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Actualités - OPINION

Éclairage - Un nouveau répit pour le Conseil des ministres Intraitable sur la question du tribunal international, le Hezbollah ne veut quand même pas quitter le gouvernement

Une fois de plus, c’est tout à fait de justesse que le gouvernement a été sauvé de l’éclatement. Pourtant, de l’avis de nombreux ministres, les débats au cours de la séance de jeudi soir, notamment au sujet de l’éventuelle constitution d’un tribunal international, ont été des plus houleux, au point que de nombreuses parties ont cru que le Conseil des ministres ne pourrait pas franchir indemme cette étape. Et pourtant ! En fait, pour toutes les parties concernées, l’heure n’est pas encore venue de pousser ce gouvernement à la démission ; c’est pourquoi il fallait encore une fois tenter de recoller les morceaux et de sauver la face. Mais après avoir férocement détendu leur point de vue au cours de la séance de jeudi dernier, les représentants du Hezbollah au gouvernement ont exigé qu’aucune mention du thème du tribunal international ne figure dans le communiqué final de la séance. Mohammed Fneich, dit-on, a même frappé sur la table pour que le ministre de l’Information Ghazi Aridi évite même de mentionner que le sujet a fait l’objet d’un débat. Et devant les journalistes pas dupes de son numéro, Ghazi Aridi s’est contenté de déclarer avec un sourire : « Ce sujet ne figurait pas sur l’ordre du jour de la séance. » Ce qui veut tout et ne rien dire… Mais c’est là toute la subtilité dont doit faire preuve un ministre de l’Information dans un gouvernement très divisé. Car, désormais, l’apparente cohésion ne trompe plus personne, et entre le groupe dit de la majorité et le bloc chiite, le Hezbollah en tête, la confiance est loin de régner. Selon des sources proches de cette formation, la nouvelle majorité a multiplié, tout au long des derniers mois, les déclarations rassurantes à l’égard du Hezbollah, mais les faits sur le terrain étaient en contradiction avec ces bonnes dispositions verbales. Il y a eu d’abord les propos rapportés par l’émissaire de l’ONU chargé de l’application de la résolution 1559 dans son rapport et attribués au Premier ministre Fouad Siniora. Or, comme il s’agit d’un document officiel, le Hezbollah pouvait difficilement croire que M. Roed-Larsen ait pu mal comprendre le Premier ministre lorsqu’il lui promettait une application de la résolution, mais avec un peu de temps. La méfiance est de mise… De plus, plusieurs éléments sur le terrain laissent aussi le parti de Dieu songeur et réveillent sa méfiance : ses hommes ou ses partisans sont, selon lui, exclus de tous les postes importants au sein de l’Administration et dans l’appareil de sécurité, qu’il s’agisse des FSI ou des autres services. De même, ajoute-t-il, les personnes qui lui sont favorables sont mutées dans des régions lointaines, comme s’il s’agissait de les punir. Enfin, et c’est sans doute le plus grave pour le Hezbollah, le parti est convaincu que sous couvert d’enquêter sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre assassiné ou dans le cadre des investigations menées par les agents du FBI, demandés en renfort par le Premier ministre lui-même sans consulter le reste du gouvernement, des informations importantes sur le parti ont été envoyées aux États-Unis et peut-être en Israël. Le président du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammed Raad, a d’ailleurs soulevé cette question à plusieurs reprises. Pour toutes ces raisons, le Hezbollah aborde désormais avec la plus grande suspiscion toute initiative de nature à permettre une plus grande intervention de parties étrangères dans les affaires internes libanaises. C’est pourquoi il s’oppose avec une telle fermeté à l’idée de réclamer un tribunal international pour instruire le procès des assassins de Rafic Hariri. Selon le Hezbollah, une telle revendication est prématurée et il ne voit pas pourquoi la majorité insiste tellement pour la présenter maintenant, alors que les investigations risquent de se prolonger au moins pour six mois encore. Il craint qu’il ne s’agisse là d’un moyen pour renforcer l’emprise internationale sur le Liban et d’imposer des conclusions, qui ne sont pas encore vérifiées, sur l’implication directe des Syriens dans l’assassinat. Les sources proches du Hezbollah ajoutent que rien ne justife une telle hâte. D’autant que, selon les mêmes sources, le grand problème judiciaire au Liban a toujours résidé dans les enquêtes préliminaires et policières, non dans les procès où les tribunaux ont émis des jugements considérés comme équitables. C’est ainsi qu’en dépit de la « tutelle syrienne », la Cour de justice libanaise a acquitté le chef des FL Samir Geagea dans l’affaire de l’explosion de l’église à Zouk, en 1994. Par contre, pour l’assassinat du président René Moawad, il n’y a jamais eu d’acte d’accusation… Beaucoup d’autres affaires sont dans le même cas. C’est d’ailleurs une des raisons qui ont poussé le Hezbollah à accepter, à son corps défendant, la formation d’une commission d’enquête internationale pour l’assassinat de Rafic Hariri. Le parti voulait surtout, par ce biais, rassurer la famille du grand disparu et favoriser des investigations crédibles pour tous. Mais comme cette enquête semble devoir se prolonger, le Hezbollah estime que la majorité et ses alliés devraient mettre à profit ce délai pour dynamiser le pouvoir judiciaire libanais et le renforcer, afin qu’il puisse mener le procès qui devrait couronner l’enquête internationale. C’est le moment ou jamais, précisent les sources proches du Hezbollah, de mettre en application l’intention déclarée de vouloir construire un État de droit et rebâtir les institutions publiques. Alors que, toujours selon les mêmes sources, réclamer la formation d’un tribunal international, avant même de connaître l’identité des suspects, est un coup porté à la justice libanaise, qui apparaît ainsi peu crédible et équitable. Sans compter les pouvoirs que pourrait obtenir un tribunal international, notamment sur des questions internes libanaises. Selon les sources proches du Hezbollah, le parti est intraitable sur cette question, au moins jusqu’à la fin de l’enquête internationale. Mais ces sources s’empressent d’ajouter que ce thème-là ne sera pas la cause de l’éclatement du gouvernement. Le Hezbollah, affirment-elles, n’aura pas à pousser ses représentants à la démission pour convaincre les autres ministres de la justesse de son point de vue. Et elles ajoutent : si le gouvernement doit éclater, ce sera pour d’autres raisons… Scarlett HADDAD
Une fois de plus, c’est tout à fait de justesse que le gouvernement a été sauvé de l’éclatement. Pourtant, de l’avis de nombreux ministres, les débats au cours de la séance de jeudi soir, notamment au sujet de l’éventuelle constitution d’un tribunal international, ont été des plus houleux, au point que de nombreuses parties ont cru que le Conseil des ministres ne pourrait pas...