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Sa « Chronique du Liban rebelle » continue d’attirer les lecteurs beyrouthins Daniel Rondeau : « Pour bien écrire, il ne faut pas oublier son cœur »

Décidément, les choses ont bien changé au pays du Cèdre. Jadis persona non grata, notamment après la publication de son livre Chronique du Liban rebelle, en 1991, Daniel Rondeau est désormais un hôte de marque, invité au salon « Lire en français et en musique » (qui l’avait d’ailleurs boudé jusque-là), pour y signer son dernier ouvrage, La marche du temps. Pour cet écrivain et historien, qui est aussi un critique littéraire, cette situation est particulièrement émouvante. En 1989, il avait fait un lobbying en France en faveur de ceux qui militaient pour un Liban libre, sans connaître alors le général Michel Aoun. Il avait même lancé son fameux appel : « Nous sommes tous libanais », qui a été suivi par de nombreuses personnalités françaises. Et puis, pour donner un caractère concret à son appui, il était venu à Baabda, avec notamment Frédérique et Jean-François Deniau, et d’autres figures politiques et humanitaires françaises. Ils ont été la cible des bombes, comme les Libanais, et essayé de résister malgré tout, comme certains d’entre eux. Mais après le 13 octobre 1990, lorsque les troupes syriennes ont délogé le général Aoun de Baabda, il a refusé de se taire et de s’incliner devant la réalité. Il a donc écrit Chronique du Liban rebelle, qui était, dit-il aujourd’hui, « un cri de révolte et de protestation ». Le livre avait alors été interdit au Liban, et un groupe de jeunes s’était employé à l’imprimer et à le distribuer en cachette. « Je n’en revenais pas, affirme-t-il, que des inconnus se battent et risquent la prison pour mon livre. » Daniel Rondeau ne pouvait pas à l’époque se rendre au Liban où une note de la Sûreté générale demandait son expulsion à tous les postes-frontières et à l’AIB. Pourtant, il n’a jamais cessé de s’intéresser à la situation de ce pays. Il a même gardé un contact régulier avec le général Aoun, en exil en France. Et chaque fois qu’il lui parlait, Aoun lui affirmait qu’il rentrerait très bientôt au Liban. Mais Rondeau avait fini par ne plus y croire. C’est pourquoi, lorsque le général Aoun l’invite à l’accompagner dans l’avion qui le ramène à Beyrouth le 7 mai dernier, jour de son anniversaire, il saute sur l’occasion et retrouve ce pays qu’il a aimé. Mais cette fois, le peuple est plein d’enthousiasme, résolument tourné vers l’avenir. La fascination de la Méditerranée Daniel Rondeau rentre en France le 8 mai, convaincu qu’il reviendra souvent au pays du Cèdre. « Me voilà donc de nouveau ici, comme prévu, dit-il simplement. Malheureusement, mon séjour est très court. Mais je compte revenir encore. Je suis fasciné par la Méditerranée et j’ai le projet d’écrire sur les grandes villes qui entourent cette mer. J’ai déjà écrit sur Istanbul, Tanger et Alexandrie. Beyrouth devrait bientôt s’ajouter à la liste. Je trouve que tous les peuples qui vivent ou ont vécu autour de la Méditerranée ont des valeurs communes, une même loi morale, quelles que soient les religions auxquelles ils appartiennent. » Originaire de la région de Champagne « dans les brumes et les bulles », dit-il avec humour, Daniel Rondeau affirme que sa principale source d’inspiration est l’histoire, qui est, selon lui, la sœur de la littérature. Et en général, ses ouvrages, notamment La marche du temps, sont des récits qui mêlent l’histoire à la fiction. Seul le livre sur le Liban échappe à cette règle. « Mais alors, j’étais moi-même dans l’histoire. J’étais plus qu’un témoin, un acteur. Et il fallait raconter cette expérience. » « Les mots ne sont pas innocents » Daniel Rondeau est convaincu que les « mots ne sont pas innocents. Les livres pèsent sur la vie des gens et les influencent ». Il estime donc que son livre a certainement contribué au changement de la situation générale du Liban, même s’il est conscient que la politique des grandes puissances est essentiellement dictée par leurs propres intérêts. « On ne peut certes pas faire confiance aux démocraties occidentales. Pendant des années, les États-Unis ont mis la tête des Libanais sous l’eau. Mais l’amertume ne doit pas devenir désenchantement, et le scepticisme ne pas se transformer en cynisme. La vie et l’histoire, sont plus fertiles et riches en développements que l’imagination du plus imaginatif des romanciers. Moi, j’ai toujours fait confiance en l’avenir, surtout lorsqu’il y a un passé. » Aux Libanais, Daniel Rondeau conseille aujourd’hui d’avoir en tête d’unir et non de séparer. Surtout, il leur demande de ne pas mentir ou se mentir. « Les épreuves, dit-il, ont revêtu les Libanais d’une tunique de chagrin. Mais celle-ci peut être aussi tissée de sagesse. Il faut, à mon avis, éviter de faire du vaincu un bouc émissaire et laisser parler l’intelligence. Aujourd’hui, les Libanais ont une conscience plus grande de l’histoire et de la politique internationale. Ils devraient donc pouvoir aller de l’avant. » Si, pour les Libanais, sa carrière est liée à celle de sa Chronique du Liban rebelle, Daniel Rondeau est un écrivain prolifique qui, dès l’âge de dix ans, savait ce qu’il voulait faire : écrire des histoires sans donner des leçons, juste raconter la vie, le passé, avec quelques pistes de méditation sur l’avenir. Il a été révolutionnaire, mais aujourd’hui, il se contente de dénoncer l’injustice, l’oppression et le chantage terroriste. Au Salon du livre, où il a signé son dernier ouvrage, samedi soir, les Libanais sont venus nombreux le voir pour lui témoigner leur admiration et redécouvrir avec lui sa Chronique du Liban rebelle. « Aujourd’hui, reconnaît-il, j’ai plus de recul et je vois les choses d’une façon plus globale. » Mais il est heureux de constater que le livre qui avait été à l’époque une réaction – « même si j’y avais mis le meilleur de moi-même », précise-t-il – a aujourd’hui encore beaucoup d’impact. Ce qui le pousse à la constatation suivante : « Pour bien écrire, dit-il, il ne faut pas oublier son cœur. » Le sien bat pour le Liban depuis quinze ans. Scarlett HADDAD
Décidément, les choses ont bien changé au pays du Cèdre. Jadis persona non grata, notamment après la publication de son livre Chronique du Liban rebelle, en 1991, Daniel Rondeau est désormais un hôte de marque, invité au salon « Lire en français et en musique » (qui l’avait d’ailleurs boudé jusque-là), pour y signer son dernier ouvrage, La marche du temps. Pour cet écrivain et...