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Conférence de presse conjointe des dirigeants du CPL et du Hezbollah à l’église Mar Mikhaël Aoun et Nasrallah : Un document souverainiste et une vision commune du Liban

Après la terrible secousse de dimanche, c’est un autre visage du Liban qui est apparu hier, celui de l’entente, de la coopération et de l’édification de l’avenir. La rencontre entre le général Michel Aoun et sayyed Hassan Nasrallah, qui, selon les deux hommes, était fixée depuis quelques jours, est donc venue effacer les terribles images de violence à Achrafieh, ou en tout cas montrer que le Liban reste, malgré les bévues, un espace de convivialité, de dialogue et d’espoir. De plus, le choix du lieu de la rencontre, l’église Mar Mikhaël à Chiyah, détruite pendant la guerre et reconstruite comme une affirmation de la détermination des chrétiens à renouer les liens de la coexistence, est à lui seul un symbole voulu et un message à tous ceux qui misent sur les dissensions confessionnelles. Entamées officiellement depuis le retour du général d’exil, en mai dernier, les négociations entre le CPL et le Hezbollah, menées par deux équipes, à leur tête Gebran Bassil et Ghaleb Abou Zeinab, ont donc finalement porté leurs fruits. Pas d’accord verbal, mais un document écrit Cette fois, comme l’a bien souligné sayyed Nasrallah, il n’était pas question de conclure un accord verbal, comme ce fut le cas avec l’alliance quadripartite (avec Amal, le PSP et le Courant du futur), mais de signer un document qui représente en fait une vision du Liban et un véritable projet national. Le sourire et l’allure décontractée de sayyed Nasrallah et du général Aoun n’ont pas réussi à faire oublier la solennité du moment. Dans cette période trouble où les vieilles peurs remontent à la surface, les deux courants, l’un chrétien et l’autre chiite, ont voulu mettre en commun leurs aspirations pour le Liban, en toute franchise et sans éviter d’évoquer les sujets délicats ou litigieux. C’est d’ailleurs la première fois qu’entre deux parties libanaises un document aussi complet, qui ressemble fort à une Constitution, est présenté à l’opinion publique. Et, comme l’a déclaré le général Aoun, il n’est dirigé contre personne, « au contraire, toutes les autres parties sont invitées à le discuter ». Il n’est pas non plus une façon pour le CPL de rallier « l’axe irano-syrien ». « C’est un document souverainiste, a insisté le général. Il n’y est nulle part question de l’Iran. Quant à la Syrie, nous cherchons à établir des relations saines avec elle, avec une représentation diplomatique et en essayant de régler les problèmes en suspens, dont le dossier des détenus libanais chez elle. » À plusieurs reprises, le secrétaire général du Hezbollah a refusé d’utiliser le terme d’alliance pour qualifier ses nouvelles relations avec le CPL, se contentant de parler de coopération. Chat échaudé… Interrogé d’ailleurs sur les garanties d’application de ce document, Nasrallah a précisé que le Hezbollah a en commun avec le CPL la franchise et la transparence. « Les négociations se sont faites cartes sur table et avec minutie. C’est pourquoi elles ont pris du temps. De plus, il y a un document écrit qui est actuellement entre les mains des citoyens », a-t-il souligné. L’accord n’est dirigé contre aucune partie libanaise Aoun et Nasrallah ont nié que cette rencontre signifie l’émergence d’un acte maronito-chiite face à l’axe druzo-sunnite. Au contraire, toutes les autres parties sont invitées à adopter ce document. Elle n’est pas non plus dirigée contre le gouvernement, et cela n’a rien à voir avec la rencontre annoncée, mais dont la date n’a pas été fixée, entre le général et le chef du PSP. « D’ailleurs, a ajouté sayyed Nasrallah, le général a toujours appelé à la tenue d’une table ronde qui regrouperait toutes les parties. » Tout au long de la conférence de presse, les deux hommes semblaient en harmonie et répondaient parfois l’un à la place de l’autre. En réponse à une question sur une possible baisse de sa popularité chez les chrétiens après cette rencontre, Aoun a affirmé que, selon lui, les chrétiens sont suffisamment mûrs pour ne pas réagir ainsi. « Ils liront le document et jugeront sur cette base », a-t-il ajouté. Les deux hommes ont affirmé que leur objectif est la souveraineté, la protection et l’indépendance du Liban, ainsi que l’édification d’un État fort, capable d’assurer le bien-être et la protection des citoyens, capable d’assumer ses responsabilités, au lieu de jeter la faute sur les autres. « Avec ce document, a insisté le général, nous n’aurons plus besoin de nous rendre auprès des différentes capitales étrangères, à la recherche de solutions à nos problèmes. » Nasrallah et Aoun ont réaffirmé leur détermination à lutter contre la corruption, par le biais de l’appel à un audit financier qui déterminera les responsables de l’endettement public. Mais ce qui a le plus étonné