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Actualités - OPINION

Détente encore précaire sur le front syrien Pour la libanité des fermes de Chebaa, les déclarations ne suffisent pas, il faut des actes juridiques

Le ministre Chareh va dire que « les fermes de Chebaa sont libanaises. Elles sont libanaises ! » L’enthousiasme juvénile de Siniora, après la « réconciliation » de Barcelone, pour plaisant ou communicatif qu’il soit, n’est pas plus suffisant que les proclamations syriennes. Selon un membre de la majorité parlementaire libanaise, il faut maintenant que la Syrie remette au Liban des documents officiels établissant et reconnaissant la libanité des hameaux. Pour qu’il les transmette à son tour aux Nations unies, aux fins d’homologation. Après quoi, Chebaa se transposerait de la 242 à la 425, et Israël serait sommé de s’en retirer sans attendre. D’autres sources estiment que la procédure à suivre est différente, qu’il faut une saisine commune des deux pays pour la rectification du tracé des frontières archivé à l’ONU. Quoi qu’il en soit, dans un cas comme dans l’autre, tant que la Syrie n’aura pas passé aux actes, le dossier international de Chebaa restera inchangé. Et la situation au Sud également. Cette région gardant le statut de front semi-ouvert qui arrange autant les affaires de la Syrie que de l’Iran. On reste donc à Beyrouth à l’affût des intentions syriennes. Et les coups de théâtre, spécialité éminemment damascène, qui se succèdent semblent se contredire. Juste après les initiatives lénifiantes de Chareh, la Syrie a produit une mise en scène de témoin à décharge pour elle, utilisé du même coup comme témoin à charge encore plus contre les haririens, dont Siniora est l’un des porte-flambeaux, que contre Mehlis. Il n’est donc pas facile d’y voir clair. Mais comme le Liban en général, et la majorité en particulier, ont toujours joué la carte de la fraternité (dans l’indépendance) avec la Syrie, les néologistes se réjouissent des résultats de la rencontre Siniora-Chareh à Barcelone. Le ministre syrien des Affaires étrangères a certifié l’attachement de son gouvernement à la sécurité et à la stabilité du Liban. Il a mis l’accent sur les relations historiques, en annonçant que la page de tension est maintenant tournée. Ce qui laisse entendre que la Syrie admet désormais la devise que Siniora n’a cessé de lui répéter. À savoir qu’elle doit s’habituer à traiter avec le Liban comme un État libre, indépendant, souverain, loin de toute visée dominatrice. Il faut dire qu’encore une fois (cela se produisait fréquemment du temps de la tutelle), les féaux libanais de la Syrie ont été pris de court et désarçonnés par le revirement soudain de leur maître. Ils en étaient encore, en effet, à vitupérer à qui mieux mieux contre Siniora, l’invitant à démissionner, l’accusant de nuire à la cause arabe et de servir (comme un « esclave aux ordres », sans doute) de point d’appui aux « colonisateurs ». Le pire camouflet reçu par ces fidèles, dont certains appartiennent au gouvernement (!), c’est qu’au moment où ils rejetaient la demande de tracé de frontières comme une sorte de coup de couteau dans le dos de la Syrie, Otri lui-même s’y engageait ! Allant encore plus loin que le Premier ministre syrien, qui voulait garder Chebaa pour la fin (ce qui gâchait tout, en fait), Chareh a donc reconnu la libanité des hameaux. Ce qui veut dire que, contrairement à Otri, il ne propose pas d’attendre la récupération du Golan pour la libération de Chebaa. Et aussi, voire surtout, qu’il n’exige pas que cette libération se fasse par les armes, comme le veut le Hezbollah, puisque son ouverture même initie un processus de libération par la voie diplomatique, et par le recours à l’ONU. Il reste que la nouvelle approche syrienne, positive à l’égard du Liban, est manifestement le fruit des pressions arabes, notamment saoudiennes. Et d’ailleurs, le roi Abdallah ne s’en est pas caché. Il a indiqué s’être entremis pour régler le litige de la Syrie avec Mehlis. Il est également certain qu’il n’a pas manqué de souligner la nécessité pour la Syrie de normaliser ses rapports avec le Liban. Le climat est donc à la détente. En principe, Otri devrait visiter prochainement le Sérail pour redire, après Chareh, que la page conflictuelle est maintenant tournée et certifier à son tour la libanité de Chebaa. Cette évolution devrait, évidemment, émousser les attaques des prosyriens contre Siniora et les haririens. On n’entendra plus, par exemple, un Assem Kanso évoquer la menace d’une reprise de la guerre domestique. Et un Walid Joumblatt, qui tente de recoller les morceaux entre 8 et 14 mars, aurait des chances de développer une action de conciliation efficace sur la scène intérieure. Il est ainsi possible non seulement qu’il rencontre Aoun, mais encore qu’une réunion élargie groupe ce dernier, Hariri et Hassan Nasrallah. Mais, répétons-le, la question de l’enquête internationale peut constituer une pomme de discorde. Parce que, maintenant plus que jamais, les prosyriens, massés derrière le Hezbollah, vont contester cette crédibilité de la commission Mehlis que les parlementaires de la majorité, haririens en tête, sacralisent ou presque. Philippe ABI-AKL
Le ministre Chareh va dire que « les fermes de Chebaa sont libanaises. Elles sont libanaises ! » L’enthousiasme juvénile de Siniora, après la « réconciliation » de Barcelone, pour plaisant ou communicatif qu’il soit, n’est pas plus suffisant que les proclamations syriennes. Selon un membre de la majorité parlementaire libanaise, il faut maintenant que la Syrie remette au Liban des...