À la limite, la nouvelle, confirmée hier, confine à la rubrique « incroyable mais vrai ». Le tandem Hezbollah-Amal veut, pour cesser de bouder, que l’État notifie Annan que la 1559, c’est fini. Qu’il ne faut plus du tout en parler, qu’elle a été totalement appliquée. Deux autres demandes du bloc : pas de définition de la cour internationale sans son agrément, et plus de...
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Les négociations dans l’impasse Le tandem Hezbollah-Amal exige de l’État qu’il signifie à l’ONU la fin de la 1559 !
Par ABI AKL Philippe, le 20 décembre 2005 à 00h00
À la limite, la nouvelle, confirmée hier, confine à la rubrique « incroyable mais vrai ». Le tandem Hezbollah-Amal veut, pour cesser de bouder, que l’État notifie Annan que la 1559, c’est fini. Qu’il ne faut plus du tout en parler, qu’elle a été totalement appliquée. Deux autres demandes du bloc : pas de définition de la cour internationale sans son agrément, et plus de recours au vote en Conseil des ministres. Siniora a rejeté ces exigences.
Les contacts intensifiés de la semaine dernière n’ont donc rien donné. Et l’entretien de trois heures entre Siniora et Hassan Nasrallah est tombé à plat. Les ministres chiites ont reçu pour instructions de ne pas rejoindre le Conseil des ministres. Siniora a pourtant multiplié les gestes positifs à l’égard du tandem boudeur Amal-Hezbollah. Lors de la dernière réunion du Conseil, il a gelé un nombre incalculable de sujets sur lesquels le couple aurait eu son mot à dire. Ainsi, malgré la nécessité et l’urgence de la réforme financière, l’examen du projet supprimant les primes des anciens présidents ou députés a été reporté. Mais, tout en faisant risette de la sorte à Amal et au Hezbollah, Siniora a voulu en même temps leur montrer qu’ils avaient tort de l’accuser d’unilatéralisme décisionnel, et de manquer aux devoirs de la concertation.
Cependant, cette attitude compréhensive ne peut pas s’afficher indéfiniment. Le pays ne supporterait pas que l’on gèle tout, parce que ce serait la paralysie assurée. De plus, cela signifierait le renvoi aux calendes grecques de la conférence des donateurs qui doit permettre au redressement économique de démarrer. Sans compter, évidemment, la crise politique. Et le sabotage du concept démocratique ainsi que du précepte taëfiste de l’entente nationale.
À ce propos, Amal et le Hezbollah s’arment de ce pacte fondamental pour soutenir que le consensus doit rester une règle intangible. En fait, Taëf et la Constitution qui en découle sont très clairs : si l’on constate qu’un accord à l’amiable est impossible, il faut recourir au vote. À la majorité ordinaire pour les questions habituelles, et à la majorité des deux tiers pour des sujets considérés, et énumérés, comme essentiels. Les textes sont prévus pour qu’en tout état de cause, décision soit prise, en définitive. Et que l’on ne bloque pas, par un veto quelconque, le fonctionnement de l’État et partant du pays.
Le tandem chiite affirme cependant que l’on n’a pas assez débattu de la cour internationale, qu’il fallait donner aux échanges deux ou trois semaines de plus. À quoi les responsables de la majorité répondent qu’on était arrivé au bout de la limite permise, puisque le Conseil de sécurité allait se réunir et qu’il devait être fixé sur le problème, être saisi ou non d’une demande libanaise.
Un étrange clivage
En réalité, en partie à cause de la loi inique 2000 appliquée lors des dernières élections et en partie à cause de la ligne de confrontation ouvertement voulue par les anciens tuteurs, le Liban vit depuis les législatives un étrange clivage. Une sorte de confédéralisme confessionnel, mais dans l’antagonisme et non dans l’entente. Ce qui, loin de tout esprit démocratique, incite chaque communauté à exercer une sorte de droit de veto ou d’obstruction, quand elle n’obtient pas ce qu’elle veut.
