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Après de longs débats et des menaces de démission des ministres chiites, la question du tribunal international sera examinée la semaine prochaine Le gouvernement décide de demander une prorogation de six mois de la commission d’enquête
le 02 décembre 2005 à 00h00
Une séance longue, très longue, et, en apparence, la montagne a accouché d’une souris. Surtout qu’avant que les portes du Sérail ne se ferment, chaque camp s’arc-boutait sur sa position, et tout laissait présager d’une issue catastrophique. Une réunion avait même regroupé le Premier ministre, le conseiller politique de Hassan Nasrallah, Hussein Khalil, ainsi que le député berryiste, Ali Hassan Khalil, qui avait dit à l’issue de la réunion que le sujet du tribunal international n’avait pas été tranché. Surtout, aussi, que les téléphones portables n’ont pas chômé au cours du Conseil des ministres, et que beaucoup de ministres ont passé, à plusieurs reprises, de nombreuses minutes avec leurs chefs de blocs respectifs ou leurs patrons respectifs : Saad Hariri, Walid Joumblatt, Hassan Nasrallah et Nabih Berry, entre autres…
In fine, le Conseil des ministres a privilégié hier un compromis boîteux : les ministres Amal et Hezbollah ont accepté l’idée de prorogation de six mois du mandat de la commission d’enquête internationale. Fouad Siniora en fera prochainement et officiellement la demande auprès du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Les ministres chiites ont obtenu en contrepartie que le gouvernement ne statue pas – hier – sur une autre requête : celle en faveur d’un tribunal international chargé de juger ceux que la commission Mehlis accusera d’avoir participé de près ou de loin à l’assassinat de Rafic Hariri.
Voilà pour les apparences. En réalité, le chef du gouvernement et les ministres issus du 14 mars se sont montrés certes « compréhensifs », souples, mais, en même temps, éminemment fermes. « Mes prérogatives stipulent que c’est à moi de décider quand se tient un Conseil des ministres et d’en définir l’ordre du jour », a affirmé Fouad Siniora au cours des débats. Le Premier ministre a ainsi fait comprendre qu’il allait multiplier ses contacts durant les prochaines heures avec l’ensemble des parties avant que de convoquer, avant jeudi prochain, à un Conseil des ministres extraordinaire chargé de plancher sur la question du tribunal international. Même si, à l’issue de ce Conseil, chaque camp continuait de penser qu’il avait réussi à imposer son point de vue – ou du moins essayait de montrer cela aux journalistes présents au Sérail.
Signalons tout de même que le débat autour du tribunal international s’est déroulé en deux temps. Le n° 2 du gouvernement, Élias Murr, qui a dû quitter la séance afin de se faire opérer de l’oreille, a qualifié en partant la réunion de « superpositive », croyant en avoir fini avec la question. Plusieurs de ses collègues ont d’ailleurs quitté le Sérail, avant d’être invités à y retourner parce que la polémique a recommencé à battre son plein.
D’abord l’acte
d’accusation…
Il faut dire qu’au départ, le Hezbollah et ensuite et surtout Amal n’ont pas hésité à afficher clairement la couleur ; « ils ont mis le revolver sur la table », a dit à L’Orient-Le Jour une source ministérielle de la majorité. « Si nous n’arrivons pas à nous mettre d’accord, nous nous retirons et nous démissionnons », a dit d’entrée de jeu le ministre hezbollahi de l’Énergie et de l’Eau, Mohammed Fneich. Lui et ses collègues ont purement et simplement lié leur acceptation de la prorogation du mandat Mehlis à la question du tribunal. « Nous ne sommes pas contre (le tribunal), mais nous en parlerons dans six mois. » Les ministres Moawad, Hamadé et Murr leur ont immédiatement répondu, insistant sur la nécessité d’une telle requête. Le ministre Kabbani a axé son intervention à l’adresse de ses collègues Amal et Hezbollah sur le côté juridique, leur expliquant qu’un tribunal international a besoin de quatre ou cinq mois avant d’être mis sur pied. « C’est maintenant qu’il faut prendre la décision », a dit le ministre de l’Éducation nationale. Sachant que pour appeler à la création d’un tel tribunal, il faut qu’il y ait eu, au préalable, un acte d’accusation en bonne et due forme, qui se traduira sans doute par le rapport, le 15 décembre prochain, de Detlev Mehlis.
