Actualités - CHRONOLOGIE
Une foule partisane accompagne le cortège jusqu’au cimetière À la cathédrale Saint-Georges, l’émotion est à son comble
le 15 décembre 2005 à 00h00
Des centaines de milliers de personnes ont participé aux obsèques du député de Beyrouth et PDG d’an-Nahar Gebran Tuéni et de ses deux compagnons Nicolas Flouti et André Mrad. C’est presque toute la République qui a assisté à l’office religieux célébré, en présence du Premier ministre Fouad Siniora et du président de la Chambre Nabih Berry, par le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Mgr Élias Audeh, en la cathédrale Saint-Georges des grecs-orthodoxes, au centre-ville. « Presque » toute la République était présente, car le chef de l’État n’a même pas envoyé un représentant aux funérailles du PDG de la plus importante entreprise de presse arabophone au Liban, lâchement assassiné lundi dernier.
Tellement de monde s’était rassemblé sur le parvis et à l’intérieur de la cathédrale Saint-Georges qu’il a été difficile de faire arriver les dépouilles mortelles jusqu’à l’autel. Les porteurs n’arrivant pas à se frayer un chemin au milieu de la foule. Les cercueils ont alors été passés de bras en bras.
La cathédrale a été décorée aux couleurs de l’intifada de l’indépendance, avec des fleurs rouges et blanches et des couronnes posées à l’entrée de la cathédrale. On pouvait lire sur deux d’entre elles, placées presque côte à côte : « De la part de la famille de Rafic Hariri » et « De la part de la famille de Samir Kassir ».
Un nombre non négligeable de personnalités présentes hier aux funérailles de Tuéni avait un père, un frère ou un époux assassiné par le régime syrien. Et on distinguait aux premiers rangs de l’assistance le chef du PSP, Walid Kamal Joumblatt, la ministre des Affaires sociales, Nayla René Moawad, Solange Béchir Gemayel, députée de Beyrouth qui a pris place à côté de Bahia Hariri, députée de Saïda. Il y avait aussi l’ancien président de la République Amine Gemayel. Tous avaient le visage éprouvé par l’émotion.
Tristesse
incommensurable
Devant l’autel, la douleur des familles Tuéni, Flouti et Mrad était incommensurable, intenable.
Tout le long des obsèques, l’épouse de Gebran Tuéni, Siham, ainsi que les filles du PDG d’an-Nahar, Nayla et Michelle, sont restées debout près du cercueil.
Après l’homélie de l’archevêque grec-orthodoxe du Mont-Liban, Mgr Georges Khodr, Ghassan Tuéni prononce d’une voix à peine audible un message appelant à la tolérance. L’assistance se lève pour l’applaudir. Nayla Tuéni le suit. Sa voix tremble un peu mais c’est la rage au ventre qu’elle clame qu’elle est « la fille de son père, la fille de la liberté ». L’émotion est à son comble. Un cheikh sunnite, présent tout près des prêtres grecs-orthodoxes, lance : « Celui qui a des enfants ne meurt pas. »
Quand la jeune fille finit de réciter le serment que son père avait prononcé le 14 mars dernier : «Nous jurons par Dieu Tout-Puissant, chrétiens et musulmans, de rester unis jusqu’à la fin des temps, pour défendre le magnifique Liban », le cheikh crie à pleins poumons le nom de diverses régions libanaises.
Son message achevé, Nayla rejoint sa famille, pose sa tête sur le cercueil de son père, de sa main droite elle tapote nerveusement des pétales de fleurs. Son grand-père, Ghassan, debout à côté d’elle, lui caresse les cheveux.
Vers Mar Mitr
À la fin de l’office religieux, les cercueils sont portés à bout de bras. Comme à son arrivée, le cortège funèbre passe encore devant les escaliers du Parlement, ainsi que devant l’entrée du bâtiment d’an-Nahar. La foule agite les drapeaux des FL, du PNL, du CPL, du PSP, du Courant du futur. Pour beaucoup de partisans, la tristesse du matin a fait place à la colère.
Et l’on a l’impression que pour certains, les funérailles de Tuéni ne sont plus qu’une autre manifestation antisyrienne. On insulte la Syrie et son président. Les manifestants clament : « Lahoud dehors. » Ils conspuent le chef de l’État.
À la place des Martyrs, c’est la cacophonie qui règne. Une voiture surmontée de haut-parleurs diffuse des bribes de discours de Hariri, le serment de Tuéni, et la version techno des slogans scandés le 14 mars. Un peu plus loin, une voix féminine lance dans un autre haut-parleur les leitmotivs du PSP. Loin derrière, les trois cercueils sont portés sur les épaules. Ils sont précédés de prêtres qui entonnent des cantiques de la Résurrection.
Le cortège s’arrête au niveau de la mosquée Mohammed el-Amine, et à bout de bras, les porteurs introduisent le cercueil de Tuéni jusqu’au mausolée de Rafic Hariri.
La procession funèbre remonte vers le cimetière Mar Mitr, effectuant en sens inverse une partie du chemin parcouru en début de matinée. Encore une fois, les habitants d’Achrafieh applaudissent et lancent du riz et des pétales de fleurs au passage des trois cercueils recouverts du drapeau libanais.
Tout comme les autres partenaires du 14 mars, les partisans du Courant du futur et du PSP accompagnent les dépouilles mortelles jusqu’à Mar Mitr, remontant avec leurs drapeaux et symboles les rues d’Achrafieh. Mais c’est surtout la couleur orange du CPL que l’on remarque devant le portail du cimetière. Le cercueil de Tuéni est encore accueilli par les applaudissements. Les familles des trois martyrs attendent sur le parvis de l’église où une dernière prière est récitée avant la mise en terre.
Le père Dimitri Khoury indique que « les obsèques et l’enterrement ont eu lieu dans des églises dédiées à saints Georges et Dimitri, grands martyrs de l’Église». « C’est comme si cette région est condamnée à donner des martyrs », conclut-il.
Les cercueils sont transportés jusqu’aux caveaux de chaque famille. Le parvis de l’église Mar Mitr est vide de ces trois bières recouvertes du drapeau du Liban. Malgré la cacophonie et le brouhaha, on a l’impression tout à coup qu’un silence glacial est tombé sur Achrafieh.
Pat.K.
Des centaines de milliers de personnes ont participé aux obsèques du député de Beyrouth et PDG d’an-Nahar Gebran Tuéni et de ses deux compagnons Nicolas Flouti et André Mrad. C’est presque toute la République qui a assisté à l’office religieux célébré, en présence du Premier ministre Fouad Siniora et du président de la Chambre Nabih Berry, par le métropolite grec-orthodoxe de...
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