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Actualités - OPINION

Ne pas demander des comptes aboutirait au suicide politique Le Liban face à un devoir de mémoire et de sanction de l’horreur

La controverse sur la cour internationale ne s’est pas encore éteinte que voici le Liban plongé dans une horreur sans nom. L’on a découvert des corps dans le Metn, un massacre d’exécutions sommaires à la suite de la bataille d’octobre 1990. Puis, encore plus effroyable, un premier charnier, et il y en aurait beaucoup d’autres, à proximité de la « capitale syrienne » du Liban, le quartier général de Anjar. On a pu faire montre de réserve, en se contentant d’un commentaire tout de dignité, pour ne pas envenimer les choses, après les offenses assadiennes. Mais aucune considération ne peut exempter le Liban politique, s’il prétend à une existence autonome, d’un devoir de mémoire et de sanction des crimes commis contre son peuple, contre l’humanité. Certes, l’indignation et l’horreur sont générales. Il reste que ne pas demander des comptes, ce ne serait pas seulement de la couardise mais une renonciation d’État, donc une sorte de suicide politique à terme. On se demande comment le camp prosyrien va réagir cette fois. Derrière quel Abou Nidal, commodément défuncté, ces gens qui ont certaines voitures dans leurs garages, vont s’abriter, comme leur maître tente de le faire. L’émotion nationale est telle, cependant, que nombre de parlementaires veulent interpeller le gouvernement. Pour lui demander ce qu’il envisage d’entreprendre à tous les niveaux et le presser d’ordonner des fouilles dans le voisinage de tous les anciens centres des tortionnaires, au Nord, en montagne comme dans la Békaa. Une action d’autant plus nécessaire qu’on ne doit jamais oublier qu’il reste des milliers de disparus libanais et que nombre d’entre eux croupissent sans doute dans les geôles syriennes. Il faut au moins sauver ceux-là. De leur côté, des ministres vont soutenir devant le Conseil l’idée de solliciter un concours international. Soit pour la constitution d’une nouvelle commission d’enquête, soit pour le recours aux experts d’organisations non gouvernementales spécialisées dans les droits de l’homme. Les deux formules n’étant d’ailleurs pas incompatibles. Ces responsables estiment que Kofi Annan doit, d’une façon ou d’une autre, être saisi, en vue d’un rapport ultérieur au Conseil de sécurité de l’ONU. Car il y a crime contre l’humanité, perpétré dans une sinistre durée, puisque certains ossements sont vieux de vingt ans. Parmi les victimes des massacres se trouvaient également des enfants et l’on a retrouvé même le crâne d’un nourrisson. Les trois médecins légistes chargés par le parquet d’un premier inventaire macabre procèdent à des tests d’ADN dans l’espoir d’identifier autant de martyrs que possible. Dans l’espoir également que par une sinistre procédure d’élimination, certaines familles de prisonniers non reconnus par les Syriens se rassurent, se confortent dans la présomption qu’ils sont toujours vivants, puisqu’on ne les aurait pas dénombrés parmi les morts. Retour aux prosyriens. Certains d’entre eux s’efforcent de relativiser, de minimiser, l’abominable tragédie en évoquant et en invoquant la guerre domestique. Ils ont même le front de soutenir que ces charniers existaient avant l’entrée des Syriens, il y a 29 ans. Ajoutant que certaines tueries seraient le produit des combats opposant des fractions palestiniennes entre elles. D’où la référence à feu Abou Nidal. Tout comme par rapport à l’assassinat du président Rafic Hariri, ces fractions veulent blanchir la Syrie. Et ce serait, d’après ces sources, par un effet du hasard que les services de renseignements syriens se seraient installés à côté de ces fosses communes. Une logique qui ressemble par certains côtés aux arguments de Farouk el-Chareh, affirmant avec aplomb à l’ONU que les USA seraient responsables du 11 septembre, les Espagnols du 11 mars et les Britanniques du 7 juillet ! Sans se démonter, un député de la majorité répond qu’en tout état de cause, il y a eu des massacres et qu’il faut donc enquêter pour en identifier les responsables. Ajoutant qu’au-delà de l’horreur, il faut avant tout s’inquiéter des disparus, pour tenter de les sauver s’ils sont encore en vie. Aucune négligence n’est donc permise et le député répète que les autorités doivent procéder à des fouilles méthodiques, en protégeant les sites suspects. Le dossier n’est pas nouveau. Les majoritaires, un peu embarrassés, font valoir qu’il n’a pas été ouvert jusqu’à présent parce qu’on ne voulait pas jeter de l’huile sur le feu, les relations avec la Syrie étant déjà très tendues après le retrait d’avril. Une excuse qui est en fait aggravante. Mais mieux vaut tard que jamais et maintenant le pouvoir en place doit se rattraper. En face, les prosyriens, pour mieux se dérober sans doute, préfèrent continuer à mettre l’accent sur Houssam Houssam. Tout en affirmant qu’ils veulent la vérité, parce qu’elle innocenterait la Syrie, ils soutiennent à fond l’obstructionnisme syrien. Et font même de la surenchère sur Damas en refusant l’idée d’une cour internationale. L’on va être fixé dans quelques jours : Mehlis remet en principe son rapport le 12. Il devrait y avoir ensuite rallonge de six mois, renouvelable. Et toute la communauté internationale, Kofi Annan en tête, s’efforce de persuader le magistrat allemand de ne pas se retirer. Parallèlement, le juge d’instruction libanais, Élias Eid, devrait préparer son acte d’accusation. Pendant ce temps, la controverse sur la cour internationale se poursuit. Nabih Berry affirme qu’il n’est pas contre l’idée, mais qu’il faut des garde-fous, pour ne pas qu’il y ait une mainmise internationale sur le Liban. Michel Aoun de son côté suggère un tribunal panaché. Philippe ABI-AKL
La controverse sur la cour internationale ne s’est pas encore éteinte que voici le Liban plongé dans une horreur sans nom. L’on a découvert des corps dans le Metn, un massacre d’exécutions sommaires à la suite de la bataille d’octobre 1990. Puis, encore plus effroyable, un premier charnier, et il y en aurait beaucoup d’autres, à proximité de la « capitale syrienne » du Liban,...