Dans tous les cas, plusieurs ministres de la majorité, dont Ghazi Aridi ou Tarek Mitri, ont clairement relevé qu’il serait dommage de rompre cette bonne habitude que le gouvernement Siniora a adoptée depuis le début, et qui consiste à ne pas soumettre, « pour l’instant », les décisions au vote.
Quant au ministre de la Justice, Charles Rizk, il a attendu la fin des débats pour s’exprimer et informer ses collègues qu’il a chargé deux magistrats de renom d’étudier les différentes formes que pourrait prendre le tribunal international (TI). Il distribuera dans les prochaines heures un résumé de huit pages de ces options, qui fera un parfait sujet de réflexion avant la réunion extraordinaire du gouvernement. Le ministre Rizk a nié, à l’issue de la réunion, avoir été chargé de cela. « En tant que ministre de la Justice, j’ai accès à toutes les études faites en ce sens, elles sont en possession de magistrats spécialistes en la matière. Tous les rapports que l’on me demande en Conseil des ministres existent au ministère de la Justice et sont prêts à être diffusés » auprès des ministres.
Hamadé déterminé
En sortant du Sérail, d’autres ministres se sont exprimés – mais aucun des membres du Courant du futur ; quelques-uns d’entre eux ont pourtant assuré que le sujet du tribunal sera certainement évoqué la semaine prochaine.
« Nous restons déterminés à demander la création d’un tribunal international, et c’est au Premier ministre de fixer la date d’une séance consacrée à ce sujet », a dit Marwan Hamadé. « Pourquoi vous nous imposez une prise de position ? » a demandé Mohammed Fneich aux journalistes qui l’interrogeaient sur les raisons du refus du Hezb du TI. « Les forces politiques sont ouvertes les unes aux autres, nous continuerons à nous concerter et c’est le Premier ministre qui se charge de cette opération politique, en harmonie avec ses prérogatives », a-t-il ajouté. Son collègue Trad Hamadé a estimé que la séance « s’est terminée dans l’intérêt du Liban ».
Enfin, rendant compte des travaux du Conseil des ministres, le ministre de l’Information, Ghazi Aridi, a précisé que Fouad Siniora avait commencé par exposer comment l’État et la Résistance avaient, grâce à leur coordination, obtenu la restitution des combattants libanais tués en Israël. Les débats ont ensuite porté sur le sommet de Barcelone, a dit le ministre Aridi. Le Premier ministre s’est étendu sur l’entretien qu’il avait eu avec le ministre syrien des AE, Farouk el-Chareh, notamment au sujet de la libanité des fermes de Chebaa. Nous avons insisté sur la nécessité de trouver un mécanisme commun afin d’effectuer le tracé des frontières et de le transmettre aux Nations unies, et sommes parvenus aux résultats que vous connaissez, a dit en substance Fouad Siniora, qui a ajouté qu’il adressera un message à son homologue syrien Naji Otri en ce sens, et compte tenu de ce développement. Quant au ministre des Affaires étrangères, Faouzi Salloukh, il a proposé, pour sa part, la formation d’une commission d’experts qui se pencherait sur la question.
Par ailleurs, le n° 3 de l’État a fait part au Conseil des ministres de la teneur de son entretien avec Detlev Mehlis, qui lui a affirmé qu’il ferait son possible pour que son rapport soit remis à temps pour permettre au Conseil de sécurité de le discuter dans les délais. Le remplacement du juge allemand, qui a souhaité mettre fin à sa mission, n’influera pas sur l’enquête, puisqu’un nouveau chef sera nommé à la tête de la commission, a également affirmé Fouad Siniora.
Une séance longue, très longue, et, en apparence, la montagne a accouché d’une souris. Surtout qu’avant que les portes du Sérail ne se ferment, chaque camp s’arc-boutait sur sa position, et tout laissait présager d’une issue catastrophique. Une réunion avait même regroupé le Premier ministre, le conseiller politique de Hassan Nasrallah, Hussein Khalil, ainsi que le député...
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