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Maroc - L’auteur de « Les invités, 20 ans dans les prisons du roi » donnera une conférence ce soir à l’USJ Raouf Oufkir, rescapé des « années de plomb » et monarchiste convaincu…

Le nom de la famille Oufkir est étroitement lié à l’une des pages les plus sombres de l’histoire marocaine : celle des « années de plomb » qui ont entaché, de 1960 à 1990, le règne de Hassan II. Le général Mohammed Oufkir est un des personnages-clés les plus controversés de cette période. Son coup d’État manqué, organisé avec le concours de la gauche marocaine et de proches du souverain en 1972, signe son arrêt de mort. Ce châtiment n’étant pas assez fort aux yeux du roi, ce sont la femme et les jeunes enfants du général, des intimes du palais, qui payeront le plus lourd tribut : 20 années d’emprisonnement et de tortures dans l’indifférence générale. De passage à Beyrouth, Raouf Oufkir, l’aîné des enfants, âgé de 15 ans au moment des faits, donne une conférence, ce soir à 18h30 à l’USJ. À la lumière de sa douloureuse expérience et de sa connaissance des coulisses du palais, il porte aujourd’hui un regard critique mais plein d’espoir sur l’évolution du Maroc de Mohammed VI. Pour certains, la survie de la famille Oufkir est un miracle. Mais c’est de leurs propres mains qu’ils ont creusé le tunnel qui leur a permis de s’échapper. Pour Raouf Oufkir, tenir dans des conditions pareilles est surtout une question de principe : « Lorsqu’on veut vous effacer de la surface de la terre uniquement à cause de votre identité, un combat qui n’était pas le vôtre le devient automatiquement. L’orgueil devient, dans certaines situations, le moteur de la renaissance. » Et la lutte ne s’arrête pas une fois franchies les portes de la prison. Car il faut se réadapter, apprendre à vivre avec ses souffrances, et vaincre les séquelles physiques et morales. Raouf Oufkir s’est donc attelé à la gestion de son destin, réussissant même à en tirer une force nouvelle. « Le malheur, pourvu de le regarder en face, vous enseigne des leçons de vie. Je m’efforce donc de tirer de mon expérience ce qu’elle a eu de positif pour moi, explique-t-il. À chaque fois que je me laisse aller aux petites déprimes du quotidien, je me replonge dans le passé de ma cellule… Ça me remet droit dans mes bottes… » Autre héritage de son passé de détenu : Oufkir avoue « éviter de dépendre de qui que ce soit ». Le silence de son ancien entourage et celui, impardonnable, des organisations des droits de l’homme, pendant et même après leur calvaire, y sont probablement pour quelque chose… Le maillon faible des droits de l’homme Les droits de l’homme sont d’ailleurs aujourd’hui un des maillons faibles du Maroc. Mais le nouveau roi Mohammed VI, au pouvoir depuis 1999, s’emploie à améliorer l’image de son pays. M. Oufkir reconnaît d’ailleurs que les choses avaient déjà commencé à changer du vivant de Hassan II. « Avec la fin de la guerre froide, Hassan II a compris qu’il n’était plus indispensable aux yeux des puissances occidentales dans leur lutte contre le communisme. Il a lâché du lest. Mohammed VI est allé plus loin. Même si tout est dirigé par le palais, il y a aujourd’hui des ouvertures dans une multitude de domaines. » La commission « Équité et réconciliation », chargée en 2004 de faire la lumière sur les exactions commises dans le royaume durant les années de plomb, en est un exemple. L’initiative, inédite à ce jour dans le monde arabo-musulman, donne la parole, à la télévision, aux victimes des violations des droits de l’homme sous Hassan II, qui bénéficieront également d’une politique de réparation et d’indemnisation. L’avis de Raouf Oufkir à ce sujet est mitigé mais positif. « Cette commission a le mérite d’exister, même si, dans son efficacité, elle n’a pas encore fait toutes ses preuves. Toujours est il que nous n’avons pas été dédommagés à la hauteur du préjudice subi…Pourquoi n’a-t-on pas invité la famille Oufkir lors de ces entretiens ? Pourquoi dédommager des putschistes dont la responsabilité a été établie, avant de réparer les torts faits à un enfant de 3 ans (NDLR : le petit frère de Raouf Oufkir) jeté en prison ?…». Le nouveau code de la famille et l’amélioration de la condition de la femme sont à ce jour ce qu’il y a de plus concret dans le règne du nouveau monarque, estime M. Oufkir. « Mais, même si l’on donne des droits aux femmes, ce serait bien qu’elles puissent aussi les comprendre et les lire… Le roi s’y attelle… » La politique sociale prônée par Mohammed VI suscite en revanche les réserves d’Oufkir, qui s’étonne qu’« on parle d’éradiquer la pauvreté alors que le budget alloué à la famille royale a augmenté de 42 % de 1999 a 2005… » « Créons un exemple marocain »… Mais alors que le chantier des libertés est bel et bien entamé, la réforme au niveau de la gestion du pouvoir semble, elle, plutôt bloquée. « Des décennies de corruption ont conduit aujourd’hui à une classe politique inexistante, laminée. Le consensus avec la soi-disant gauche marocaine, qui s’enrichit au profit du palais, est une mascarade. L’opposition n’a plus de sens au Maroc, et d’ailleurs, aucun des partis ne fonctionne démocratiquement. Le roi, qui gère prudemment le système dont il a hérité, doit se décider à lâcher un peu de ses pouvoirs. Si on ne veut pas de l’exemple espagnol, alors créons un exemple marocain ! » Car Oufkir est, malgré tout, un vrai monarchiste « par conviction adulte », comme il le précise. « Ce sera soit une monarchie éclairée, soit les “barbus”, et dans ce dernier cas, on sera tous perdants ». Les attentats sanglants de Casablanca en mai 2003 en ont déjà donné un avant-goût… Propos recueillis par Mariam SEMAAN
Le nom de la famille Oufkir est étroitement lié à l’une des pages les plus sombres de l’histoire marocaine : celle des « années de plomb » qui ont entaché, de 1960 à 1990, le règne de Hassan II. Le général Mohammed Oufkir est un des personnages-clés les plus controversés de cette période. Son coup d’État manqué, organisé avec le concours de la gauche marocaine et de proches...