Paris, d’Élie MASBOUNGI
L’activité politique et les déclarations à Paris de M. Abdel Halim Khaddam, que l’on peut qualifier de figure de proue sinon de leader de l’opposition syrienne dans le pays et à l’étranger, lève le voile sur des dizaines de mouvements appelés à s’unir dans le cadre d’une vaste coalition pour tenter de procéder à un véritable changement à Damas. Sortis pour la plupart de la clandestinité ou de la pénombre, ces mouvements semblent s’articuler aujourd’hui autour de trois axes principaux, à savoir la Confrérie des Frères musulmans, le Parti communiste syrien et le Parti national unifié fondé par Rifaat el-Assad, le redoutable ancien vice-président en exil forcé depuis plusieurs années, et qui a versé dans une farouche opposition depuis l’accession de Bachar el-Assad à la présidence. Le frère de l’ancien président Hafez el-Assad, qui commandait au pays les célèbres « Brigades de la défense », a fondé son parti après avoir quitté la Syrie en 1998, et certains de ses proches affirment que des militaires font partie de ce mouvement.
À côté de ce tripode, on peut citer un groupement d’organisations de la société civile et des associations de défense de droits de l’homme fonctionnant tant bien que mal à l’intérieur du pays et bénéficiant dans tous les cas de figure d’un vaste soutien de la population. Enfin, une pléiade de groupuscules kurdes qui ont choisi leur camp depuis longtemps dans la mesure où ils représentent de grands partis transfrontaliers en conflit ouvert avec le régime de Damas ou des mouvements locaux dont certains ne comptent que quelques dizaines d’éléments.
Voici une énumération des forces réformatrices syriennes telle que présentée et évaluée par des centres parisiens de recherche et d’étude spécialisés dans les grands mouvements d’opposition dans le monde.
– La « Confrérie », dont la direction est collégiale mais dont le nom apparent est celui de Ali Sadreddine al-Bayanouni, installé depuis quelques années à Londres et qui effectue de fréquents séjours dans les capitales européennes et dans de grands centres de décision tels que Washington et New York.
– Le « Rassemblement national démocratique », animé par Hassan Abdel-Azim et qui comprend cinq formations dont une communiste issue du PC officiel, des éléments libéraux et des militants de la laïcité.
– Un rassemblement de partis kurdes, à savoir, le Front national kurde, qui comprend le PDK de Syrie connu sous l’appellation (Parti) dirigé par Mohammed Nadir Moustafa, le parti Azadi animé par Kheireddine Mourad, le Parti démocratique progressiste kurde de Syrie (Aziz Daoud) et le Parti national kurde de Syrie (Taher Safouk), la Coalition démocratique kurde de Syrie dont les composantes sont : le Parti progressiste kurde de Syrie, dirigé par Hamid Darwiche, l’Union démocratique kurde, présidé par Ismaïl Omar, le PDK syrien, transfuge du « Parti » sous la conduite de Nasreddine Ibrahim, le parti de la Gauche kurde de Syrie de Mohammed Moussa, le « Yakiti » présidé par Hassan Saleh qui avait conduit une scission au sein du même parti « Yakiti ».
– Le PPS antisyrien, la Ligue de l’action communiste et l’Action communiste représentent un groupe récemment coalisé.
– Le parti de la Renaissance nationale (Abdel-Hafiz al-Mousallet), le Mouvement du futur de Syrie, le parti de la Justice et de l’Édification, et un troisième groupuscule dirigé par Ihab Bitar, le Rassemblement pour la démocratie, sont considérés par les connaisseurs en matière de groupuscules d’opposition comme étant des formations créées à l’instigation de certains services spéciaux du pouvoir en place. Probablement dans le but d’infiltrer les milieux contestataires et les grands partis de l’opposition. À l’extérieur de la Syrie, on peut citer le parti de la Réforme syrien basé à Washington et dirigé par Farid al-Ghadri, le Rassemblement pour la Syrie (également dans la capitale fédérale US) formé et dirigé par Mohammed Jbeili, et, toujours à Washington, le Conseil national syrien dont la plupart des membres sont considérés comme des islamistes issus des « Frères musulmans », avec des dirigeants tels que Houssam al-Deiri, Négib al-Ghadbane et Fehmi Khairallah.
En Europe, et essentiellement en Allemagne et au Bénélux, plusieurs groupements kurdes sont en activité et sont reliés aux mouvements de l’intérieur.
En Allemagne, un mouvement fondé récemment par Firas Kassas sous l’appellation « parti de la Modernité et de la Démocratie » se veut indépendant de l’action menée par les autres formations syriennes d’Allemagne et des Pays-Bas.
Aux côtés de ces mouvements et groupuscules essentiellement politiques, des associations issues de la société civile fonctionnent en Syrie et à l’étranger, dont on peut citer « Mountada al-Atassi » (du nom de son fondateur), qui groupe un bon nombre d’intellectuels libéraux et réformateurs. Il y a quelques semaines, les autorités policières locales ont mis sous scellés les locaux où se réunissaient chaque mois les membres de ce groupe, à Doummar, près de Damas.
Parmi les « non politiques » également : les Comités de défense des libertés publiques et des droits de l’homme en Syrie dirigés par Aktham al-Nouaissi ainsi qu’un groupe de comités et d’associations pour la défense des droits de l’homme implantés dans les régions de Damas, de Lattaquieh, d’Alep, de Deir ez-Zor et de Soueida dirigés par Haytham al-Maleh et Mahmoud Raadoun qui serait actuellement emprisonné.
Également parmi les groupes de militants pour les libertés et les droits humains, on peut signaler le mouvement « Équité », présidé par Abdel-Karim al-Rihaoui, et un « Centre d’études juridiques » lancé en 2005 et qui avait rédigé un avant-projet de Constitution syrienne présenté et discuté lors d’un congrès tenu les 28 et 29 septembre dernier à Paris sous l’égide de l’opposition syrienne. Ce congrès avait été organisé par le Rassemblement pour la Syrie dirigé par Fahd al-Masri, qui groupe environ quatre-vingts universitaires dont certains ont fondé à Damas et dans d’autres villes syriennes des fédérations estudiantines et qui, de ce fait, sont étroitement surveillés sur le territoire syrien et parfois empêchés de quitter le pays.
Il faut citer également à Paris le « Forum du dialogue démocratique », formé essentiellement d’étudiants et de membres de professions libérales dont les mouvements entre la capitale française et Damas seraient étroitement surveillés par la police politique du régime syrien.
À côté de tout cela, d’innombrables groupuscules continuent d’essaimer, dont deux fondés par des membres de la famille de Rifaat el-Assad, et même un « Parti républicain syrien » dont le chef serait installé en Arabie saoudite.
Enfin, des groupes ayant fait sécession avec les « Frères musulmans » et le parti Baas sont actifs en Europe alors que la section anciennement pro-irakienne de ce même parti aurait encore des activités à Amman, Bagdad, au Pakistan et en Europe. Ce mouvement, en fait bicéphale (le Comité syrien pour l’action démocratique et le mouvement du Baas démocratique), aurait été lancé après l’entrée des troupes américaines à Bagdad.
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