La scène sur le site...
Actualités - CHRONOLOGIE
Environnement - Les ONG écologiques mettent en cause la municipalité et le ministère Fumant et se désagrégeant, le dépotoir de Saïda fait atteindre des taux intolérables à la pollution marine
Par BAAKLINI Suzanne, le 01 mars 2006 à 00h00
On ne peut pas dire que le dépotoir de Saïda n’a donné aucun signe précurseur de l’effondrement, lundi, de sa partie ouest dans la mer. Les incendies et les effondrements de cette montagne d’ordures, d’une quarantaine de mètres de haut, sont réguliers et fréquents, et le problème dure depuis des décennies. Aujourd’hui, la question qui se pose naturellement est de savoir pourquoi les responsables locaux et nationaux ont fait preuve de négligence à traiter un problème dont souffre toute la ville sudiste, voire toute la côte. Entre-temps, les effluves asphyxient une grande partie de la ville et les centaines de tonnes d’ordures qui se sont retrouvées en mer font peser de gros risques à la vie et la biodiversité marines de gros risques, frappant de plein fouet la pêche locale artisanale.
La scène sur le site du dépotoir est édifiante : les flammes s’élèvent de l’énorme tas d’ordures depuis plusieurs jours. Partout, le spectacle dégoulinant des détritus laminés par les effondrements successifs et le feu. Du sommet du dépotoir, auquel on accède par une route de sable conçue pour les camions, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil vers la plage au-dessous pour ressentir une infinie tristesse : des îlots de déchets s’élèvent au-dessus de la surface de l’eau, et on peut aisément imaginer le spectacle qu’offre actuellement le fond marin. Les courants nord-sud étaient très forts hier, et c’est vers le lointain que les ordures échappées du tas ont dû voguer.
Comme pour confirmer cette image, une plage située à plus d’un kilomètre du dépotoir offre un spectacle inouï. La côte, sans exagération, y est tapissée d’ordures depuis l’effondrement. En certains endroits, les détritus, manquant de place, se sont amassés en monticules. À y voir de plus près, on comprend qu’il ne s’agit pas du tout de simples ordures ménagères : la présence de nombreuses seringues prouve que les déchets hospitaliers finissent eux aussi dans le dépotoir, et que dorénavant les plages n’en seront pas dépourvues. Sombre perspective quand on pense aux foules de l’été. Pour l’instant, il n’y a sur la plage que deux jeunes amoureux qui, tout à leur bonheur, ne semblent même pas prêter attention au dégoûtant tapis d’ordures. Peut-être même qu’une pareille scène s’est banalisée aux yeux de ces enfants de la ville…
Les conséquences des effondrements successifs du dépotoir de Saïda sont nombreuses et touchent de multiples secteurs. Elles ont été dénoncées hier par deux écologistes qui se sont rendus sur place pour constater les dégâts, Waël Hmaïdane, porte-parole de Greenpeace au Liban, et Mohammad Sariji, président du syndicat des plongeurs professionnels. Ils ont mis notamment en cause la municipalité de Saïda et le ministère de l’Environnement. « La municipalité n’adopte pas la bonne technique quand le dépotoir brûle, constate M. Sariji. Elle lance du sable sur les flammes, ce qui alourdit le tas de détritus et cause l’effondrement, ajoutant un problème au problème initial. » Il se fait l’écho des doléances des pêcheurs, durement touchés par la pollution.
M. Hmaïdane, pour sa part, considère que « le traitement du dépotoir n’a rien de très difficile », rappelant que la Fondation humanitaire al-Walid ben Talal a accordé un don de cinq millions de dollars à la municipalité à cette fin. « La municipalité et le ministère se sont nettement rendus coupables de négligence dans ce dossier, dit-il. C’est la dixième fois qu’un tel effondrement a lieu. Il est temps que les spécialistes puissent définir les points faibles et agir en conséquence. » Selon lui, les traces de l’effondrement se font sentir non seulement le long de la côte libanaise, mais au niveau de plusieurs pays du bassin méditerranéen comme la Grèce, la Turquie ou la Syrie. Certains d’entre eux, comme la Grèce, ont déjà porté plainte au gouvernement libanais.
Rappelons que le jour même de la catastrophe, la Fédération des municipalités de Saïda-Zahrani avait tenu une réunion pour discuter du problème, et que son président, Abderrahman Bizri, avait précisé qu’une étude préliminaire en vue d’un traitement serait prête dans les prochains jours, et serait transmise au ministère de l’Environnement. À ce sujet, M. Hmaïdane fait remarquer qu’« à chaque crise, nous entendons les mêmes paroles, mais sans résultat ». Il a ajouté que, outre le traitement du dépotoir, il fallait retirer les ordures tombées dans l’eau, ce qui est faisable à l’aide d’un équipement adéquat, selon lui.
« Nous refusons que, comme solution, la municipalité suggère l’enfouissement des déchets dans la mer, poursuit M. Sariji. La seule façon acceptable de procéder est le tri des déchets, puis leur traitement, comme cela s’est déjà fait au Liban. Le compost qui en résultera, s’il est impropre à l’agriculture, servira pour les jardins publics. » Les deux écologistes affirment que l’action des ONG et des pêcheurs se poursuivra en vue de mettre un terme à cette situation.
Outre le dégoût qu’inspire le spectacle d’un dépotoir sauvage en pleine déchéance, sachant que celui de Saïda est loin d’être le seul sur la côte libanaise, il ne peut que pousser également à la méditation sur les sombres perspectives d’une crise des déchets que les responsables libanais ne semblent toujours pas disposés à résoudre, et qui, tant que la situation demeure inchangée, ne peut que s’accentuer.
Suzanne BAAKLINI
On ne peut pas dire que le dépotoir de Saïda n’a donné aucun signe précurseur de l’effondrement, lundi, de sa partie ouest dans la mer. Les incendies et les effondrements de cette montagne d’ordures, d’une quarantaine de mètres de haut, sont réguliers et fréquents, et le problème dure depuis des décennies. Aujourd’hui, la question qui se pose naturellement est de savoir pourquoi les responsables locaux et nationaux ont fait preuve de négligence à traiter un problème dont souffre toute la ville sudiste, voire toute la côte. Entre-temps, les effluves asphyxient une grande partie de la ville et les centaines de tonnes d’ordures qui se sont retrouvées en mer font peser de gros risques à la vie et la biodiversité marines de gros risques, frappant de plein fouet la pêche locale artisanale.
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