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Actualités - CHRONOLOGIE

THÉÂTRE - « Variations énigmatiques », d’E.-E. Schmitt Duel à fleurets mouchetés à al-Madina

Il est normal, vous en conviendrez, qu’un spectateur lambda aborde cette pièce avec appréhension. Les raisons sont multiples. Le titre d’abord: Variations énigmatiques. Musical certes, mais un tantinet pompeux. Il laisse présager des triturations des méninges, des tirades sombres et des mots à double fond et à double sens. Surtout venant d’un auteur à la formation de philosophe et répondant au nom (tout aussi savant que recherché) d’Eric-Emmanuel Schmitt. Ensuite, on s’interroge sur la qualité de la traduction en arabe. Et on se demande comment une pièce peut être montée sans avoir recours aux bons soins d’un metteur en scène. Puis, last but not least, on est curieux d’assister à un duel à fleurets mouchetés entre deux acteurs réputés pour avoir un ego à la mesure de leur talent (c’est-à-dire assez considérable). Autant le dire tout de suite: ces inquiétudes sont balayées d’un coup dès le premier quart d’heure. Qu’on se rassure donc, pas de draps qui volent ou de vociférations et autres élucubrations expérimentales. Il s’agit d’une histoire d’amour et les dialogues, s’ils sont percutants, sont loin d’être incompréhensibles. Antoine Kerbaje et Jihad el-Andari nous servent avec sobriété ce texte. Un texte qui a perdu quand même un peu de sa musicalité en le transposant en arabe. Mais il s’agit là d’une propriété spécifique à la langue française, et non pas d’un quelconque défaut de traduction. Les phrases sont toujours aussi incisives, les répliques tout autant assassines. L’humour y est toujours aussi noir et le désespoir voilé de cynisme. Antoine Kerbaje, alias Abel Znorko, prix Nobel de littérature, vit en solitaire sur une île sauvage de la mer de Norvège. À l’occasion de la sortie de son dernier livre, une correspondance amoureuse entre un homme et une femme, il accepte de recevoir Erik Larsen, Jihad el-Andari, journaliste d’une obscure publication régionale. Pourquoi donc ce génial misanthrope se laisse-t-il interviewer par un inconnu? Qui est Eva Larmor, l’héroïne de son roman? À-t-elle réellement existé? Autant de questions que se pose Erik Larsen, bien décidé à découvrir la vérité... Très vite, entre les deux hommes, les choses se compliquent, déclenchant un véritable suspense: pour quel motif inavoué Erik Larsen a-t-il demandé cette interview? Qui aime-t-on quand on aime? Sait-on jamais qui est l’être aimé? L’amour partagé n’est-il qu’un heureux malentendu? Les énigmes se déconstruisent peu à peu pour laisser la place à d’autres mystères qui restent non résolus. Des chaînons manquants, des pages blanches dans un livre ouvert. La scénographie reflète cette volonté de garder des espaces vierges pour la libre interprétation du spectateur. Des tissus blancs sont accrochés comme on tend le linge sur les balcons un jour de grande lessive. Autres éléments du décor monacal, deux chaises, une table et un tas de livres. Détail modernisant, une projection d’images sur un voile transparent. Pour que le spectacle soit complet et non pas tributaire uniquement d’un texte et d’un jeu d’acteur (aussi bons soient-ils), il aurait peut-être fallu l’intervention, la touche magique d’un metteur en scène, non pas pour agencer les mots et gestes des acteurs mais, justement, pour empêcher leur jeu de devenir semblable, pour éviter ce mimétisme qui s’installe à des moments entre les personnages campés par Kerbaje et el-Andari. Dans ce huis clos qui enferme deux hommes, on retiendra un jeu d’acteurs sobre et le fruit des traits d’esprit de l’auteur. Maya GHANDOUR HERT * Jusqu’au 30 décembre, à 20h30. Réservations au 01/753010 – 11.
Il est normal, vous en conviendrez, qu’un spectateur lambda aborde cette pièce avec appréhension. Les raisons sont multiples. Le titre d’abord: Variations énigmatiques. Musical certes, mais un tantinet pompeux. Il laisse présager des triturations des méninges, des tirades sombres et des mots à double fond et à double sens. Surtout venant d’un auteur à la formation de philosophe et...