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Actualités - REPORTAGE

ARCHÉOLOGIE - Comment des mégalithes pesant des tonnes ont été extraits et transportés Techniques romaines avant-gardistes pour l’édification du temple de Baalbeck

Les tonnes de pierres utilisées dans la construction des temples de Baalbeck proviennent essentiellement d’une vaste carrière de pierre calcaire conglomérée, de moyenne qualité, située sur la colline de Cheikh Abdallah, à 800 mètres du complexe romain. La manière dont a été extraite la masse de pierre, son transport et sa mise en œuvre dans les temples ont été le thème d’une conférence donnée, au musée de l’Université américaine de Beyrouth ( AUB), par l’archéologue Jeanine Abdul Massih. Pensionnaire scientifique de l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), membre de l’UMR 8546-9 (CNRS-ENS) et auteur de plusieurs publications dont Les tombeaux tours du Moyen-Euphrate et De Doura-Europos à Aramel : étude ethnoarchéologique dans des carrières de Syrie, Jeanine Abdul Massih a tout d’abord signalé que la carrière romaine est souvent identifiée au monolithe connu sous le nom de Hajar al-Hibla (21 mètres 50 de long, 4 mètres de large et 4 mètres 20 de hauteur). Mais en fait, ce monolithe, posé au pied de la colline de Cheikh Abdallah, à l’entrée sud de Baalbeck, fait partie d’une exploitation d’extraction à ciel ouvert qui couvre une superficie d’une dizaine d’hectares, s’étendant de la colline de Cheikh Abdallah à la dépression située au sud de la route goudronnée. C’est dans cette dépression qu’a été découvert, il y a une dizaine d’années, un deuxième bloc monolithique dont les couches archéologiques ont été parfaitement conservées puisqu’il était « complètement enseveli dans une masse de déchets de tailles caractéristiques des accumulations des grandes exploitations de pierre. La préservation de ces couches archéologiques est d’une importance capitale pour la compréhension, la datation et l’étude archéologique future des chantiers d’exploitation et de construction de Baalbek », a souligné la conférencière, ajoutant que les traces conservées sur le bloc ont permis d’étudier la manière d’extraire les monolithes. L’opération se faisait par le creusement de tranchées verticales isolant la masse sur ses côtés. Ces tranchées, qui font entre 10 et 20 cm de largeur pour les blocs de moins d’un mètre de haut, peuvent atteindre les 40 à 60 cm pour les blocs de plus grande dimension. La hauteur des pierres extraites est délimitée par l’épaisseur naturelle de strates géologiques de la roche. Quant à l’arrachage du bloc de son substrat, Abdul Massih explique qu’il était effectuée à l’aide de coins introduits dans la saignée, ou dans des encoignures creusées à la base du roc. Elle ajoute, toutefois, qu’en cas d’arrêt sur un joint de stratification, il n’était pas nécessaire de procéder à un arrachage, puisque le bloc est naturellement dégagé de son support. « Les mégalithes de Baalbek sont, dans le substrat rocheux, délimités de manière géologique au sommet comme à la base par des joints de stratification d’une seule et unique strate. Le dégagement de ces mégalithes s’effectue par le creusement au pic de la base du bloc à hauteur d’homme non pas pour l’isoler du substrat rocheux puisqu’il en est déjà détaché, mais pour assurer le bardage, c’est-à-dire le déplacement du bloc vers son emplacement final dans la construction », a encore indiqué la conférencière. Ce creusement entrepris « simultanément par plusieurs carriers » permet d’introduire sous le bloc, et au fur et à mesure qu’il se détache, des rondins de bois ou rouleaux (comme support et moyen de transport du mégalithe). Une fois posé sur ces rondins, le mégalithe était acheminé vers le chantier de construction sur une rampe équipée de cabestans. Se basant sur une étude développée par Jean-Pierre Adam dans À propos du trilithon de Baalbek ; le transport et la mise en œuvre des mégalithes (Syria 1977), Jeanine Abdul Massih précise que « ce dispositif de démultiplication des forces se compose de six ou huit barres, chacune maniée par quatre hommes. Le système de rotation est amélioré par quatre câbles de chanvre liés par un système de palans et de poulies. L’utilisation de cabestan à la période romaine est connue et elle vient d’être confirmée par les découvertes des traces de son emploi dans la construction du pont du Gard en France ». La conférencière souligne que cette technique de transport n’a été appliquée qu’aux grands mégalithes, alors que « des moyens plus modestes et traditionnels ont été utilisés pour la majeure partie des blocs ». Toujours selon l’archéologue, le recours à des équipes régionales de carriers n’est pas quelque chose d’improbable et les recherches menées par la mission archéologique de l’Institut allemand de Berlin, dirigée par Mme Margaret Van Ess, permettent d’avancer l’hypothèse de l’installation de ces équipes sur les flancs de la colline de Cheikh Abdallah. De même, la mise au jour d’un atelier d’affûtage confirme « la présence d’une activité socio-économique propre à l’exploitation, fonctionnant en parallèle avec les chantiers de construction et la vie quotidienne à Baalbeck ». Les travaux de sondage menés aux abords des temples ont permis de dévoiler d’autres carrières de pierres. Au sud de Baalbek, les spécialistes ont découvert, sur plus de trois kilomètres, une extension de l’exploitation de la colline de Cheikh Abdallah, allant au-delà de la route de Douris-Aïn Bourda. À l’ouest, non loin du complexe religieux romain, la carrière de Kyales a donné une pierre calcaire de meilleure qualité. « Cette roche tendre à grains fins a vraisemblablement fourni le support de toutes les sculptures et décorations des temples. » Autour du site toujours, plus précisément dans le secteur nord et sur un rayon de plus de deux kilomètres, les archéologues ont également relevé la présence d’exploitations ponctuelles. M. M.
Les tonnes de pierres utilisées dans la construction des temples de Baalbeck proviennent essentiellement d’une vaste carrière de pierre calcaire conglomérée, de moyenne qualité, située sur la colline de Cheikh Abdallah, à 800 mètres du complexe romain. La manière dont a été extraite la masse de pierre, son transport et sa mise en œuvre dans les temples ont été le thème d’une...