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L’ONU prêtera des locaux à Mehlis si nécessaire « Le secrétaire général ne négociera pas au nom de Mehlis », tranche le porte-parole d’Annan
le 24 novembre 2005 à 00h00
Alors que le régime de Bachar el-Assad multiplie les initiatives pour pousser les Nations unies à intervenir en tant que « médiateur » auprès de la commission d’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri afin d’arriver à un compromis concernant le lieu et les conditions de l’interrogatoire de plusieurs hauts responsables syriens, l’ONU a coupé court à toutes ces tentatives en renvoyant expressément Damas devant l’enquêteur en chef, Detlev Mehlis.
Hier, l’ONU s’est dit prête à mettre des locaux n’importe où, y compris en Europe, s’il en fait la demande, pour l’interrogatoire des suspects syriens, soulignant que les modalités logistiques restent du ressort du juge allemand, a indiqué mercredi un porte-parole de l’ONU.
« Nous mettrons toute installation nécessaire à la disposition de M. Mehlis pour qu’il puisse faire son travail, mais l’important est qu’il parvienne à un accord avec les autorités syriennes », a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général, Kofi Annan, lors d’un point de presse.
M. Dujarric répondait à la question de savoir si le magistrat allemand avait sollicité l’ONU pour qu’elle mette des locaux à sa disposition en Europe, par exemple à Genève.
« C’est un détail logistique », a estimé M. Dujarric, réaffirmant que la décision concernant les modalités des interrogatoires et le lieu où ils se tiendront était « du ressort de M. Mehlis et de lui seul ».
Mardi matin, Damas avait annoncé avoir envoyé des lettres au président du Conseil de sécurité et au secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, demandant leur aide pour parvenir à « un protocole de coopération », entre le gouvernement syrien et la commission d’enquête, « qui respecte la Charte des Nations unies et la souveraineté de la Syrie ».
M. Dujarric a confirmé à notre correspondante à New York, Sylviane Zehil, que le secrétaire général avait reçu la lettre syrienne. « Elle est en cours d’étude et il y sera répondu », a-t-il affirmé. « Les efforts de M. Annan, a-t-il ajouté, visent à encourager la Syrie à coopérer. » Quant aux détails et modalités des interrogatoires, « ils devront être décidés par M. Mehlis, le secrétaire général ne négociera pas au nom de M. Mehlis », a tranché M. Dujarric, qui a ainsi montré que même si la réponse officielle d’Annan n’a pas encore vu le jour, la tentative de Damas n’a aucune chance d’aboutir, la Syrie n’ayant en définitive d’autres choix que de trouver directement une solution avec le magistrat allemand.
Une position partagée, mais d’une manière un peu plus crue comme il se doit, par l’ambassadeur américain à New York, John Bolton, qui a ainsi qualifié mardi de « tactique dilatoire » la demande de la Syrie de signer avec M. Mehlis un protocole définissant les conditions de sa coopération à l’enquête.
Interrogé par la presse sur cette requête syrienne, M. Bolton a répondu : « Nous allons dire clairement aux Syriens qu’ils doivent cesser de gagner du temps et de faire obstruction au travail de Mehlis. Le 15 décembre (date à laquelle prend fin en principe le mandat de la commission Mehlis) se rapproche chaque jour et les Syriens le savent, a ajouté M. Bolton. Ce que nous voulons, c’est qu’ils mettent les témoins à la disposition de Mehlis. »
M. Bolton est revenu hier à la charge en déclarant à notre correspondante Sylviane Zehil : «La Syrie devrait cesser d’envoyer des lettres et commencer à coopérer avec la commission Mehlis. » Commentant les propos de John Bolton, le représentant de la Syrie auprès de l’ONU, Fayçal Mekdad, a indiqué : « Nous sommes en train de coopérer. Et nous écrirons autant de lettres qu’il le faudra si cela est nécessaire. »
« M. Mehlis est l’enquêteur, et les Syriens doivent coopérer avec lui et ne pas se tourner vers d’autres personnes pour continuer leurs habitudes d’obstruction », a poursuivi M. Bolton, qui a en outre affirmé que le Conseil de sécurité, qui avait adopté le 31 octobre la résolution 1636 exigeant la pleine coopération de Damas à l’enquête, attendait que M. Mehlis lui dise « s’il a obtenu ou non la coopération de la Syrie ».
