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Accord CPL-Hezbollah - Sept mois de négociations et une rencontre au milieu du chemin Gebrane Bassil : C’est parce que nous avions des divergences que nous avons pu aboutir à un tel document

«Nous revenons de loin. Au départ, nous voulions le désarmement immédiat du Hezbollah, alors que ce parti ne l’envisageait pas ni dans un an ni dans dix. Mais au fil des rencontres et des discussions, nous avons réussi à faire chacun un bout de chemin, pour nous retrouver au milieu de la route, avec le sentiment pour chacune des deux parties d’avoir gagné. » Responsable des relations politiques au sein du CPL et du dialogue avec le Hezbollah, Gebrane Bassil parle avec passion du document adopté par les deux parties et rendu public lundi dernier. Il raconte ainsi qu’après avoir achevé la rédaction définitive du document, il a rencontré sayyed Hassan Nasrallah et lui a dit : « Voilà notre bébé. Nous lui avons donné tout ce que nous pouvions pour qu’il puisse vivre et maintenant c’est à vous et au général Michel Aoun de prendre le relais. » Nasrallah et Aoun ont ainsi décidé de donner une conférence de presse conjointe pour présenter le document et selon les présents, les deux hommes semblaient si détendus et confiants qu’on pouvait facilement deviner leur satisfaction. Plus même : leur joie qu’un travail aussi sérieux et profond ait pu aboutir. Gebrane Bassil raconte pourtant que les négociations officielles entre les deux parties ont commencé en novembre 2004, lorsque le général Aoun avait lancé son initiative en vue d’un retrait syrien dans le calme. « Ziad Abs et moi avions alors demandé un rendez-vous officiel au Hezbollah pour lui remettre le document du général. C’était le premier contact direct. Auparavant, il y avait eu quelques rencontres et un peu de coordination au sujet d’élections estudiantines ou d’événements ponctuels. » Un premier rendez-vous qui tarde à être fixé Bassil précise qu’à cette époque-là, le rendez-vous avait tardé à être fixé et que la demande avait provoqué un vif débat au sein du Hezbollah. Enfin, la rencontre a eu lieu. Du côté du CPL, il y avait donc Ziad Abs et Gebrane Bassil et du côté du Hezbollah, Ghaleb Abou Zeinab et Mohammad Komati. C’est ce même quatuor qui poursuivra par la suite les négociations en vue de l’adoption d’un document commun. Pendant toute la première période, les contacts étaient intermittents. Puis il y a eu les élections législatives, au cours desquelles le Hezbollah avait émis une fatwa interdisant aux chiites de Baabda-Aley de voter pour le candidat du CPL. Le général Aoun avait d’ailleurs vivement critiqué cette démarche et plus tard, dans le courant des négociations, les délégués du Hezbollah ont reconnu que cela avait été une erreur. Ils ont d’ailleurs accepté de mettre dans le document qu’il est interdit d’utiliser la religion à des fins électorales. Choisissant de surmonter cet accroc, le CPL a repris les négociations à un rythme régulier et soutenu. Il avait été ainsi convenu de laisser ce dialogue en dehors des considérations politiques ponctuelles. Les rencontres se faisaient dans des lieux publics, notamment au restaurant as-Saha, sur la route de l’aéroport. « Nous avons commencé par réclamer un document écrit. Au début, le Hezbollah était un peu réticent. Mais nous y tenions beaucoup. Comme nous avions demandé aux membres de la Rencontre du Bristol un document similaire. Les partenaires du Bristol avaient d’ailleurs refusé. En général, les Libanais n’aiment pas l’engagement écrit. Lorsque l’idée a été adoptée, nous avons entamé la rédaction. Nous pensions tout le temps à écrire des points acceptables pour tous, car notre idée directrice était de permettre aux autres partenaires du pays d’y adhérer. Par exemple, nous ne sommes pas entrés dans les détails de la loi électorale, bien que nous ayons à ce sujet des visions très proches. Nous avons préféré ne pas les exposer pour permettre aux autres parties d’adopter le document. » Bassil précise que lorsque le délai d’une semaine accordé par le général au gouvernement afin de mener un dialogue interne a expiré, il a pris l’initiative d’accélérer les contacts avec le Hezbollah, pour montrer justement qu’un dialogue interne est possible et peut être fructueux. La nécessité des concessions Gebrane Bassil confie qu’à certains moments, la situation paraissait bloquée, mais au fil des rencontres, les deux parties ont compris que chacune ne pouvait rien faire seule et qu’il fallait faire des concessions. C’est