Il reste que le thème du consensus est complexe, une épée à deux tranchants. Sous Hraoui, Hariri avait refusé de souscrire au mariage civil facultatif, malgré l’approbation de 20 ministres. Il avait fait valoir qu’il fallait, sur une question aussi importante, un large accord national, refusant dès lors de signer le décret. Les instances religieuses avaient été très contentes de lui. Mais sans doute pas tous les jeunes.
En fait, la mentalité du consensus devient problématique si on parle démocratie. Non pas que les deux éléments soient totalement inconciliables. Mais leur cohabitation, on le voit bien aujourd’hui, est parfois malaisée. Siniora, de son côté, milite pour qu’il y ait dialogue et accord d’abord. Il souligne cependant, en paroles et en actes, qu’à un moment déterminé (déterminé par les lignes d’intérêt du pays), il faut bien que décision soit prise et que l’on arrête de discuter.
Le bloc chiite rétorque que cette logique est celle d’une majorité dominant une minorité, ce qu’un pays composite comme le Liban ne peut supporter. En gommant complètement cette question simple : que faire s’il y a blocage d’entente ?
Les trois propositions
Dans les pourparlers, le tandem chiite a avancé trois suggestions. D’abord, il a souhaité que l’on considère la décision de demander une cour internationale et d’élargir la mission de la commission d’enquête à tous les crimes comme nulle et non avenue. Il y a été répondu en faisant valoir que ce n’était tout simplement plus possible, puisque le Conseil de sécurité avait été déjà saisi de la demande officielle libanaise. Les chiites ont alors enchaîné en substance : bon, mais il faut remettre le sujet sur le tapis. Pour que, cette fois, il y ait entente sur la forme, les prérogatives et le rôle de la cour internationale. De même, il faut s’entendre sur le rôle élargi de la commission d’enquête. Nous devons être partie prenante à la décision. Pour que cela serve de coup d’envoi à un processus de dialogue général, pour un consensus du même ordre.
Ensuite, Amal et le Hezbollah ont demandé que l’on ne recoure pas au vote en Conseil des ministres sur des questions fondamentales, un dialogue général devant être instauré à leur sujet.
Enfin, et sans doute surtout, répétons-le, ils ont exigé que le Conseil des ministres prépare une étude circonstanciée pour signifier au secrétaire général de l’ONU que la 1559 a été complètement appliquée, qu’il n’y a plus lieu pour un contrôle ou pour un suivi international. Plus besoin, selon eux, de rapport Roed-Larsen.
Le rejet
Bien entendu, Siniora a rejeté le package deal proposé. Il a formulé plusieurs remarques. Relevant d’abord que l’on peut sans doute débattre en Conseil des ministres de la forme d’une cour à caractère international, mais que l’on ne peut en discuter le principe, définitivement acquis.
Sur la suppression de la procédure de vote en Conseil des ministres, le chef du gouvernement a fait valoir que cela équivaudrait à supprimer la Constitution qui l’édicte.
Sur le faire-part de décès de la 1559, il a répondu que le Liban ne peut pas du tout défier de la sorte la légalité internationale, en prétendant ne pas en appliquer les résolutions. Il a rappelé que le maximum, et quel maximum, a été fait et obtenu quand le Liban est arrivé à persuader l’ONU et les puissances de le laisser traiter tranquillement l’affaire de l’armement du Hezbollah. Décrochant de la sorte, au nom d’une solution intérieure par le dialogue et de la paix civile, un délai de grâce illimité. De plus, a-t-il ajouté, comment dire au Conseil de sécurité que la 1559 a été appliquée, quand les Palestiniens gardent encore leur arsenal ?
Cependant, il est question, pour faciliter les choses, d’une accalmie sur le front politique, notamment sur le plan des échanges médiatiques qui deviennent de plus en plus virulents, à la faveur des fêtes.
Philippe ABI-AKL
À la limite, la nouvelle, confirmée hier, confine à la rubrique « incroyable mais vrai ». Le tandem Hezbollah-Amal veut, pour cesser de bouder, que l’État notifie Annan que la 1559, c’est fini. Qu’il ne faut plus du tout en parler, qu’elle a été totalement appliquée. Deux autres demandes du bloc : pas de définition de la cour internationale sans son agrément, et plus de...
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