Acquérir ou offrir un troupeau d’escargots dont on suivra pendant cinq mois la lente croissance par Internet avant de les retrouver, tout cuits, dans son assiette, tel est le concept original que proposent des éleveurs de l’Est de la France.
« Offrir un cheptel de bêtes à cornes, ça fait rêver », explique très sérieusement Daniel Petit, 70 ans, qui élève des gastéropodes depuis 1992 avec ses deux fils, Denis, 39 ans, et Didier, 47 ans. À raison de 1,2 million d’escargots par an, l’exploitation familiale « La Fontaine de Bernn », située à Bernon, aux confins de la Champagne et de la Bourgogne, fournit nombre de restaurateurs de prestige, dont le Georges V à Paris, et exporte à Londres, Tokyo et Stockholm. Elle vise désormais une clientèle audacieuse, les « internautes gastronomes », leur proposant, pour quelques dizaines d’euros, de devenir les heureux propriétaires de 120 escargots de la race Hélix Aspersa Maxima, plus connus sous le nom de « gros gris », ou d’en faire profiter un ami.
Grâce à des webcams braquées sur les gastéropodes et un site Internet (www.escargot.fr) décliné en versions française, anglaise et japonaise, le cyber-éleveur, muni d’un titre de propriété, peut suivre, de mai à octobre, la maturation de ses petits protégés. Il est même invité, s’il le souhaite, à se rendre compte, sur place, du soin qui leur est apporté.
Ces derniers, nourris aux céréales (« Si on leur donne de la salade, c’est comme les humains, ils ne grossissent pas », selon Daniel Petit), grandissent paisiblement, en plein air, sur une pelouse arrosée une fois par jour. Chaque enclos de 300 mètres carrés abrite 100 000 d’entre eux, dont 20 % ne survivront pourtant pas, attaqués par les oiseaux ou vaincus par le stress. « Quand ils sont “bordés”, c’est-à-dire quand ils ont un petit bourrelet sur les côtés, alors on peut les ramasser à la main », précise l’exploitant.
La suite est moins drôle : endormis dans une chambre réfrigérée puis ébouillantés et sortis de leur coquille, ils passent, pour finir, au court-bouillon. C’est alors que le cyber-éleveur redevient gourmet, quand il reçoit chez lui, fin octobre, cinq douzaines d’escargots prêts à déguster.
La formule, lancée il y a un an, avait alors attiré une petite centaine de curieux. Une façon, peut-être, d’enrayer la concurrence des pays de l’Est, de plus en plus nombreux à exporter en France des escargots estampillés « de Bourgogne », produits à un coût bien moins élevé. « C’est vrai que le marché de l’escargot se porte bien, la consommation reste stable, voire se développe, mais nos escargots sont trois fois plus chers que ceux d’Europe de l’Est », note Daniel Petit.
Les héliciculteurs misent aussi sur les internautes étrangers, de plus en plus friands de ce plaisir haut de gamme, symbole culinaire de la France au même titre que les grenouilles ou la baguette. « Les Japonais raffolent des escargots, les Chinois aussi, et même les Allemands qui, au départ, ne voulaient pas en entendre parler », raconte Denis Petit, qui rappelle toutefois que la France reste le premier consommateur mondial de ces bêtes à cornes, avec 40 000 tonnes ingurgitées chaque année.
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