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Mesures strictes et mutisme de rigueur Place de l’Étoile, soldats et journalistes croisent les doigts pour éloigner les mauvaises ondes
Par HADDAD Scarlett, le 03 mars 2006 à 00h00
L’histoire circulait hier parmi les journalistes, lassés d’attendre des informations qui ne filtraient point, sur le huis clos des leaders de ce pays. Comment les chefs de parti, de bloc, ou les représentants des communautés allaient-ils meubler la longue soirée à l’hôtel Étoiles suites ? Les pronostics annonçaient que Berry et Nasrallah feraient une partie de trictrac, Walid Joumblatt jouerait aux échecs contre lui-même et Samir Geagea à la roulette russe. Quant au général Aoun, il ferait la navette entre les uns et les autres pour essayer de jouer contre tous… L’histoire se veut significative de l’état d’esprit des principaux protagonistes. Elle reflète surtout l’ennui des journalistes contraints de guetter le passage d’un conseiller pour tenter d’obtenir quelques échos.
Totalement quadrillé, le périmètre du siège du Parlement était pratiquement fermé aux citoyens non dotés d’un laissez-passer spécial. Des agents de la sécurité faisaient même le guet dans les égouts pour éviter toute infiltration par le bas, avec une relève toutes les trois heures. Et seul un chat de gouttière faisait librement le tour de la place de l’Étoile, à la recherche d’une introuvable pitance.
Il a donc fallu attendre 15 heures et la pause déjeuner pour apercevoir enfin Samir Geagea et Saad Hariri côte à côte, se dirigeant du siège du Parlement vers le restaurant de l’hôtel. Entourés chacun de ses conseillers, les deux hommes se sont rapprochés l’un de l’autre pour poser ensemble devant les caméras. Mais en réponse à une question sur ce qu’il pense de Saad Hariri, Geagea a déclaré en souriant qu’il s’agit d’un sujet personnel. Les deux hommes tenaient en tout cas à montrer que leur alliance allait au-delà des simples questions politiques.
Par contre, Geagea a été plus bavard pour parler de Hassan Nasrallah, qu’il a trouvé très courtois et correct. Selon les rares témoins, lorsque le chef des FL est entré dans la salle, Nasrallah était déjà debout, et les deux hommes se sont salués naturellement. Mais les témoins affirment que même si cela n’avait pas été le cas, Geagea aurait pris l’initiative de tendre la main à Nasrallah, dans sa volonté de montrer son ouverture d’esprit et son désir sincère de dialoguer dans le respect des divergences.
Après Geagea et Hariri, les autres personnalités ont commencé à sortir du siège du Parlement, certaines happées par les journalistes, d’autres passant inaperçues. L’un des plus médiatisés a été le général Michel Aoun, qui a été contraint, à cause de la pression des journalistes, à une première déclaration sur les marches du Parlement, avant d’en faire une seconde devant l’horloge. Il était tellement entouré de représentants des médias, qui avançaient avec lui, que ses gardes du corps l’ont perdu de vue. Se rendant brusquement compte qu’il était arrivé près de l’hôtel, ils se sont mis à courir pour le rattraper, dans une scène digne d’un film policier. Par contre, Hassan Nasrallah et Walid Joumblatt, qui, selon les témoins, ont échangé de vigoureuses salutations et des sourires pendant la séance du matin, sont restés invisibles, certains affirmant qu’ils ont quitté les lieux par un passage souterrain reliant les deux bâtiments du Parlement à un parking.
Apparemment, les débats de la matinée ont donc été très détendus, d’autant que le premier point à l’ordre du jour n’était pas vraiment litigieux. Mais c’est dans les séances suivantes que les discussions risquent d’être animées, notamment au sujet de la présidence de la République. Selon les proches de Geagea, ce problème devrait être réglé au cours de ces séances de dialogue par un consensus sur le départ de Lahoud, alors que les sources proches de Nabih Berry affirment que le sujet n’est pas aussi simple et qu’il s’agit bien plus de s’entendre sur l’étape future que sur le départ du chef de l’État.
Mais tout le monde était d’accord pour considérer que c’est bien parce qu’il y a de telles divergences que ces séances ont été organisées. Et les différents conseillers estimaient que le fait pour les protagonistes d’avoir accepté l’idée de ce dialogue à huis clos est le signe qu’ils sont prêts à faire des compromis et qu’il n’y a plus de sujets tabous.
Les plus optimistes affirmaient que les réunions ne devraient pas se prolonger au-delà de dimanche et les plus sceptiques se demandaient comment on pourrait régler tous les problèmes en suspens en près de 72 heures. Quant à un haut fonctionnaire du Parlement, il avait placé des grigris contre le mauvais œil près de la porte d’entrée de la salle des réunions, pour empêcher les mauvaises ondes d’y entrer.
Et à ceux qui se moquaient de lui, il déclarait : « Il vaut mieux ne prendre aucun risque. »
Il ne reste donc plus aux Libanais qu’à croiser les doigts. Qui sait, le miracle peut se produire.
Scarlett HADDAD
L’histoire circulait hier parmi les journalistes, lassés d’attendre des informations qui ne filtraient point, sur le huis clos des leaders de ce pays. Comment les chefs de parti, de bloc, ou les représentants des communautés allaient-ils meubler la longue soirée à l’hôtel Étoiles suites ? Les pronostics annonçaient que Berry et Nasrallah feraient une partie de trictrac, Walid...
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