Actualités - OPINION
Siniora veut calmer le jeu pour assurer le succès de la conférence des donateurs
Par ABI AKL Philippe, le 06 décembre 2005 à 00h00
Le ministre des Finances, Jihad Azour, souligne que le Liban doit saisir la chance en or qui s’offre à lui, à travers la vague de sympathie de ses bons amis, regroupés au sein du « Core group » rassemblé en septembre à New York par Condoleezza Rice. Une rencontre qui a débouché sur la promesse d’une conférence de donateurs, avec la participation d’États, de fonds et de caisses arabes ou internationaux. Ce rendez-vous, ce téléthon, se tiendra à Beyrouth dans quelques semaines ou dans quelques petits mois. Juste le temps pour le Liban de peaufiner ce qu’il est convenu d’appeler le programme « made in Lebanon ». Un mélange de propositions de réformes (administratives, économiques, financières ou fiscales), de privatisations, et de projets de développement comme d’investissement.
Les réformes, on le sait, sont connues depuis Paris II. Le président martyr, Rafic Hariri, qui s’était engagé à les réaliser, avait été contré par ses adversaires politiques qui avaient saboté son plan.
Aujourd’hui, Siniora les reprend à son compte, avec quelques variantes d’actualisation. Pour les faire aboutir, ou, plus exactement, pour les faire démarrer, il a besoin d’un répit sur le front politique, marqué ces derniers temps par des streams, des tourbillons même, concentrés autour de l’affaire de l’enquête sur l’assassinat du président Hariri et de la juridiction qui devra en connaître. En gros, l’ancien clivage 8-14 mars refait surface, provoquant des tiraillements sévères, notamment au sein même du gouvernement, en raison de l’attitude de refus adoptée par les ministres relevant du tandem Amal-Hezbollah. La cohésion gouvernementale n’est plus qu’une fiction et les ministres précités ont même manqué, comme on sait, aux devoirs de la plus élémentaire solidarité nationale, quand ils ont refusé de s’associer à la condamnation des offenses assadiennes. Ils ont par la suite exigé que l’on ne débatte pas d’une cour internationale, menaçant de bouder les séances du Conseil, voire de quitter le cabinet.
On en reste au même point de tension. Siniora veut donc jouer l’apaisement, en effectuant une tournée des pôles pour initier un dialogue général visant à déterminer des dénominateurs communs que l’on bombarderait ensuite du titre de constantes nationales unanimes. Ces principes généraux, censés prévenir tout risque de heurt frontal, Siniora espère les décrocher rapidement pour ne pas être obligé de demander un nouveau report de la conférence des donateurs à laquelle le Liban a tout intérêt à se présenter en front unifié. On sait en effet, et les donateurs ne cessent de le répéter, que plus personne ne compte engager ses sous sans avoir l’absolue garantie que la conférence de Beyrouth ne sera pas sabotée ultérieurement, et intérieurement, comme l’avait été Paris II.
De plus, comme Siniora et son équipe ne cessent de le rappeler, les réformes sont en tout cas indispensables pour redresser la barre libanaise, avec ou sans la perspective d’une aide étrangère.
L’idéal, pour le Premier ministre, serait évidemment que les protagonistes locaux cessent d’en découdre sur l’enquête internationale, sur le procès du même nom, sur les relations avec la Syrie ou avec l’Amérique. Mais il est évident que ces jouteurs, poussés par les uns ou par les autres, ne peuvent au mieux consentir qu’à mettre une sourdine à leurs querelles. Et qu’ils sont pratiquement obligés de ferrailler, tant qu’il y a des développements, des rebondissements, et tant que l’ancien tuteur continue à s’agiter, par alliés interposés, sur la scène locale. Siniora aura donc du mal à faire cesser complètement les hostilités. D’autant qu’il pourra difficilement bénéficier de la trêve des confiseurs : le rapport Mehlis tombe à la mi-décembre et son départ personnel au 1er janvier.
Ce que Siniora peut faire, et il s’y attelle avec détermination, c’est obtenir un large consensus sur le programme technique à défendre devant la conférence des donateurs. Sa tournée des pôles locaux devrait donc porter essentiellement sur le dossier économique, financier, fiscal, sur les privatisations, sur les projets, etc. Dans la foulée, et c’est à l’avantage du Premier ministre, des clauses y relatives détaillées dans la déclaration ministérielle du cabinet, évidemment approuvée par toutes les parties représentées au gouvernement.
Le problème, c’est que depuis lors, le tandem chiite prosyrien s’est considérablement radicalisé. Il ne se contente pas de ruer dans les brancards côté enquête ou cour internationale, il laisse aussi entendre qu’il est désormais réfractaire à l’idée d’une conférence des donateurs. Parce que, dans son obsession xénophobe, cela voudrait dire un surcroît d’internationalisation, de mise du Liban sous la coupe de l’Occident ou des Nations unies, qui ne valent guère mieux, à son avis. On sait ainsi que ce tandem a protesté contre la promotion de Pedersen, le représentant de Kofi Annan, qui a vu son mandat s’étendre du Sud à l’ensemble du pays, sous prétexte que l’ONU désigne ainsi au Liban une sorte de haut-commissaire !
Pour tout dire, le Hezbollah et Amal (accessoirement) craignent, et le disent, que le prix des donations étrangères ne soit l’application de la 1559. Siniora leur répond qu’il n’y a pas de conditions politiques posées au Liban, mais une demande tout à fait normale, et d’ailleurs dans l’intérêt de ce pays, de réformes intérieures.
Mais en dehors de l’action de Siniora, certains estiment que le mieux serait de parvenir à une entente entre Michel Aoun, Hassan Nasrallah et Saad Hariri, qui tiendraient une réunion à cet effet. De son côté, Nabih Berry veut redonner vie à l’axe quadripartite, (Futur-PSP-Amal-Hezbollah) et Walid Joumblatt jouerait un rôle de trait d’union dans ce cadre.
Philippe ABI-AKL
Le ministre des Finances, Jihad Azour, souligne que le Liban doit saisir la chance en or qui s’offre à lui, à travers la vague de sympathie de ses bons amis, regroupés au sein du « Core group » rassemblé en septembre à New York par Condoleezza Rice. Une rencontre qui a débouché sur la promesse d’une conférence de donateurs, avec la participation d’États, de fonds et de caisses...
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