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Actualités - CHRONOLOGIE

Le chef de la commission d’enquête internationale affirme qu’il n’y aura pas d’arrestations à Vienne Mehlis : Les témoignages de Houssam Houssam sont de la pure propagande

Il a enfin décidé de sortir de son mutisme. C’est dire l’importance du message que le chef de la commission internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri, le juge Detlev Mehlis, voulait communiquer aux médias libanais et régionaux, notamment après le coup de théâtre de la conférence de presse donnée à Damas par l’un des témoins syriens, Houssam Houssam. À Monteverde où il a convié hier un groupe restreint de journalistes pour une conversation à bâtons rompus, le magistrat allemand – imperturbable – a tenu à mettre les choses au clair, notamment au sujet de ce qu’il a estimé être une « propagande » digne des décennies passées. Choisissant ses mots avec soin et rigueur, le juge confie aux journalistes que le choix de Vienne a été le fruit de la souplesse dans les négociations et non d’un compromis. À tous ceux qui s’interrogent sur les aboutissements des prochains interrogatoires, il explique qu’il ne faut pas s’attendre à ce qu’il y ait des arrestations dans la capitale autrichienne, puisque c’est à l’État libanais ou syrien que revient cette prérogative. D’ici là, il reste beaucoup à faire, précise le juge, qui estime que son mandat sera probablement prolongé une nouvelle fois. Dans un bureau de travail sobre et relativement étroit par rapport à l’importance de la mission, Detlev Mehlis confie à quelques journalistes ses impressions sur les derniers soubresauts de l’affaire Hariri. Évoquant les déclarations de Houssam Houssam que le régime syrien a considéré comme « témoin majeur », il laisse entendre qu’il n’existe pas de « témoins principaux ». Seuls, les appels téléphoniques interceptés au Liban peuvent être considérés comme une preuve fondamentale dans l’enquête, indique le magistrat allemand, qui précise que les témoignages ne constituent que des pièces du puzzle. Le juge estime que ce dernier contre-témoignage, avancé par le témoin dit masqué, est fabriqué, ce dernier ayant probablement subi des pressions et des menaces, notamment contre sa famille qui se trouve à Damas, ce qui expliquerait ce revirement spectaculaire. Spectaculaire, peut-être, par rapport à une partie de l’opinion publique, mais pas pour Detlev Mehlis en tout cas, qui ne croit pas une seule minute que cette « rétractation » de dernière minute peut influer, d’une manière ou d’une autre, sur le cours de l’investigation, encore moins la remettre en cause. Il faut dire que l’intime conviction du juge allemand reste que Houssam a effectivement dit la vérité à la commission – dans une déposition dûment signée par lui – et non devant le public syrien. Toujours selon M. Mehlis, le témoin, dont la proche famille est toujours en Syrie, devait craindre les représailles des services secrets syriens connus pour leurs moyens de dissuasion musclés. À ce moment, la fiancée et la famille de cette dernière, qui seraient maintenant « en danger » au Liban, selon les dires de l’avocat de Houssam, ne figuraient pas sur le tableau. Toujours est-il que la grande question que continuent de se poser les experts internationaux est de savoir pourquoi ce fameux Houssam n’a-t-il pas été interrogé par la commission d’enquête syrienne ? Celle-ci semble avoir préféré le jeter en pâture devant les caméras pour faire l’éloge du président Bachar el-Assad suivi d’un discours politique sur la légitimité de la 1595, de la 1636 et sur les intentions américaines dans la région, enchaîne le procureur allemand. Pour les experts juridiques onusiens, l’interrogatoire de Houssam par la commission syrienne est le b.a.ba du travail d’investigation, et un principe « éthique » incontournable. À défaut, c’est toute la crédibilité de la commission juridique qui est discréditée, estiment-ils. De l’avis de ces mêmes experts, Houssam Houssam sera probablement convoqué devant le juge une fois le procès en route, et sa déposition devant la commission internationale – enregistrée – a une valeur juridique certaine. Si Houssam a donné un faux témoignage à Damas, pourquoi les autorités judiciaires libanaises ne procèdent-elles pas à son arrestation ? Tout simplement parce que la propagande n’est pas illégale et tout le monde a le droit d’en faire, croit savoir le juge allemand qui esquisse un sourire narquois. Certes, son métier lui commande d’être prudent, scrutateur et méfiant des témoins qu’il interroge, et le doute est toujours de rigueur durant l’investigation, laisse-t-il