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Actualités - OPINION

Le Premier ministre contesté par les ultras de son camp bien plus que par les opposants

Le tableau politique local offre plus d’un aspect insolite. Ainsi, le rôle de rassembleur, habituellement dévolu au chef de l’État, est en réalité assumé par le président du Conseil. Fouad Siniora tente en effet de transcender le sévère clivage entre gens du 8 et du 14 mars, pour jouer les conciliateurs, sinon les traits d’union. Tout le monde accepte de traiter avec lui dans un esprit positif. L’on ne peut, évidemment, pas en dire autant du locataire de Baabda. Cependant, si les contacts bilatéraux de Siniora sont aussi nombreux que variés, englobant les pôles de l’opposition, il ne semble pas en mesure, ou pas encore, d’organiser un dialogue national général. Car, comme on sait, le président Assad de Syrie, qui garde des fidèles ici, a dit qu’il y a des parties libanaises avec lesquelles il ne faut pas traiter. Mot d’ordre repris il y a deux jours au Caire par son ministre des Affaires étrangères, Farouk el-Chareh. Damas déconseille donc assez clairement aux prosyriens de participer à une concertation rationnelle entre Libanais. Cette animosité télécommandée a failli provoquer une crise ministérielle, les ministres chiites menaçant de démissionner si l’on ouvrait un débat sur une cour internationale. Siniora a réussi à sauver les meubles par une sorte de compromis : on reporte la question, mais l’on officialise en même temps la demande libanaise de prorogation, pour six mois renouvelables, de la mission d’enquête internationale sur l’assassinat du président Rafic Hariri. Siniora suit toujours la même ligne de démocratie consensuelle, et non numérique, par ses concertations suivies avec les diverses forces politiques du cru. Une attitude que les protagonistes chiites approuvent. Mais qui plaît moins aux radicaux de son camp. Ils relèvent en effet que le canal emprunté se trouve en réalité détourné par une perversion du concept du consensus. Expliquant qu’au niveau des décisions, le système avantage à fond le tandem chiite Amal-Hezbollah. Cet axe, disent les haririens engagés, obtient tout ce qu’il veut, comme la réélection de Berry ou la désignation de Salloukh aux AE. Et bloque tout ce qu’il ne veut pas, comme la 1559 ou la cour internationale, en s’arrogeant un droit de veto. Par l’exercice de ce que ces députés de la majorité appellent crûment un chantage organisé. Ils s’en indignent d’autant plus qu’à leur avis, le traitement de l’affaire de l’assassinat du président Rafic Hariri devrait être considéré comme « appartenant » à la communauté qu’il représentait. Tout comme la présidence de la Chambre « appartient » à la communauté chiite. En d’autres termes, ces parlementaires trouvent pour le moins abusif qu’Amal et le Hezbollah fassent de l’obstruction dans un domaine qui, en quelque sorte, « ne les regarde pas ». La majorité commence cependant à se rebiffer. Comme en témoigne le vote sur le Conseil constitutionnel à la Chambre. Incompréhension Ces militants de la majorité déclarent ne pas bien comprendre pourquoi le président Siniora ne marche pas résolument à leurs côtés, dans la bataille qu’ils livrent. Animés de cet esprit de lutte, ils vont jusqu’à lui reprocher d’avoir accepté de rencontrer Chareh en aparté, à Barcelone. À leur avis, le président du Conseil se serait de la sorte prêté à une manipulation, à une opération d’intox habile et pernicieuse. Ils en veulent pour preuve qu’après avoir proclamé la libanité de Chebaa en Espagne, le même Chareh a affirmé, il y a deux jours en Égypte, que cette enclave doit être libérée en même temps, donc pas avant, que le Golan. Alors qu’elle pourrait l’être très vite, dans quelques semaines, pour peu que la Syrie fasse les formalités d’homologation requises à l’ONU. Ils ajoutent que, toujours en Égypte, Chareh, après s’être montré tout sucre tout miel avec Siniora, a pratiquement repris les attaques acadiennes contre leur camp. En soutenant qu’il existe au Liban des fractions agissant pour l’internationalisation et contre la Syrie. Pour ces députés, il était en tout cas inadéquat de la part de Siniora de rencontrer Chareh avant des excuses syriennes sur les propos insultants d’Assad qui l’a traité d’esclave aux ordres d’un esclave aux ordres, atteignant ainsi du même coup Saad Hariri. Dans l’entourage de Siniora, on répond que l’intérêt national commande que l’on s’élève au-dessus de toute considération personnelle, dignité individuelle comprise. Or, pour ces cadres, l’intérêt évident du Liban est d’avoir de bons rapports avec la Syrie. Si elle a voulu faire un pas positif, on ne pouvait pas lui faire grise mine. Ce qu’on ne dit pas ouvertement, c’est qu’il faut aussi complaire à l’Arabie saoudite, dont l’intervention a porté la Syrie à mettre de l’eau dans son vin et qui aurait mal pris une réaction libanaise négative à sa démarche de conciliation. Cette médiation se poursuit en principe à La Mecque et pourrait produire une rencontre Assad-Siniora. À ce propos, les radicaux haririens auraient vivement conseillé à Siniora de ne pas serrer la main du président syrien tant que ce dernier n’aurait pas exprimé des excuses. Philippe ABI-AKL
Le tableau politique local offre plus d’un aspect insolite. Ainsi, le rôle de rassembleur, habituellement dévolu au chef de l’État, est en réalité assumé par le président du Conseil. Fouad Siniora tente en effet de transcender le sévère clivage entre gens du 8 et du 14 mars, pour jouer les conciliateurs, sinon les traits d’union. Tout le monde accepte de traiter avec lui dans un...