Pour sa part, le représentant de la Fédération de la Russie auprès de l’ONU, Andreï Denisov, a commenté à son tour la lettre du ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk el-Chareh, précisant que « le point principal de cette lettre est que la Syrie est prête à coopérer avec la commission Mehlis, ce que nous espérons vivement. Sinon le Conseil de sécurité devra s’en saisir et trancher », a-t-il dit.
Interrogé au sujet du lieu de l’interrogatoire, Andreï Denisov a déclaré : « L’interrogatoire pourrait très bien avoir lieu à Vienne. C’est aux deux parties d’en décider. L’essentiel est d’arriver à un accord », a-t-il conclu.
Pour sa part, le ministre syrien des Affaires étrangères, Farouk el-Chareh, a indiqué dans des lettres à M. Annan et au Conseil de sécurité qu’« afin d’éviter toute ambiguïté concernant la question de la coopération, il est nécessaire d’en fixer les règles dans un protocole entre la Syrie et la commission Mehlis, qui prendra en compte les impératifs de la souveraineté nationale syrienne et les droits des ressortissants syriens ».
Il a ajouté que la commission Mehlis devrait respecter les termes d’un accord d’extradition datant de 1951 entre la Syrie et le Liban. Selon le ministère syrien des Affaires étrangères, les lettres syriennes adressées à l’ONU réaffirment la volonté de Damas de « coopérer avec la commission, en dépit des conclusions non étayées par des preuves » contenues dans le rapport publié le 20 octobre par le chef de cette commission, le juge allemand Detlev Mehlis, qui a mis en cause de hauts officiers syriens, dont certains dans l’entourage du président Bachar el-Assad.
Annan se justifie
Face aux informations faisant état d’une irritation américaine concernant les interventions du secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, auprès du régime Assad, jugées trop conciliantes, M. Annan a affirmé lundi qu’il était de sa responsabilité de persuader la Syrie de coopérer à l’enquête de la commission Mehlis, sans pour autant s’ingérer dans l’enquête.
Dans un entretien avec la presse lundi, M. Annan a estimé que la manière dont l’enquête se déroule, notamment le choix du lieu de l’interrogatoire de responsables syriens, « est du ressort de M. Mehlis », qui, a-t-il dit, « fait son travail avec professionnalisme et compétence ».
Mais, a-t-il ajouté, « j’ai eu quelquefois l’occasion de l’aider (...) d’encourager les dirigeants de la région à pousser la Syrie à coopérer, et à coopérer pleinement (...) Je pense que c’est mon devoir en tant que secrétaire général de faire ce que je peux pour aider, pour assurer que tout le monde coopère ».
M. Annan a souligné que de nombreux dirigeants du Proche-Orient lui avaient dit être préoccupés par cette affaire. « Ils sont tous préoccupés et impatients de voir la Syrie coopérer et l’affaire réglée diplomatiquement, afin qu’elle ne mène pas à une situation où la Syrie et le Liban seraient déstabilisés », a-t-il déclaré.
Et d’ajouter : « Je pense donc que l’idée que tout le monde fasse pression sur la Syrie constitue la bonne approche. »
Alors que le régime de Bachar el-Assad multiplie les initiatives pour pousser les Nations unies à intervenir en tant que « médiateur » auprès de la commission d’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri afin d’arriver à un compromis concernant le lieu et les conditions de l’interrogatoire de plusieurs hauts responsables syriens, l’ONU a coupé court à toutes ces tentatives en...
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