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Actualités - OPINION

Perspectives - Le chef de l’État s’obstine à rester amarré à l’esprit de l’ère syrienne révolue L’éviction de Lahoud, une nécessité qui s’inscrit dans la logique même de l’histoire

Lors de la prorogation du mandat du président Émile Lahoud, en septembre 2004, le général Michel Aoun avait souligné sans ambages, de son exil parisien, que le chef de l’État n’achèverait pas ses trois années de rajout imposées par le tuteur syrien. Jugement perspicace lorsque l’on se rappelle que l’histoire contemporaine du Liban a montré à quel point les volontés de reconduction des mandats présidentiels ont été des expériences plus que malheureuses, pour ne pas dire désastreuses pour le pays. En mai 1948, la Chambre des députés a ainsi reconduit le président Béchara el-Khoury dans ses fonctions, mais le père de l’indépendance de 1943 a dû présenter sa démission en septembre 1952, sous la double pression de la rue et de l’opposition. En 1958, les rumeurs persistantes sur les velléités du président Camille Chamoun de renouveler lui aussi son mandat ont constitué le catalyseur, ou le prétexte, de l’insurrection initiée à l’époque par l’Égypte de Nasser pour contrer la politique jugée prooccidentale du président Chamoun. Le 13 avril 1948, Michel Chiha publiait dans le quotidien Le Jour un éditorial dans lequel il critiquait, sans complaisance, la décision du président Béchara el-Khoury (pourtant son beau-frère, ami et allié) de solliciter auprès de la Chambre un deuxième mandat, à compter de 1949. Michel Chiha écrivit sur ce plan : « Si la loi constitutionnelle a disposé il y a 22 ans (en 1926) que le président ne serait rééligible qu’après six années, c’était pour empêcher chez lui toute tentation de penser à soi avant de penser au pays. » Dans le cas précis du président Lahoud, d’aucuns pourraient arguer du fait que la prorogation était le fruit non pas d’une volonté du chef de l’État de « penser à soi », mais plutôt le résultat d’un contexte régional bien précis qui aurait motivé les desiderata du président syrien Bachar el-Assad de maintenir Émile Lahoud au pouvoir. Cela rend la prorogation encore plus illégitime. Et la campagne de l’alliance du 14 Mars plus que normale et … impérative. Aurait-il, en effet, été concevable, à titre d’exemple, que le premier gouvernement de la France libre, après la libération et l’entrée du général De Gaulle à Paris, accepte le maintien du général Pétain à la tête de l’État ? Le départ du président Lahoud est non seulement une nécessité, mais il s’inscrit surtout dans la logique de l’histoire. D’autant que par son attitude ces derniers mois, le chef de l’État a apporté la preuve qu’il ne parvient pas à se défaire des réflexes pavloviens créés par l’ex-tuteur syrien. Si bien qu’il n’a pas songé à sourciller d’un brin lorsque son Premier ministre en exercice s’est fait insulter ouvertement et publiquement par le président syrien. Il n’a pas fait montre, par contre, d’autant d’égards envers un homologue étranger lorsqu’il s’est agi de lancer de accusations gratuites – voire farfelues – contre le président Jacques Chirac dont l’action soutenue et continue en faveur du Liban a été explicitement rappelée, samedi, par Fouad Siniora. Le Liban a définitivement tourné l’an dernier la page de trente ans d’occupation et de tutelle. Il a reconquis sa deuxième indépendance, au prix du sang et d’une mobilisation populaire sans précédent dans l’histoire du pays. Les Libanais se trouvent devant une opportunité inespérée de repenser ensemble les possibles fondements d’un nouveau contrat social. Dans l’immédiat, un dialogue national sur les grands dossiers en suspens pourrait être enclenché dans le courant de cette semaine, sous la houlette du chef du Législatif, avec la participation du Premier ministre. Le président de la République est non seulement totalement absent de la nouvelle dynamique fondatrice enclenchée par la révolution du Cèdre, mais il constitue, surtout, un obstacle majeur à l’émergence d’un Liban nouveau, du fait de son obstination à rester amarré à la logique de l’ère syrienne révolue. La secrétaire d’État américaine soulignait récemment que le Liban a besoin aujourd’hui d’un président qui regarde vers l’avenir plutôt que d’être du passé. Parce que l’histoire des peuples est une longue marche en avant, le départ du président Lahoud s’inscrit inéluctablement, à l’ombre du contexte présent, dans la logique même de l’histoire. Michel TOUMA
Lors de la prorogation du mandat du président Émile Lahoud, en septembre 2004, le général Michel Aoun avait souligné sans ambages, de son exil parisien, que le chef de l’État n’achèverait pas ses trois années de rajout imposées par le tuteur syrien. Jugement perspicace lorsque l’on se rappelle que l’histoire contemporaine du Liban a montré à quel point les volontés de...