La foule était là. Dense, triste, émue. Déchaînée surtout. Déchaînée de colère au point d’en oublier de pleurer. Déchaînée de haine envers le président syrien et ses acolytes libanais. Une colère qu’elle ne s’est pas privée d’exprimer tout haut, en chœur, devant le siège du quotidien an-Nahar, avec force slogans et calicots. Difficile pour la jeunesse du 14 mars de se...
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La place des Martyrs retrouve son nom de place de la Liberté L’hommage de la foule anonyme à Gebran Tuéni devant le siège d’« an-Nahar »
Par EL HAGE Anne Marie, le 15 décembre 2005 à 00h00
La foule était là. Dense, triste, émue. Déchaînée surtout. Déchaînée de colère au point d’en oublier de pleurer. Déchaînée de haine envers le président syrien et ses acolytes libanais. Une colère qu’elle ne s’est pas privée d’exprimer tout haut, en chœur, devant le siège du quotidien an-Nahar, avec force slogans et calicots. Difficile pour la jeunesse du 14 mars de se contenir face aux assassins de Gebran Tuéni et de ses compagnons, Nicolas Flouti et André Mrad. Difficile pour elle d’oublier les autres crimes, ceux qui ont emporté Rafic Hariri, Bassel Fleyhane, Samir Kassir, Georges Haoui mais aussi René Moawad, Béchir Gemayel, Kamal Joumblatt ou Hassan Khaled. Ceux qui ont blessé et meurtri dans leur chair et leur âme Marwan Hamadé, Élias Murr, May Chidiac et bien d’autres anonymes.
Dès neuf heures du matin, c’est par grappes successives que la foule déferle, place des Martyrs, venant de tous les coins de Beyrouth et du Liban. Jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, familles entières aussi, arborant drapeaux libanais et emblèmes partisans (PSP, Courant du futur, FL, Kataëb, PNL et CPL), se sont mobilisés pour dénoncer l’odieux crime contre le PDG d’an-Nahar. Chacun veut arborer son identité, prouver son appartenance, montrer sa solidarité, son refus surtout de cet odieux crime et de tous les autres. On exhibe les portraits des martyrs d’aujourd’hui, Gebran Tuéni et ses deux compagnons, Nicolas Flouti et André Mrad, mais aussi ceux d’hier, Rafic Hariri et Béchir Gemayel.
Unis pour défendre le Liban
Devant l’immense portrait de Gebran Tuéni qui orne, depuis son assassinat, la façade vitrée de l’immeuble an-Nahar, les adieux ont pris la forme de serments. Des serments de vengeance. Des serments de châtiments. Les mots sont crus. Les insultes pleuvent sur Bachar el-Assad, repris en chœur par la foule. « Tes crimes se retourneront contre toi, Bachar. » Le slogan en dit long sur le sentiment de la foule, mais il reste l’un des plus tendres à l’égard de celui que la foule appelle « le dictateur du Baas ». Le chef de l’État n’est pas épargné. Émile Lahoud est vertement invité à démissionner. Tambour et trompette rythment les cris de haine de la foule. Mais celle-ci n’oublie pas pourquoi elle est là. Elle récite en chœur le serment de Gebran Tuéni, celui qu’il avait fait lui-même reprendre à la foule le 14 mars dernier, place de la Liberté : « Nous jurons par le Dieu Tout-Puissant, musulmans et chrétiens, que nous resterons unis, pour l’éternité, pour défendre le magnifique Liban. »
À mesure que l’heure avance, la foule continue de grossir. Il devient difficile de se frayer un chemin entre les gens. Le siège du quotidien est carrément pris d’assaut par les manifestants qui veulent rejoindre les locaux. Mais la sécurité veille et seuls les journalistes du quotidien an-Nahar ou les personnalités politiques sont admis à pénétrer dans le bâtiment. C’est au milieu d’applaudissements de la foule et de « bravos » que Walid Joumblatt et son épouse Nora arrivent. « Que Dieu te donne la force », hurle une personne, alors que les sympathisants du PSP entonnent en chœur des slogans partisans. Sur le chantier situé en face du siège du quotidien, de jeunes inconscients affublés de leurs drapeaux escaladent la grue géante. Des personnalités continuent de défiler dans les locaux du quotidien pour exprimer leur sympathie à l’équipe. Une fanfare entonne l’hymne national.
Hier, la place des Martyrs était noire de monde. Dans une ambiance qui ressemblait étrangement à celle du 14 mars, elle avait recouvré son nom de place de la Liberté. Hier, chacun tenait, par sa présence, à rendre un dernier hommage à Gebran Tuéni. Celui qui représente toujours, jusque dans sa mort, la plume de la liberté.
Anne-Marie EL-HAGE
La foule était là. Dense, triste, émue. Déchaînée surtout. Déchaînée de colère au point d’en oublier de pleurer. Déchaînée de haine envers le président syrien et ses acolytes libanais. Une colère qu’elle ne s’est pas privée d’exprimer tout haut, en chœur, devant le siège du quotidien an-Nahar, avec force slogans et calicots. Difficile pour la jeunesse du 14 mars de se...
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