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Actualités - OPINION

Pour la communauté internationale, la stabilité régionale passe avant la stabilité locale Le front du Sud, une carte que Damas pense encore détenir

On ne prête qu’aux riches. La Syrie est de nouveau la cible de forts soupçons. Mais, cette fois, au sujet de ce front du Liban-Sud qui reste obstinément semi-ouvert. Une carte que Damas joue (alors là, tout à fait ouvertement) depuis des années. Mais qui perd évidemment de sa valeur négociable, depuis le retrait du 26 avril. En tout cas, la récente flambée, qui a coïncidé avec la célébration de l’indépendance libanaise (comme pour y riposter), produit immédiatement des contre-effets en termes d’intérêt politique syrien. En effet, cet échauffement a pour résultat d’aiguillonner les Occidentaux, Américains en tête, au sujet de l’application de la 1559 et de la 1614. Leurs réactions montrent assez clairement qu’ils se demandent s’ils ont bien fait de laisser du temps aux Libanais pour régler la question en douceur. Et nul, à Beyrouth, ne s’étonnerait d’entendre Washington, Paris, Londres et même l’ONU préciser d’exécution un délai n’allant sans doute pas plus loin que le début du printemps. Cette perspective est confortée par les dénonciations cumulées de Gambari, bras droit d’Annan, des Américains et des Français de la responsabilité libanaise, entendre du Hezbollah, dans le déclenchement des hostilités au Sud. Dénonciations rapidement avalisées par le Conseil de sécurité, pourtant rotativement présidé par la Russie. Le Hezbollah soutient n’avoir fait que contrer une tentative d’infiltration d’une section motorisée israélienne. Mais il n’a pas pour autant publié de communiqué réfutant avec précision l’accusation de boutefeu lancée contre lui. L’aspect surréaliste de l’affaire est qu’en réalité, comme le Hezb lui-même le souligne dans ses argumentations, c’est Israël qui aurait tout intérêt à rallumer le front du Liban-Sud comme abcès de fixation et de diversion, au moment où l’État hébreu traverse une phase politique des plus secouées, avec la dissolution du Parlement, la création du parti de Sharon, l’affaiblissement du Likoud, le changement à la tête des travaillistes et des législatives rapprochées. Cela sans compter que cette histoire du Liban-Sud va permettre aux Israéliens de faire contre-pression sur les Américains, pour faire ronfler la chaudière sous la 1559 et la 1614, en renonçant à la stratégie cuisinière d’un petit plat mijoté à feu doux. À la libanaise. Impasse Sur le plan local, les soudaines échauffourées sudistes placent le gouvernement Siniora en position délicate. Il lui devient plus difficile de plaider pour un traitement de la 1559 par la bande, dans les instances internationales. Tout comme le Hezbollah l’interroge sur ses intentions, la communauté internationale peut à son tour lui demander brutalement s’il compte ou non se soumettre à ses arrêtés et quand… Or il ne dispose d’aucune réponse. Il ne peut pas dire au Hezb qu’il va appliquer la 1559, qui qualifie cette formation de milice à désarmer. Et il ne peut pas dire à l’ONU qu’il ne peut pas désarmer les irréguliers, libanais ou palestiniens, et déployer les réguliers sur la ligne bleue. La tangente, qui consistait à obtenir la compréhension des capitales en faisant valoir la nécessité de ne pas dresser les Libanais les uns contre les autres, ne joue plus. Car lorsque Beyrouth évoque la stabilité intérieure, on peut désormais lui objecter que la stabilité régionale passe d’abord. Opposition En fait, les événements offrent l’avantage de mettre en relief une vérité occultée jusque-là par la plupart des politiciens. À savoir que la logique d’État et la logique de la force armée privée, même si on lui donne le nom de Résistance, sont totalement antonymes, inconciliables. Ainsi pas une seule capitale occidentale ne parvient à comprendre comment le Hezbollah garde son arsenal tout en faisant partie du Parlement, et encore mieux, du gouvernement libanais. De plus, et c’est la preuve même que l’eau et le feu ne peuvent s’allier, le Hezbollah n’en réfère pas à l’autorité légale quand il projette des opérations. Pour la double bonne raison que, techniquement, il ne peut pas livrer des informations de cette sorte ; et qu’il sait pertinemment qu’il n’obtiendrait jamais de feu vert… Pour dire les choses comme elles sont vraiment, le Hezbollah risque, dans la partie actuelle, de perdre le crédit populaire que lui vaut chez les Libanais son action de libération. Pourquoi ? Simplement parce que, pour l’opinion, il est manifeste que ce n’est pas pour libérer Chebaa ni les prisonniers en Israël qu’il attaque. Mais pour aider la Syrie, soumise à de sévères pressions, en lui offrant sinon une issue de secours, du moins un moyen de gagner un peu de temps. C’est ce que l’on entend dire un peu partout dans le pays, même du côté de certains prosyriens, qui trouvent d’ailleurs normal le service rendu à Damas. Opinion que bien d’autres Libanais ne partagent pas. Or le Hezbollah a toujours su et voulu un soutien populaire ou politique unanime ou presque. Son secrétaire général adjoint, Naïm Kassem, a ainsi détaillé récemment à la télévision les contacts entrepris ou envisagés dans ce cadre pour se féliciter qu’il n’y a pas de parties libanaises vouant de noirs desseins à l’encontre du Hezb. Loyauté Les secousses du Sud risquent donc de faire perdre cet avantage au Hezbollah soupçonné désormais de songer à servir les intérêts de l’Iran et de la Syrie plutôt que ceux du Liban. À preuve son attitude après le discours d’Assad. Partant de ces données, nombre de pôles locaux estiment que non seulement le Hezb ne doit pas pour le moment prendre d’initiatives combatives au Sud, mais encore esquiver soigneusement les provocations israéliennes. Car la dégradation, quels qu’en soient les résultats sur le terrain, profiterait en définitive seulement à Israël. Mais certains posent la question suivante : est-ce que le Hezbollah peut se dérober à une éventuelle « demande d’assistance » syrienne ? Pour eux, Damas pourrait avoir pensé qu’il y aurait une brèche, l’escalade au Sud coïncidant avec les remous politiques en Israël, la relance des heurts israélo-palestiniens et le déchaînement de violence en Irak. La Syrie, selon ces sources, espère sans doute préserver un petit quelque chose de son rôle régional, en remuant le Liban-Sud. Cependant, cette analyse n’aurait de sens que si les affrontements devaient reprendre et dépasser le cadre d’un incident isolé. Quoi qu’il en soit, parallèlement à la réactivation de la 1559 et de la 1614, resurgit encore plus fortement la nécessité d’un tracé des frontières entre le Liban et la Syrie. En commençant par Chebaa et non pas en finissant par là, comme le demande Otri. Ce point, comme bien d’autres, va faire l’objet d’un prochain rapport de Pedersen, l’envoyé de Kofi Annan, qui s’est d’ailleurs rendu à New York. Philippe ABI-AKL

On ne prête qu’aux riches. La Syrie est de nouveau la cible de forts soupçons. Mais, cette fois, au sujet de ce front du Liban-Sud qui reste obstinément semi-ouvert. Une carte que Damas joue (alors là, tout à fait ouvertement) depuis des années. Mais qui perd évidemment de sa valeur négociable, depuis le retrait du 26 avril.
En tout cas, la récente flambée, qui a coïncidé avec la...