Un échec sur le budget européen au sommet de Bruxelles porterait un nouveau coup à une Union européenne sans Constitution, qui a perdu cette année la confiance d’une partie de ses citoyens inquiets d’un élargissement qu’ils craignent sans limite. Lors du sommet de juin, les chefs d’État et de gouvernement avaient une première fois échoué à se mettre d’accord sur le budget 2007-2013 et un nouveau bras de fer s’annonce jeudi et vendredi pour parvenir à un financement équitable d’une Europe élargie à 25 États membres en mai 2004. Malgré tout, pour l’UE, un échec « ne serait pas un désastre. On pourrait avoir une autre chance en 2006 », a tempéré Katinka Bayrish, du Centre for European Reform à Londres. Les précédentes négociations budgétaires pour la période 2000-2006 n’avaient en effet abouti qu’en mars 1999. Mais rien ne dit qu’un compromis serait plus facile en 2006, selon Mme Bayrish. Et de toute façon, un échec la semaine prochaine entamerait encore un peu plus la confiance de l’opinion publique. En l’absence de « plan B » après les « non » français et néerlandais aux référendums sur la Constitution, qui aurait dû permettre de mieux gérer l’UE à 25, les chefs d’État et de gouvernement s’étaient résolus en juin à décider une « période de réflexion » pour tenter de trouver une solution à cette impasse. Mais personne n’a pour l’instant de vision claire de l’avenir à long terme de l’Union élargie, qui accueillera encore deux nouveaux membres (la Bulgarie et la Roumanie) en 2007 ou 2008. « La crise ne concerne pas seulement la Constitution européenne ou les négociations sur le budget, elle s’enfonce profondément dans le cœur de l’Europe », a analysé la semaine dernière le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker dans l’hebdomadaire bruxellois European Voice. « Il y a une crise existentielle », a, de son côté, assuré Guillaume Durand, décrivant un système européen isolé, « comme une bulle » sur laquelle les citoyens ont l’impression de ne pas avoir de prise. Malgré le revers sur la Constitution, expliqué entre autres par la peur d’une extension à l’Est pourtant célébrée un an plus tôt comme la réunification d’un continent divisé, l’UE a poursuivi son processus d’élargissement. Mais un échec sur le budget 2007-2013 pourrait changer la donne. « Cela jetterait une ombre non seulement sur l’UE, mais sur le futur de l’élargissement », a prévenu vendredi le Premier ministre britannique Tony Blair. Skopje pourrait être la première victime de cet avenir européen incertain, certains États membres se disant désormais réticents à ouvrir une nouvelle page de l’élargissement.