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Actualités - OPINION

L’implosion ministérielle semble n’être que reportée Spéculations sur la viabilité d’un cabinet constamment sauvé des eaux

Cela tient désormais des us et coutumes, ou d’un regrettable folklore : le président du Conseil passe son temps à sauver les meubles. Et le cabinet bancal qu’il a été obligé de former. Mais cette fois, l’implosion semble n’être que reportée. On ne voit pas pourquoi, en effet, les ministres chiites qui ont carrément menacé de claquer la porte si on abordait maintenant la question du procès international changeraient d’avis parce que la décision aura été reportée de trois ou quatre petits jours… À moins, bien entendu, qu’il ne s’agisse d’une menace en l’air. Faisant partie de ce que certaines mauvaises langues appellent « la stratégie du chantage », héritée et imitée des Syriens. Quoi qu’il en soit, l’intervention du vice-président du Conseil, le ministre de la Défense Élias Murr, le miraculé, le « martyr vivant », comme l’appellent les âmes sensibles, a été particulièrement remarquée, lors du dernier débat en Conseil des ministres. Il s’est exprimé en témoin, ayant failli être victime des criminels, tout comme Marwan Hamadé avant lui. Indiquant d’ailleurs qu’ils sont parfaitement d’accord. Et contrant vigoureusement le camp d’en face, les cinq ministres du bloc Amal-Hezbollah. En déclarant que s’il s’agit de jusqu’au-boutisme, Hamadé et lui sont prêts à prendre les devants et à démissionner. Car il est inadmissible, intolérable de continuer à faire comme si de rien n’était, alors que la quête de la vérité serait entravée. Une vérité, a souligné le ministre, qui ne s’arrête pas à l’assassinat du président Hariri, mais concerne toute une série noire dont bien trop d’innocents ont été victimes, le pays étant d’ailleurs dans son ensemble la première victime du plan assassin. Murr a relevé que le Conseil des ministres se trouve confronté à une responsabilité vraiment nationale, l’invitant à adopter une position conforme à l’intérêt vital bien compris du Liban. Il s’est étonné que certains de ses collègues puissent s’opposer à la création d’une Cour internationale et refusent même d’en discuter. Ajoutant que le ministre de la Justice doit présenter une liste de suggestions, en base d’une étude déjà réalisée. Le ministre Murr a tancé les contestataires, évidemment sans les nommer, en indiquant que la menace de démission est une attitude peu civilisée autant que peu convenable. Une façon polie de la qualifier de pression abusive, pour ne pas dire de chantage. Une pression d’autant plus abusive que l’on en abuse, et qu’on brandit cette menace à tout bout de champ, a-t-il noté. Le ministre a rappelé que la bonne règle veut que le Conseil des ministres débatte de tout sujet soumis à son examen. Et non pas qu’il laisse dormir des bombes à retardement. Il a ensuite quitté la salle, étant appelé par d’autres obligations. Le climat de la séance était à ce moment extrêmement tendu. Siniora a réussi à tout rattraper, en reportant le débat sur le procès, se contentant pour le moment de la ratification de la demande de prorogation de la mission Mehlis pour un semestre de plus. Le cabinet n’a donc pas volé en éclats, pas encore. Les jours qui viennent vont être consacrés à des contacts de prévention, de repêchage. Mais, en principe, comme l’a souligné Hamadé, le Conseil des ministres ne va pas tarder à décider la demande de création d’une juridiction extérieure. C’est-à-dire, siégeant à l’étranger, la composition de la cour elle-même pouvant être panachée, comprendre des juges libanais et les délibérations se faire suivant les procédures ou les lois libanaises. Étant cependant entendu que l’affaire se base, pour les qualifications, sur les résolutions du Conseil de sécurité condamnant les crimes de terrorisme et contre l’humanité. Le temps mort actuel est donc mis à profit pour tenter de recoller les morceaux à l’intérieur. Il est probable que les conciliateurs voudront jouer sur une prime de consolation pour les prosyriens : Mehlis, leur bête noire, annonce que personnellement il se retire de la partie, son contrat expirant le 1er janvier. À ce propos, on apprend de source diplomatique que Berlin est soulagé. L’Allemagne ne souhaite pas en effet que Mehlis soit éventuellement à l’origine d’une réédition, en Syrie, de l’épisode irakien. Selon les mêmes sources, Mehlis aurait fait savoir à Annan, en remettant son rapport du 20 octobre, que le travail de base est pratiquement terminé. Qu’il poursuit les interrogatoires simplement pour qu’on n’aille pas lui reprocher de n’avoir pas entendu tout le monde. Et de développer une procédure politisée. Ces sources ajoutent, sans s’apercevoir qu’au fond elles se contredisent, que Mehlis pourrait lancer une bombe dans son rapport du 15 décembre. En révélant plein de choses que l’on ne connaît pas encore, dont on ne se doute pas. En tout cas, il est peu probable qu’il décerne un satisfecit à la Syrie. On sait en effet qu’il a été fortement indisposé par les assertions syriennes selon lesquelles le choix de Vienne pour les interrogatoires aurait constitué un marché. Il a convoqué les médias pour préciser que la commission ne se livre pas à des bazars. Et il a descendu en flèche, avec beaucoup de mépris, tant le Houssam Houssam de la conférence de presse à Damas que la commission judiciaire syrienne, qui a fait danser ce singe savant de cirque sans l’avoir d’abord interrogé. Il est certain qu’il y a eu des arrangements, mais sur le plan politique et diplomatique, comme l’a reconnu le roi Abdallah d’Arabie saoudite, et pas sur le plan judiciaire. Ainsi, des sources informées soulignent-elles que Damas joue sur les mots quand il parle d’assurances ou de garanties, en sous-entendant qu’elles seraient russes. Moscou a en effet fait clairement savoir d’abord que s’il lui faut protéger la Syrie, c’est seulement si cette dernière coopère effectivement à plein avec Mehlis et se soumet totalement à la 1636. Ensuite, qu’elle respecte la commission d’enquête et qu’elle ne peut absolument pas intervenir dans le domaine judiciaire. Dès lors, on comprend Mehlis quand il précise que le nombre de cinq cadres syriens est extensible. Parce que personne ne peut s’en mêler. Retour au cabinet. Il est en sursis. Surtout que, entre autres éléments, Joumblatt passe maintenant à la contre-attaque, en se déchaînant contre le régime syrien. Ce qui veut dire qu’en pratique, il n’est plus là pour jouer les traits d’union entre le 8 et le 14 mars. Donc qu’il ne va pas faire des efforts particuliers pour inciter le gouvernement, plus exactement la majorité, à oublier l’affaire du procès international afin que les ministres chiites ne démissionnent pas. Philippe ABI-AKL

Cela tient désormais des us et coutumes, ou d’un regrettable folklore : le président du Conseil passe son temps à sauver les meubles. Et le cabinet bancal qu’il a été obligé de former. Mais cette fois, l’implosion semble n’être que reportée. On ne voit pas pourquoi, en effet, les ministres chiites qui ont carrément menacé de claquer la porte si on abordait maintenant la...