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FEUILLE DE ROUTE - « L’initiative de Djeddah, c’est fini », affirme Geagea ; Adwan aujourd’hui chez Aoun Une souveraineté conquérante face à l’arabisation de la crise
Par HAJJI GEORGIOU Michel, le 13 janvier 2006 à 00h00
Le rejet de l’initiative de Ryad par les composantes plurielles du 14 mars, de Moukhtara aux Cèdres en passant par Koraytem et Rabieh, marque probablement un tournant important dans l’histoire contemporaine du Liban, tout particulièrement lorsque l’on décide d’aborder cette histoire sous l’angle du pacte national, et des rapports intrinsèques entre le pacte et la souveraineté. En effet, l’expérience a prouvé qu’au Liban, aucun pacte ne saurait tenir bon s’il comporte des concessions sur la souveraineté libanaise.
Le sujet a déjà fait couler beaucoup d’encre, mais il paraît évident aujourd’hui que la double négation de 1943, même si elle ne formait pas une nation, était néanmoins génératrice de souveraineté. Elle a donné naissance à un pacte, évidemment imparfait, mais viable. L’accord du Caire de 1969 a été l’un des éléments moteurs de la guerre du Liban, dans la mesure où il portait atteinte à la souveraineté, l’État acceptant de concéder son monopole de la violence légitime aux fedayins palestiniens. L’accord de Taëf, malgré toutes ses tares, a mis fin à la guerre, et constitue, dans son volet interne, une reformulation de la volonté des Libanais de vivre ensemble. Cependant, dans son volet externe, il y a eu une concession sur la souveraineté au profit de la Syrie, ce qui a vicié le pacte et a conduit à une occupation syrienne de quinze ans sur le pays. Et, dans les deux cas précités, c’est un conflit interne qui a favorisé cette concession, provoquant à chaque fois des dégâts considérables pour l’entité libanaise (la guerre de 1975-1990, puis l’occupation de 1990-2005).
Ce que Walid Joumblatt, Samir Geagea, Michel Aoun, Saad Hariri et Fouad Siniora ont rejeté dans l’initiative de Ryad, c’est, toutes proportions gardées – l’histoire ne présentant jamais exactement les mêmes cas de figure –, la même atteinte à la souveraineté que Aoun avait rejetée en 1989.
Ainsi, de l’avis même du chef des FL, qui a répondu hier aux questions de L’Orient-Le Jour, la Syrie « a tenté d’opérer à Ryad riens moins qu’un retour en force sur la scène libanaise, tentant d’établir, par le biais de l’initiative, son contrôle sur la sécurité, la diplomatie, et la presse » du pays du Cèdre. Selon l’analyse de M. Geagea, la crise ministérielle au Liban a été provoquée par Damas, de même que la déstabilisation de la scène interne à travers l’assassinat de Gebran Tuéni, l’objectif étant de porter une fois de plus le dossier libanais interne sur la scène arabe, comme en 1989. Et l’occasion pour le régime syrien de reproduire diaboliquement le même stratagème qu’à Taëf, où, à travers l’initiative arabe de paix, le régime syrien s’était finalement infiltré au Liban par le biais de l’accord conclu à l’époque pour établir son hégémonie sur le pays. D’ailleurs, l’initiative de Ryad, qui devait à l’origine régler le problème interne, a fini par déboucher sur un projet de règlement consensuel douteux, qui a heureusement été rejeté par l’ensemble des composantes du 14 mars, Michel Aoun compris. Il en résulte que, selon Samir Geagea, « l’initiative de Ryad, c’est fini », puisqu’il existe une légitimité souverainiste plurielle claire et nette qui s’y oppose. Une source responsable dans les milieux du Courant du futur précise d’ailleurs, dans ce sens, que des pressions énormes ont été exercées par Ryad sur Saad Hariri, et que ce dernier a tactiquement préféré laisser aux autres composantes du 14 mars, Joumblatt en tête, le soin de monter au créneau contre le projet de règlement, pour montrer qu’il existe un large refus libanais de cette initiative.
Mieux encore, pour le chef des FL, ce projet d’accord est en train d’avoir, sur le terrain politique, « l’impact d’un nouveau 8 mars ». En effet, souligne-t-il, « s’il n’y avait pas eu le 8 mars à l’époque, il n’y aurait pas eu une réaction plurielle de cette ampleur le 14 mars, surtout au niveau de la conscience de la nécessité de resserrer les rangs ». En d’autres termes, explique-t-il, l’initiative de Ryad est en train de cimenter à nouveau le front du 14 mars, dans la mesure où tout le monde ressent désormais la nécessité de se mobiliser face aux tentatives sournoises du régime syrien de revenir au Liban.
Dans ce cadre, le chef des FL salue le rapprochement en cours entre le PSP et le CPL, estimant que son parti œuvre depuis longtemps dans ce sens, « depuis que Saad Hariri m’a rendu visite en prison, avant la formation du gouvernement, j’avais insisté sur la nécessité que le général figure au sein du nouveau cabinet ». « À chaque occasion, nous mettons l’accent sur la nécessité que Michel Aoun retourne au sein de l’Alliance du 14 mars. Malheureusement, nous n’arrivions pas à des résultats. L’assassinat de Gebran Tuéni et la crise ministérielle ont aujourd’hui changé la donne. Nous n’avons plus le choix, nous devons nous réunir tous ensemble pour faire face à la situation », affirme le leader FL. D’où la nécessité, selon lui, « d’aller aujourd’hui dans le sens d’un front avec le général Aoun et les autres composantes du 14 mars pour sauver le pays, parce que la situation requiert une unité interne absolue ». Samir Geagea pourra mieux évaluer la position du général aujourd’hui, à la lumière de la rencontre qui doit avoir lieu, à Rabieh, entre Michel Aoun et l’émissaire FL, Georges Adwan, chargé de la coordination avec le CPL.
L’unité de l’ensemble des forces du 14 mars sur le principe que le règlement ne doit pas se faire au détriment du Liban, et qu’il ne porte pas atteinte, une nouvelle fois, à la souveraineté du pays est une preuve de plus que l’unité nationale reste le seul vrai garant de la souveraineté libanaise. Reste le problème des forces chiites du 8 mars, qui doivent enfin réaliser que la proclamation de leur allégeance au Liban ne signifiera pas pour autant une concession face au pôle sunnite, et qu’il est grand temps de faire prévaloir le principe du « Liban, patrie définitive pour tous ses fils », sur toutes les tentations et les projets communautaro-régionaux. Que par rapport à ce qu’elles perdent dans leur relation avec le régime despotique syrien et l’axe Damas-Téhéran, ce qu’elles gagnent au Liban est infiniment plus grand : une conscience nationale.
Michel HAJJI GEORGIOU
Le rejet de l’initiative de Ryad par les composantes plurielles du 14 mars, de Moukhtara aux Cèdres en passant par Koraytem et Rabieh, marque probablement un tournant important dans l’histoire contemporaine du Liban, tout particulièrement lorsque l’on décide d’aborder cette histoire sous l’angle du pacte national, et des rapports intrinsèques entre le pacte et la souveraineté. En...
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