là d’ailleurs le propre du dialogue. « Le Hezbollah, affirme-t-il, a montré qu’il pouvait évoluer et tenir compte des considérations des autres, tout en ayant pour fil conducteur l’intérêt national. C’est ainsi qu’il a accepté de ne plus considérer les Libanais qui se sont réfugiés en Israël comme des collaborateurs, acceptant de prendre en considération leurs conditions économiques et politiques. Nous avons donc lancé un appel pour le retour de ces derniers. Mais ce n’est pas une proposition d’amnistie générale, qui d’ailleurs n’est pas toujours une solution efficace. » « Au début, poursuit-il, nous sommes venus chacun avec son document. Il y a eu des rédactions séparées, des modifications et à la fin, chacun de nous savait ce qui dérangeait l’autre ou pouvait le heurter. » Bassil est convaincu qu’il ne s’agit pas d’une alliance ponctuelle à la veille d’une élection pour des considérations gouvernementales. « S’il en était ainsi, nous n’aurions pas eu besoin d’élaborer un document écrit. » Mais, en fin de compte, ce document sort-il le Hezbollah de son isolement local et international ? « Le Hezbollah n’est pas tellement isolé. Il est membre du gouvernement et vient de recevoir un appui officiel du président du Conseil, en plus de la déclaration ministérielle. Sans oublier l’appui du président de la Chambre. » Bassil affirme que le document ne constitue un chèque en blanc pour personne. C’est un cadre et une approche dont les points doivent être approfondis. « Nous sommes parvenus avec le Hezbollah à la conclusion suivante : les armes ont une cause et un objectif. Lorsque cette cause n’existera plus et l’objectif sera atteint, elles n’auront plus de raison d’être. De plus, dans le document, le Hezbollah renonce à tout rôle en dehors des frontières. Enfin, il accepte de soumettre cette question à un dialogue qui serait dicté par l’intérêt du Liban et sa défense, et non celui de l’Iran ou même de la résistance. Le Hezbollah a ainsi fait un énorme progrès, reconnaissant que ses armes ne doivent en aucun cas devenir une faiblesse pour le Liban. » Bassil confie que cette évolution a nécessité de grandes et longues discussions, tout comme le dossier des relations libano-palestiniennes, celui des rapports libano-syriens et celui des Libanais réfugiés en Israël. « À certains moments, ajoute Bassil, nous avons eu le sentiment que c’était trop difficile, que les points de vue étaient trop divergents. Mais des deux côtés, la volonté d’aboutir a été la plus forte. » Ne leur est-il jamais arrivé d’en vouloir au Hezbollah qui applaudissait lorsque les aounistes se faisaient arrêter ? « Il nous est arrivé de mentionner nos histoires et nos combats respectifs. Mais ils n’ont jamais constitué un obstacle au dialogue. Au contraire, c’est parce que nous avions des parcours divergents que nous avons pu aboutir à un tel document. Enfin, à partir du moment où nous avons décidé de mener ce dialogue, nous avons mis de côté le passé, pour offrir aux Libanais un programme pour l’avenir, un projet d’entente. » Bassil fait ensuite la constatation suivante : « Si nous avons pu parvenir à un tel accord avec une partie avec laquelle nous n’avions rien en commun, nous devrions pouvoir le faire plus rapidement avec les autres. À condition de surmonter les rancœurs et les susceptibilités. » Bassil explique qu’au sujet de la Syrie, le Hezbollah a fait des concessions, notamment lorsqu’il a admis que les relations entre les deux pays doivent passer par leurs institutions publiques, lorsqu’il réclame la fermeture du dossier des détenus libanais en Syrie et lorsqu’il approuve le refus de tout retour à la tutelle. « Quant à ses relations avec l’Iran, ou même avec la Syrie, il peut les garder, car nul ne proteste contre les relations du Courant du futur avec l’Arabie saoudite ou avec l’Occident. L’essentiel, c’est que toutes ces relations se fassent dans les limites de l’intérêt national. » En somme, même s’il y a des lacunes ou des blancs, un grand pas vers un dialogue constructif a été accompli. Il est le fait de la nouvelle génération, celle sur laquelle les espoirs reposent désormais. Scarlett HADDAD
«Nous revenons de loin. Au départ, nous voulions le désarmement immédiat du Hezbollah, alors que ce parti ne l’envisageait pas ni dans un an ni dans dix. Mais au fil des rencontres et des discussions, nous avons réussi à faire chacun un bout de chemin, pour nous retrouver au milieu de la route, avec le sentiment pour chacune des deux parties d’avoir gagné. »
Responsable des relations...