les journalistes, c’est que le document commun évoque le dossier des Libanais réfugiés en Israël. Il les appelle à rentrer au pays, avec leurs familles, faisant une sorte de mixage entre le discours de Nasrallah, après le retrait israélien en mai 2000, et celui du général au Parlement. Interrogé sur ce point, Nasrallah a déclaré : « Il ne s’agit pas de réclamer une amnistie générale. Mais nous ne voulons pas que des Libanais restent en Israël avec leurs familles. Celles-ci pourront revenir chez elles ; quant aux hommes, ils devront se présenter devant la justice. Et nous savons tous comment celle-ci a traité les précédents cas de ce genre… » De même, le document évoque les armes de la Résistance et affirme qu’elles sont liées à la libération du territoire, à la libération des détenus libanais en Israël et à la neutralisation de la menace que représente Israël, par le biais d’un dialogue avec toutes les parties visant à établir une stratégie de défense. En somme, c’est la première fois que le Hezbollah admet officiellement l’idée que ses armes ne sont pas éternelles. Tous les sujets ont été traités avec clarté et franchise, dépassant ainsi ce que l’on croyait être des tabous. Non à l’exploitation des événements à des fins politiques Mais les journalistes n’ont pas voulu s’en tenir au document et ils ont posé des questions sur les événements de dimanche. Nasrallah et Aoun les ont vivement condamnés, laissant entendre que leur rencontre aujourd’hui prend une nouvelle dimension, après ces événements. Ils ont aussi rendu hommage aux habitants d’Achrafieh. Tout en affirmant qu’il ne cherche à défendre personne, Nasrallah a refusé le principe des accusations immédiates « qui, a-t-il dit, ressemblent à des règlements de comptes politiques. Tous les événements dramatiques sont exploités de manière à servir une bataille politique que certaines parties veulent mener jusqu’au bout. Nous autres, nous pensons que ce n’est pas là l’intérêt du Liban. Nous préférons attendre les résultats de l’enquête, à condition qu’elle soit transparente. Or, les nouvelles que nous sommes en train de recevoir ne semblent pas très encourageantes. Comment, par exemple, peut-on accuser Sleimane Frangié d’être derrière les événements d’hier ? Qu’a-t-il à voir avec ces développements ? … » Nasrallah a encore ajouté qu’il y a deux hypothèses pour expliquer les événements de dimanche : soit il y a eu une infiltration d’éléments incontrôlés parmi les manifestants, soit il y a eu incompétence de la part des forces de l’ordre. Et dans les deux cas, il faut une enquête crédible. « Mais certains veulent de toute façon accuser la Syrie. Ce n’est donc pas la peine pour eux d’attendre l’enquête », a souligné le chef du Hezbollah. Abordant la partielle de Baabda-Aley, les deux hommes ont précisé qu’elle n’a pas été évoquée, mais que le climat positif de cette rencontre rejaillira certainement sur cette élection. À la question de savoir si ce document représente un refus de la 1559, alors que le général avait accepté cette résolution, Aoun a répondu que ce sont deux choses différentes. Il s’agit là d’un document interne, fruit du dialogue. Après cette nouvelle coopération, Nasrallah compte-t-il organiser une rencontre entre le général et le président syrien Bachar el-Assad ? « Pourquoi pas ? » a répondu Nasrallah. Je souhaiterais que tous les Libanais aient d’excellentes relations avec les Syriens. Mais dans le document, nous avons décidé que ces relations doivent passer par les institutions des deux pays. » Interrogé sur l’autodéfense, le général a affirmé qu’il y était fermement opposé. « Elle est inacceptable, sauf si l’État déclare sa faillite et que nous ne parvenons pas à assurer la relève », a-t-il déclaré. Enfin, faut-il déduire de cette rencontre que Nasrallah appuie la candidature de Aoun à la présidence de la République ? « Nous n’avons pas abordé ce sujet, a répondu le secrétaire général du Hezbollah. Mais il est certain que nous considérons le général comme un candidat sérieux et réel, doté des aptitudes nécessaires. Lorsque l’échéance électorale approchera, nous en parlerons sérieusement. » Au bout de trois quarts d’heure, il a fallu mettre un terme à cette conférence de presse. Mais la question qui n’a pas été posée et qui reste dans tous les esprits est la suivante : si le document avait été préparé à l’avance et que Michel Aoun et Hassan Nasrallah n’avaient qu’à apposer leur signature, que se sont-ils dit pendant les deux heures qu’a duré l’entretien ? La réponse est loin d’être évidente. Scarlett HADDAD
Après la terrible secousse de dimanche, c’est un autre visage du Liban qui est apparu hier, celui de l’entente, de la coopération et de l’édification de l’avenir. La rencontre entre le général Michel Aoun et sayyed Hassan Nasrallah, qui, selon les deux hommes, était fixée depuis quelques jours, est donc venue effacer les terribles images de violence à Achrafieh, ou en tout cas...