.
Issa GORAIEB
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