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Actualités - CHRONOLOGIE

Relations avec Damas, 1559, Lahoud, enquête… : les ténors antisyriens haussent au maximum le plafond du dialogue national, mais n’ont plus droit à l’erreur

En harmonie avec un peuple prodige, la majorité livre enfin un retentissant programme macropolitique Les peine-à-jouir avaient déjà fait leurs calculs, ricanant déjà à l’idée d’une petite manif, d’une place de la Liberté ridiculement déserte, de quelque chose de rikiki, un sous-14 mars timide comme une gourgandine, aussi impressionnant qu’un pétard mouillé ; un nombre certain de bonnes âmes craignaient atrocement qu’ils n’aient raison. Sauf que les uns et les autres n’avaient pas prévu ou avaient oublié (dans le désordre) : l’omnipotence inouïe du fantôme de Rafic Hariri ; le sursaut d’éveil – mieux vaut tard que jamais – des leaders de l’ex-opposition du Bristol, pas encore conscients qu’ils sont désormais bel et bien au pouvoir ; l’hallucinante et implacable obstination d’un peuple prodigieux, déterminé à faire en sorte que les sangs versés ne servent qu’à ressusciter son pays, sa nation ; l’axiome selon lequel les dieux sont toujours, ou presque toujours, du côté des causes nobles, du côté des justes. C’est-à-dire des peuples prodiges. Prodigieux, et pas rancuniers, les Libanais l’ont été hier, puisqu’ils ont permis à la majorité au pouvoir non seulement de respirer, de se relever, de se débarrasser de ses béquilles, de se ressouder, d’être cohérente, d’être limpide même, mais aussi, et surtout, de livrer enfin, sur un plateau bleu blanc rouge, un véritable programme macropolitique pour les mois à venir, pour, sans doute, l’année 2006. Ce peuple a permis à cette majorité presque honteuse de l’être devenue, à cette majorité aux mille et un agendas, coupable de mille et un faux pas en un an, d’imposer, pour la première fois, à la patrie et à l’opposition, son rythme, et sa vision comme base de débat ; il lui a permis de prendre les devants, de cesser de subir, de réagir, il lui a donné des ailes pour agir enfin, l’autorisant à montrer à l’opinion publique arabe, régionale et internationale, que quand elle veut, elle peut. Surtout qu’au-delà des chiffres – quels qu’ils soient, ils restent époustouflants – l’événement d’hier était éminemment politique. Dans la forme comme dans le fond. Le ton utilisé n’a jamais été aussi violent, aussi virulent, aussi courageux, et il faudra des années, beaucoup d’années, pour qu’un discours, une harangue, un manifeste vienne supplanter les mots dits de Walid Joumblatt, véritablement bigger than life. Quant au fond, il a été triple. Un : Émile Lahoud, « le cinquième général », écrivaient les pancartes, doit impérativement quitter sinon la vie politique du moins la présidence de la République. Deux : Bachar el-Assad et son régime, comme l’actuel locataire de Baabda d’ailleurs, a été voué aux gémonies. Trois : le désarmement du Hezbollah n’est plus une affaire de l’État, il est devenu une affaire d’État, une nécessité incontournable pour la majorité – le sunnite Saad Hariri laissant le soin à ses partenaires druzo-chrétiens de faire campagne. Si cette majorité décide qu’il est largement temps de ne plus faire d’erreurs, si elle n’oublie pas de se lancer ensuite dans toutes les réformes, les conséquences politiques de l’inespéré séisme d’hier, innombrables, peuvent s’avérer retentissantes. D’abord et surtout en ce qui concerne ce fameux et toujours très virtuel dialogue parlementaire interne que Nabih Berry, visiblement totalement dépassé par les événements (Mar Mikhaël puis la place de la Liberté) est censé lancer. Sujets de ce dialogue : les relations avec la Syrie, la 1559, plus particulièrement les armes du Hezb, ainsi que l’enquête onusienne et son codicille, le tribunal international. La dyade CPL-Hezb veut normaliser ces relations bilatérales indépendamment des résultats de l’enquête et met des conditions, nombreuses et quasiment infranchissables, à un bien hypothétique désarmement. Tout en continuant à ne pas vouloir entendre parler, pour l’instant, de tribunal et encore moins d’élargissement ; tout en continuant aussi à protéger Émile Lahoud. Sauf que la majorité a fixé le plafond du débat tellement haut qu’il est à des années-lumière des bases du tandem politique maronito-chiite. Résultat des courses : les divergences sont tellement énormes qu’elles ne pourront mener qu’à un point de non-retour ou à une solution médiane avec des concessions des deux côtés. Rien d’autre. Le programme politique de la majorité tel que livré hier pose également une série de points d’interrogation corollaires : quid de l’initiative arabe (elle ne peut plus se faire qu’à la seule aune désormais du 14/02/06) ? Quid de la partielle de Baabda-Aley (tous les compteurs sont, au moins, remis à zéro, et l’importance d’un candidat réellement consensuel, Pierre Daccache étant sur la liste Aoun l’an dernier, de plus en plus pregnante) ? Quid des relations chrétienno-chrétiennes ? Quid, surtout, de l’annexion de Baabda par Émile Lahoud ? Quid, enfin, des rapports entre la majorité et l’opposition (la forme des futurs Conseils des ministres, l’inévitable course Mar Mikhaël/place de la Liberté) ? Ghassan Salamé a une réflexion précieuse : « Le Liban est devant un vrai choix : une dyade de populismes uniformes, CPL-Hezb, et la diversité pluraliste. Le vrai défi consiste à privilégier le second, et, surtout, à le traduire en pluralisme démocratique, c’est-à-dire essentiellement transconfessionnel. » Ghassan Salamé vient de proposer aux générations futures, ou actuelles si tant est qu’elles en soient capables, toutes communautés confondues, une salutaire feuille de route, un nécessaire cahier des charges. Ziyad MAKHOUL
En harmonie avec un peuple prodige, la majorité livre
enfin un retentissant programme macropolitique

Les peine-à-jouir avaient déjà fait leurs calculs, ricanant déjà à l’idée d’une petite manif, d’une place de la Liberté ridiculement déserte, de quelque chose de rikiki, un sous-14 mars timide comme une gourgandine, aussi impressionnant qu’un pétard mouillé ; un nombre certain de bonnes âmes craignaient atrocement qu’ils n’aient raison. Sauf que les uns et les autres n’avaient pas prévu ou avaient oublié (dans le désordre) : l’omnipotence inouïe du fantôme de Rafic Hariri ; le sursaut d’éveil – mieux vaut tard que jamais – des leaders de l’ex-opposition du Bristol, pas encore conscients qu’ils sont désormais bel et bien au pouvoir ; l’hallucinante et implacable obstination d’un peuple...