entendre. Malgré cela, le chef des enquêteurs ne pense pas que Houssam est un agent double, sa motivation ayant pu être tout simplement la peur. S’abstenant de dire qui, quand et combien de Syriens seront interrogés dans la capitale autrichienne, Detlev Mehlis a laissé entendre qu’il ne sera pas parmi ceux qui confronteront les témoins, ayant déjà beaucoup à faire au Liban, notamment pour apprêter le prochain rapport qu’il publiera probablement autour du 15 décembre. Le juge a en outre choisi d’épargner aux services de sécurité autrichiens les affres de la responsabilité de lui assurer une protection. Ces derniers sont déjà assez débordés par la présence des experts de la commission et l’arrivée – toujours entourée de mystères - des 5 témoins, croit-on savoir. De source onusienne, on apprenait toutefois que le nombre de témoins sollicités pour l’étape viennoise était initialement ni 5 ni 6 mais bien plus. Ces sources affirment que c’est la flexibilité du juge allemand par rapport aux demandes syriennes qui a enfin permis à l’enquête de redémarrer. Toutefois, le procureur a toute la latitude et l’inconditionnelle prérogative d’en faire venir d’autres, avec la promesse certaine que personne ne sera épargné pour faire aboutir l’enquête. D’ailleurs, le juge persiste et signe : la commission n’a accordé aucune garantie aux Syriens, précisant que les interrogatoires se dérouleraient sans condition conformément aux prérogatives de son mandat. Le choix du lieu Pourquoi Vienne ? Pourquoi pas le Liban ou la Syrie ? La Syrie est un lieu trop compliqué sur le plan logistique ; le Liban, parce que les Syriens ne voulaient surtout pas en entendre parler ; et Vienne parce qu’il fallait bien commencer quelque part, commente une source informée. Toutefois, à la question de savoir si les témoins pourraient être arrêtés à Vienne, s’ils s’avèrent être des suspects, la réponse des experts judiciaires onusiens est négative. Seules les autorités libanaises, sinon syriennes peuvent procéder aux arrestations sur proposition du chef des enquêteurs. Au cours de la rencontre, le juge Mehlis n’oublie pas d’ailleurs d’adresser un hommage au travail accompli par la justice libanaise et les forces de sécurité, qui se sont distinguées au cours de cette épreuve historique. Pour le procureur allemand, le fait que les attentats ont cessé depuis quelque temps est une preuve tangible que ces messieurs-dames (les femmes figurent en nombre important au sein de l’équipe de sécurité du chef des enquêteurs) font leur travail rigoureusement. L’investigation ne se terminera pas de sitôt Combien les Libanais devront-ils encore attendre pour connaître la vérité ? Une question à laquelle aucun membre de la commission ne semble pouvoir répondre, à ce stade de l’investigation. Ce qui semble pratiquement sûr, pour l’instant, c’est que M. Mehlis aura besoin d’une extension de son mandat, qui se termine le 15 décembre, affirme une source informée. Une prorogation de plus, que le juge allemand explique par le fait que le travail est énorme, refusant de mettre cela sur le compte des tergiversations syriennes. De son avis, les manœuvres et les attaques lancées par Damas contre son équipe sont un peu exagérées en public. Ce qu’elles laissent filtrer en privé n’est pas tout à fait ce qu’elles annoncent devant les médias, laisse encore entendre le magistrat. À tous ceux qui l’accusent d’être un stratège politique au service des grandes puissances et d’un complot au plan régional, M. Mehlis sourit avant de se plaindre, sur un ton humoristique, qu’« on » a été jusqu’à prétendre que sa mère est décédée, alors qu’elle se porte on ne peut mieux, malgré ses quatre vingt et un ans. L’équipe formée de sept experts a tout fait pour que le rapport ne soit pas politisé et pour qu’il soit le moins vulnérable possible, assure-t-il. Mais il ne faut pas oublier que le crime est politique par essence et que les suspects sont des responsables d’État, fait remarquer le juge allemand, qui dément toutefois avoir jamais été influencé par la situation politique qui prévaut dans la région, ou entraîné dans quelque compromis que ce soit. Il assure qu’il fait son travail, rien que son travail, et le poursuivra jusqu’au bout, le temps que cela prendra. Jeanine JALKH

Il a enfin décidé de sortir de son mutisme. C’est dire l’importance du message que le chef de la commission internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri, le juge Detlev Mehlis, voulait communiquer aux médias libanais et régionaux, notamment après le coup de théâtre de la conférence de presse donnée à Damas par l’un des témoins syriens, Houssam Houssam. À Monteverde où il...