Reportage - De plus en plus de jeunes Irakiens ont recours aux narcotiques
Plonger dans les « paradis artificiels »
pour échapper à la dure réalité
le 03 décembre 2005 à 00h00
Confrontés à la violence, au chômage et à l’insécurité, de plus en plus d’Irakiens, surtout des jeunes, se réfugient dans le « paradis artificiel » des substances narcotiques et antidépressives.
« C’est un fléau dangereux auquel il faut faire face rapidement avant qu’il ne devienne incontrôlable », affirme le docteur Adnane Fawzi, adjoint du directeur du programme national de lutte contre la toxicomanie, qui relève du ministère de la Santé. Il explique que les substances utilisées dans ce genre de dépendance, notamment les antidépresseurs, « s’achètent pour rien dans les pharmacies ». Selon lui, le nombre de toxicomanes en Irak n’est pas très élevé, à cause du prix rébarbatif des drogues comme l’héroïne et la cocaïne.
« Des dizaines de personnes viennent tous les jours pour acheter des pilules tranquillisantes, mais nous connaissons désormais ceux qui souffrent de dépendance et nous refusons de les fournir », assure un pharmacien de la rue al-Saadoun, dans le centre de Bagdad. Cette rue est adjacente au quartier al-Battaouine, considéré par les médecins comme le fief des toxicomanes et des alcooliques dans la capitale. Le pharmacien explique que les Irakiens accros à ces substances sont le plus souvent des bandits et des voleurs notoires. « L’un d’eux m’a menacé d’une arme et m’a volé ma voiture », raconte un voisin du pharmacien.
Selon le docteur Ali Rachid, de l’hôpital Ibn Rouchd spécialisé dans la psychiatrie et la toxicomanie, les antidépresseurs, comme les drogues, entraînent la marginalisation des utilisateurs, au sein d’une société conservatrice. Pour Ali, 18 ans, se réfugier dans le monde des narcotiques lui permet d’oublier ses problèmes. « Je flotte dans un autre monde », dit-il. « Les conditions de vie insupportables, que ce soit dans la société ou au sein de ma famille, m’ont poussé à chercher une échappatoire », poursuit-il.
La famille et les établissements éducatifs ont une grande part de responsabilité dans la prévention de ce problème, estime Nagham Wannass, une assistante sociale. De ce fait, ce phénomène touche « plus de 1 000 sans-abri, en majorité des enfants, dans le quartier d’al-Battaouine », indique un responsable du ministère de l’Intérieur sous le couvert de l’anonymat. En plus des substances pharmaceutiques, ils ont une dépendance à l’alcool et certains d’entre eux reniflent de la colle.
Le ministère de la Santé, qui gère déjà des hôpitaux débordés par le nombre de victimes des violences quotidiennes, tente de faire face à ce problème aussi. Il a déjà envoyé de nombreux médecins et spécialistes pour être formés à l’étranger. En novembre, il a organisé une conférence sous le titre « Pour un Irak débarrassé des drogues ». Les participants ont appelé les autorités à mieux contrôler les frontières, notamment avec l’Afghanistan et l’Iran, pour empêcher le passage des trafiquants de drogue.
En mai, l’Organe international de contrôle des stupéfiants avait estimé que l’Irak était en train de devenir un pays de transit pour l’héroïne produite en Afghanistan qui, introduite par l’Iran, est ensuite distribuée en Europe. La Commission nationale de lutte antidrogue, présidée par le ministre de la Santé Abdel Moutalleb Mohammad Ali et regroupant de hauts responsables de l’Intérieur, de l’Éducation et du Travail, a également appelé à la mise en place d’un contrôle sur la vente de tranquillisants. Actuellement, tous les médicaments se vendent dans les pharmacies sans ordonnance. La Commission a également lancé une campagne de sensibilisation. De nombreux murs de Bagdad sont couverts d’affiches qui montrent un homme en haillons penché contre un mur et un autre, allongé à même la chaussée, tentant de se piquer avec une seringue.
Salam FARAJ (AFP)
Confrontés à la violence, au chômage et à l’insécurité, de plus en plus d’Irakiens, surtout des jeunes, se réfugient dans le « paradis artificiel » des substances narcotiques et antidépressives.
« C’est un fléau dangereux auquel il faut faire face rapidement avant qu’il ne devienne incontrôlable », affirme le docteur Adnane Fawzi, adjoint du directeur du programme...
Cet article est réservé aux abonnés. Abonnez-vous pour 1$ et accédez à une information indépendante.
Dans votre abonnement numérique : la version PDF du quotidien L’Orient-Le Jour, des newsletters réservées aux abonnés ainsi qu'un accès illimité à 3 médias en ligne : L’Orient-Le Jour, L’Orient Today et L’Orient Littéraire.
Les plus commentés
Au moins 25 personnes arrêtées après l'attaque contre un convoi de la Finul
Avion iranien : la tenaille de tous les dangers
Un officier de la Finul blessé dans l'attaque d'un convoi dans la banlieue sud de Beyrouth