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Actualités - OPINION

PERSPECTIVES - En imposant son propre agenda, le parti aggrave les clivages internes Une question qui demeure sans réponse : où le Hezbollah tente-t-il d’entraîner le pays ?

Vers le milieu des années 80, ce qui était à l’époque l’organisation embryonnaire du Hezbollah s’est livrée à une série de rapts visant des journalistes, des chercheurs et des ressortissants français à Beyrouth. Il s’est rapidement avéré, à la faveur des laborieuses négociations qui ont suivi, que ces prises d’otages étaient motivées essentiellement par des considérations iraniennes se rapportant à divers contentieux opposant Paris à Téhéran. Pour défendre les intérêts de la République islamique, le premier noyau du Hezbollah avait ainsi placé le pays, dans son ensemble, dans une situation pour le moins « inconfortable » vis-à-vis de la communauté internationale, et plus particulièrement de la France. Les Libanais, toutes appartenances confondues, ont été alors étiquetés de « terroristes » partout dans le monde et étaient perçus avec la plus grande suspicion dans les aéroports étrangers. Le Hezbollah a, certes, radicalement changé depuis, et la conjoncture n’est plus ce qu’elle était dans les années 80. Il reste que le comportement des responsables intégristes de l’époque, qui répondait donc, en 1985, à des impératifs exclusivement régionaux mais dont ont pâti longuement tous les Libanais, est quelque peu comparable, quant à son approche et à la nature de ses retombées locales, à la position adoptée actuellement par le Hezbollah au Liban-Sud. En lançant, au début de la semaine dernière, une opération contre les forces israéliennes au-delà de la ligne bleue, le parti de Dieu a en effet confirmé qu’il s’octroyait lui-même le droit (exclusif, de surcroît) de prendre des initiatives guerrières engageant l’ensemble du pays sans que le principe même de telles initiatives unilatérales ne fasse l’objet de concertations préalables ou d’un consensus avec les autres composantes du tissu social libanais. Le prétexte de la Résistance contre l’occupation des hameaux de Chebaa ne convainc sur ce plan personne, d’autant que le secrétariat général des Nations unies a souligné, à plusieurs reprises, qu’il est en possession de documents officiels émanant des autorités libanaises et syriennes attestant que la zone controversée est située en territoire syrien. La récente note du Premier ministre syrien à Fouad Siniora – liant le tracé des frontières dans le secteur en question au retrait israélien du Golan, et donc à la résolution 242 plutôt qu’à la 425 – a apporté la preuve que la récupération de Chebaa nécessite d’abord, et en toute priorité, un accord officiel avec la Syrie afin que l’ONU puisse reconnaître la « libanité » de la région. En l’absence d’un tel échange de documents avec Damas, toute prétendue résistance pour récupérer Chebaa constitue de la poudre aux yeux ou cache – ce qui serait plus grave – des desseins géopolitiques inavoués, servant soit les intérêts stratégiques de la Syrie et de l’Iran, soit des objectifs réducteurs d’ordre strictement communautaire, ou les deux en même temps. On se retrouverait ainsi, schématiquement, dans un cas de figure similaire (relativement) à celui des années 80 : des initiatives conflictuelles prises unilatéralement, ayant un lourd impact direct et prolongé sur l’ensemble des Libanais mais dont les motivations ne sont nullement nationales, au sens large du terme. En imposant de la sorte au pays, manu militari, son propre agenda ou celui de ses parrains régionaux, le Hezbollah ne fait qu’agrandir davantage le fossé qui s’est creusé depuis mars entre lui et les autres fractions locales. Sayyed Hassan Nasrallah avait pourtant réussi ces dernières années à modifier totalement l’image du Hezbollah auprès de l’opinion publique non chiite, gagnant ainsi en respectabilité et en crédibilité. Faisant preuve d’un remarquable pragmatisme politique, il était parvenu à tisser patiemment un réseau de liens plus ou moins étroits et cordiaux avec les diverses forces vives du pays, aussi bien musulmanes que chrétiennes. Les développements des derniers mois risquent cependant de remettre en cause ce précieux acquis interne. Du rassemblement du 8 mars, place Riad Solh, à l’inqualifiable retrait des cinq ministres chiites de la réunion du Conseil des ministres tenue après les insultes proférées par le président syrien Bachar el-Assad à l’encontre de Fouad Siniora, l’attitude du Hezbollah n’en finit plus d’être à contre-courant du sursaut national qui a abouti à la deuxième indépendance du Liban. Aujourd’hui, plus que jamais, les Libanais sont en droit de réclamer des comptes au directoire du parti de Dieu pour lui demander, cartes sur table, où il tente d’entraîner le pays, et quel type d’intérêts géopolitiques il cherche à préserver. Michel TOUMA
Vers le milieu des années 80, ce qui était à l’époque l’organisation embryonnaire du Hezbollah s’est livrée à une série de rapts visant des journalistes, des chercheurs et des ressortissants français à Beyrouth. Il s’est rapidement avéré, à la faveur des laborieuses négociations qui ont suivi, que ces prises d’otages étaient motivées essentiellement par des...