La Réserve fédérale des États-Unis fait face à un dilemme, car elle doit continuer à relever ses taux par rapport à une économie dévastée par l’ouragan Katrina. L’incapacité de la Réserve à relever ses taux plus tôt donne ainsi une leçon à la Banque centrale européenne : après une période prolongée de stabilité monétaire à des taux directeurs...
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Commentaire - Le point de vue d’un économiste de l’Université de Stanford Il ne faut pas suivre la Réserve fédérale
le 29 novembre 2005 à 00h00
Par Melvyn KRAUSS *
La Réserve fédérale des États-Unis fait face à un dilemme, car elle doit continuer à relever ses taux par rapport à une économie dévastée par l’ouragan Katrina. L’incapacité de la Réserve à relever ses taux plus tôt donne ainsi une leçon à la Banque centrale européenne : après une période prolongée de stabilité monétaire à des taux directeurs inhabituellement bas, attendre trop longtemps avant de relever les taux à des niveaux plus normaux et appropriés comporte des conséquences dangereuses.
La Réserve mit du temps à entamer le processus de normalisation des taux et elle en paie maintenant le prix. La BCE ne doit pas faire la même erreur, même si l’on considère que ces deux Banques centrales opèrent dans des milieux différents et avec des contraintes différentes.
Les signes avant-coureurs d’une inflation imminente font foison dans toute la zone euro. La croissance de la masse monétaire est bien supérieure aux niveaux cibles depuis un certain temps, ce qui indique une liquidité excessive. L’inflation affichée pour septembre, à 2,6 %, est supérieure à la cible de 2 % de la BCE, tout comme le sont les récentes prévisions pour l’inflation en 2006 (les prévisions revues et corrigées seront publiées début décembre). « La période de modération des salaires touche peut-être à sa fin », nous avertit Otmar Issing, le responsable économique de la BCE, sous-entendant que les prix de l’énergie qui montent en flèche sont peut-être maintenant alimentés via le niveau général des prix (aussi appelé effets secondaires).
Dans ces circonstances, il n’y a aucune bonne raison d’attendre encore avant de relever les taux directeurs. Plus les prix de l’énergie restent à leurs niveaux élevés d’aujourd’hui, plus grande est la probabilité que l’anticipation de l’inflation augmentera et que les effets secondaires se matérialiseront. Toute procrastination prolongée sur la normalisation des taux directeurs de la part de la BCE pourrait très bien mener à une méchante crise inflationniste. Cela serait catastrophique pour l’Europe et la reprise économique puisque la BCE n’aurait d’autre choix que de peser brutalement sur la pédale de frein monétaire.
Personne n’en a vraiment envie. Mieux vaut une augmentation sur la base de 50 points maintenant, permettant ainsi à la reprise économique de se poursuivre en maîtrisant l’inflation, qu’une augmentation trois ou quatre fois plus élevée que ce chiffre plus tard. Le vieil adage « Mieux vaut prévenir que guérir » s’applique tout particulièrement dans le cas de la politique monétaire.
Si l’on en juge par le résultat de la réunion le mois dernier du conseil des gouverneurs de la BCE, cette « prévention » semble approcher à grands pas pour l’économie de la zone euro.
En effet, le rythme des avertissements de la BCE sur les risques d’inflation s’est accéléré ces derniers mois, et ce qui n’était qu’un « soyons vigilant » est devenu un « soyons très vigilant » en septembre, avant de se transformer en « vigilance accrue nécessaire quant aux risques élevés vis-à-vis de la stabilité des prix » en octobre. Le conseil des gouverneurs prend le risque de se trouver à court d’adjectifs, et de crédibilité, s’il n’agit pas sous peu.
Le ton des commentaires du président de la BCE, Jean-Claude Trichet, lors de la session de questions et de réponses, qui se déroula à la conférence de presse à la suite de la réunion du mois d’octobre, était particulièrement belliqueux. M. Trichet sembla faire appel à une approche préemptive quand il déclara : « Nous ne devons pas laisser les effets secondaires se matérialiser. » Pour la première fois, le président de la BCE était prêt à admettre que le conseil des gouverneurs avait discuté des avantages et des inconvénients d’une augmentation des taux directeurs durant sa réunion.
Néanmoins, les taux directeurs actuels sont décrits comme « toujours d’actualité » en octobre, ce qui signale que la BCE n’a pas encore pris la décision d’y passer. Il est certain qu’un ralentissement de l’activité économique inattendu ou une forte augmentation de la valeur de l’euro pourrait repousser l’augmentation inévitable des taux. Ce qui pourtant semble se dessiner clairement reste que la BCE a utilisé la conférence de presse d’octobre pour avertir les responsables politiques, les syndicats et les marchés que sa longue période d’inactivité en matière de politique monétaire touche à sa fin. Le processus de fin est en marche.
Cette nouvelle ne ravit pas tout le monde. Les responsables politiques, notamment Jacques Chirac en France, Silvio Berlusconi en Italie et l’Ecofin (les ministres des Finances des États membres de l’Union européenne), continuent de réclamer des taux fixes, et même des taux toujours plus bas.
Mais il est facile pour les hommes politiques d’agir de manière irresponsable quand il s’agit de politique monétaire. Ce ne sont pas eux qui sont montrés du doigt quand les prix montent, pas plus qu’ils n’ont à repousser le génie de l’inflation dans le flacon.
En poussant constamment à une baisse des taux plus importante que ce que la BCE peut offrir, les responsables politiques font de la BCE le bouc émissaire responsable des performances économiques médiocres de l’Europe. L’Europe va mal, disent-ils, non pas du fait de leur propre échec à mener les réformes structurelles nécessaires, mais parce que les taux sont trop élevés.
Au même moment, la BCE n’a pas besoin d’aller aussi loin que la Réserve fédérale, qui a relevé ses taux directeurs par incrément de 25 points de base durant 12 réunions consécutives, et d’autres relèvements sont à prévoir. Pour la BCE, une augmentation de 50 points de base pourrait suffire à ce stade, et les taux pourraient alors être mis en attente pendant quelque temps. La Réserve a attendu trop longtemps avant de lancer le processus de normalisation, et, de ce fait s’est montrée plus agressive dans la baisse de ses taux lors la phase de baisse du cycle des taux d’intérêt, elle a dû se montrer plus agressive dans leur relèvement lors de la phase de hausse.
Ce n’est pas là le type de politique monétaire volatile que l’Europe veut, ni celui dont elle a besoin.
* Melvyn Krauss est attaché supérieur de recherches à l’Institution Hoover, de l’Université de Stanford.
© Project Syndicate 2005. Traduit de l’anglais par Catherine Merlen.
Par Melvyn KRAUSS *
La Réserve fédérale des États-Unis fait face à un dilemme, car elle doit continuer à relever ses taux par rapport à une économie dévastée par l’ouragan Katrina. L’incapacité de la Réserve à relever ses taux plus tôt donne ainsi une leçon à la Banque centrale européenne : après une période prolongée de stabilité monétaire à des taux directeurs...
La Réserve fédérale des États-Unis fait face à un dilemme, car elle doit continuer à relever ses taux par rapport à une économie dévastée par l’ouragan Katrina. L’incapacité de la Réserve à relever ses taux plus tôt donne ainsi une leçon à la Banque centrale européenne : après une période prolongée de stabilité monétaire à des taux directeurs...
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