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Actualités - OPINION

La course à l’échalote

Toutes proportions gardées, les mois de février sont impitoyables : à la fois meurtriers et pleins de promesses (tenues/tenables ou pas). Après 2005, 2006 : les répliques du séisme d’Achrafieh, de ce qui a failli se passer, sont presque aussi impressionnantes que le tremblement lui-même. Au même moment, le Courant du futur, le PSP, les FL, les Kataëb, le PNL, le BN, le RD, la GD et KC, c’est-à-dire la majorité au pouvoir, livrait de Clemenceau sa bombe (sonore), alors qu’à Chiyah, le Hezbollah et le CPL déposaient la leur (visuelle). Ce double étalage musculaire, politique et hallucinant, est sain et bienvenu, mais n’empêche aucunement, bien au contraire, dans un cas comme dans l’autre, de (se) poser mille questions. Un enfant de quatre ans atteint de glaucome aura compris la mono-obsession syrienne, très proche à plusieurs égards, mais évidemment pour d’autres raisons, de celle d’Israël, d’empêcher l’émergence d’un Liban souverain, indépendant, libre, serein et prospère. Le machiavélique scénario de dimanche (diaboliser les sunnites en général aux yeux des chrétiens, rallumer des feux tellement mal éteints…) ne peut qu’être frappé du sceau de la famille régnante – à l’enquête d’en déterminer le degré. En livrant une à une, et calmement, des accusations tellement grosses qu’elles ne peuvent qu’être fondées, et en insistant sur l’urgence d’un règlement, d’abord politique, du dossier sécuritaire par la révocation d’Émile Lahoud et l’obtention, pour elle, d’une totale liberté de décision en la matière, la majorité au pouvoir livre un double et salvateur message. Qu’il est impossible de normaliser les relations avec la Syrie tant que celle-ci ne se transformera pas d’ennemi en, au moins, une partie neutre, et qu’il est impensable que la majorité soit jugée sur sa capacité à assurer la sécurité au Liban alors qu’elle est empêchée d’épurer l’appareil de tous les virus patiemment inoculés pendant trente ans par le régime syrien et ses sbires libanais. Sauf qu’il y a un bug. Et un gros. Possédant des informations du calibre de celles révélées hier par Farès Souhaid, le pouvoir aurait dû multiplier par mille les mesures préventives. Il ne l’a pas fait. Pourquoi ? À cause de cette exacte gangrène ? Ou y a-t-il d’autres desseins, pas malhonnêtes, au contraire, mais dont le cynisme totalement inconscient fait frissonner ? À la majorité de répondre, vite, très vite. Surtout qu’elle a du pain sur la planche. Et notamment Saad Hariri, certes impeccable depuis deux jours, mais qui a de plus en plus de mal – son exil forcé ne joue pas en sa faveur, mais c’est très grave – à maîtriser sa rue. D’autant qu’une rencontre au sommet devant les caméras, ne serait-ce qu’entre lui, Joumblatt et Geagea, devient urgente. Personne n’est obligé de croire Michel Aoun lorsqu’il impute à l’intervention divine le fait que sa rencontre programmée avec Hassan Nasrallah ait suivi de 24 heures le séisme d’Achrafieh. Mais le résultat est le même : l’image de ces deux hommes, du yin et du yang, du noir et du blanc, assis côte à côte dans l’église maronite de Chiyah et appelant toutes les parties au dialogue, était non seulement on ne peut plus rassurante, mais elle a montré, au-delà de la coexistence, l’impact de la convivialité. C’est superbe. Mais… N’ayant que Baabda – pour de très légitimes desseins, certes – en ligne de mire, l’ancien PM a-t-il décidé de jouer les ponts entre deux rives, de réussir là où tout le monde a pour l’instant échoué, libaniser le Hezbollah, ou bien de faire involontairement – c’est ce que continuent d’espérer les Libanais – le jeu syrien ? Il est tout à fait naturel que Michel Aoun veuille représenter l’alternance, qu’il veuille présenter un programme badil, cela s’appelle la démocratie (sans préjuger de la qualité de son programme), mais le faire avec des membres du gouvernement n’est pas le meilleur des débuts. Et Hassan Nasrallah ? A-t-il réellement décidé – et la surprise serait divine – de s’intégrer au tissu libanais avec celui qui ne lui mentira jamais ? Ou bien joue-t-il à fond la carte du chrétien fort, chère aux fantasmes alaouites ? Cherche-t-il à montrer que contre le fondamentalisme sunnite, il est le seul rempart ? À eux deux de répondre, vite, très vite. En évitant de penser que le sunnisme modéré ne résistera pas à la mort de Rafic Hariri – il le fera. L’idéal ? Ce serait que Nabih Berry rejoigne l’Alliance du 14 mars. Avec les Arslane, Karamé, Hoss, Sleimane Frangié et autres dans le binôme CPL-Hezb. Cela s’appelle du bipartisme. Raymond Eddé et tous les pères de l’indépendance souriraient. On ferait alors des élections anticipées. Fouad Boutros veillera à tout. Pour cela, il s’agit d’abord de casser l’axe de Téhéran. Et de neutraliser Damas. Ziyad MAKHOUL
Toutes proportions gardées, les mois de février sont impitoyables : à la fois meurtriers et pleins de promesses (tenues/tenables ou pas). Après 2005, 2006 : les répliques du séisme d’Achrafieh, de ce qui a failli se passer, sont presque aussi impressionnantes que le tremblement lui-même. Au même moment, le Courant du futur, le PSP, les FL, les Kataëb, le PNL, le BN, le RD, la GD et KC,...