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Actualités - OPINION

PERSPECTIVES - L’esprit du pacte national, qui reste aujourd’hui encore une nécessité, est une fois de plus bafoué D’une indépendance à l’autre, l’erreur historique à ne pas réitérer

Ce 22 novembre que les Libanais célébreront demain, dans un climat politique tendu – pour ne pas dire malsain –, devrait fournir matière à mûre réflexion. Pour la première fois en trente ans, cet anniversaire intervient alors que le pays est libéré de toute occupation étrangère. Mais afin de ne pas rater « l’indépendance 2005 », pour reprendre le slogan de la révolution du Cèdre, il faudrait peut-être tirer les leçons des (nombreuses) erreurs commises après le tournant de 1943. Car l’indépendance n’est pas une fin en soi. Elle devrait plutôt être perçue comme « un commencement, celui de la reconstruction de la maison libanaise », comme le soulignait, dans une conférence donnée en 1962, Michel Asmar, l’initiateur du Cénacle libanais, qui alimenta la vie politique et intellectuelle du Liban de la fin des années 40 au début des années 70. La première indépendance aura constitué, à n’en pas douter, un faux départ. Le pacte national de 1943, qui devait l’accompagner et servir d’acte fondateur, n’a pas tardé en effet à être régulièrement violé au fil des ans. « Indépendance entière et réelle à l’égard de tous les États d’Occident et d’Orient ; ni tutelle, ni protection, ni préférence, ni situation privilégiée au profit de n’importe quel État. » : tels étaient les postulats posés par le pacte, tels qu’explicités par Béchara el-Khoury, l’un de leurs concepteurs avec Riad Solh. L’allégeance quasi aveugle d’une large fraction des Libanais, successivement, au courant de Nasser, puis aux organisations palestiniennes armées implantées en territoire libanais, ainsi qu’au pouvoir syrien et à la République islamique iranienne, a constitué autant de lignes de conduite déviationnistes, autant de coups portés aux fondements de ce pacte. Dès la fin des années 50 (avec l’expansionnisme de Nasser), et plus particulièrement depuis la fin des années 60 (avec la montée des influences palestinienne, syrienne puis iranienne sur la scène libanaise), ces allégeances aux forces et puissances régionales ont provoqué et entretenu les diverses crises et guerres qui ont gravement fragilisé l’édifice libanais. Aujourd’hui, le Liban mène la bataille de sa deuxième indépendance. Avec la fin de l’occupation syrienne, il s’emploie – sous l’ombrelle de l’ONU, qui s’est saisi de son sort – à consolider sa souveraineté et son autonomie politique. Sauf que la même erreur historique commise après 43 risque fort bien de se répéter. C’est du moins ce que l’on peut craindre à la lumière de l’attitude de l’actuel leadership chiite. Entre la raison d’État syrienne et les impératifs de l’unité nationale libanaise, le directoire du Hezbollah – entraînant avec lui le mouvement Amal – accorde manifestement la priorité à la première option. Entre la « reconstruction de la maison libanaise » et l’appui actif à l’axe syro-iranien dans son bras de fer avec l’Occident et l’ONU, les responsables du parti de Dieu paraissent opter pour la seconde voie, risquant ainsi d’entraîner le pays dans un nouveau cycle de crises et de troubles, comme ce fut le cas depuis 1969. On est visiblement très loin de l’esprit du pacte national, seul susceptible de catalyser, aujourd’hui encore, une conscience spécifiquement libanaise. La « logique » défendue présentement par le Hezbollah et le régime syrien se base sur l’allégation selon laquelle les États-Unis et la France exploitent l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri pour accroître leurs pressions sur Damas. Une manœuvre classique, à « la syrienne », qui vise à atermoyer le plus longtemps possible et à vider la mission Mehlis de sa substance. Sans compter que dans le contexte actuel, et à en juger par les prises de position publiques adoptées sur les bords du Barada, il paraît évident que c’est le régime syrien qui cherche à exploiter la tension qui l’oppose à la communauté internationale pour tenter d’imposer à nouveau sa tutelle sur le Liban. Et le leadership chiite, par son attitude, se fait l’instrument, jusqu’à preuve du contraire, d’un tel jeu syrien, au mépris des efforts déployés à plus d’un niveau – tant sur le plan local qu’au niveau international et onusien – pour permettre aux Libanais de sauvegarder leur indépendance politique, trouver leur équilibre interne et débattre d’un nouveau contrat social. Au cours d’une conférence donnée en juin 1950 sur le thème « Le procès de l’intelligence libanaise », Georges Naccache tenait des propos qui demeurent toujours d’actualité : « Notre mal, après la longue nuit ottomane et les vingt ans de tutelle française, est ce que nous appellerons le complexe de l’aliénation (…). L’histoire pour les Libanais des quatre ou cinq dernières générations, c’était les autres. C’était le Turc, le Français, l’Anglais, le Russe, l’Américain. Notre histoire, c’était tout le monde sauf nous (…). Ce qui a fait à nos yeux l’importance de la révolution de l’indépendance (de 1943), c’est qu’elle a été une révolution psychologique : les Libanais ont redécouvert, en 1943, que le Liban, ce pouvait de nouveau être eux… » Cinquante-cinq ans plus tard, nous nous retrouvons, d’une indépendance à l’autre, avec un nouveau « complexe d’aliénation », cette fois-ci à l’égard de la Syrie et de l’Iran. Pour certains Libanais, l’histoire semble se limiter à celle de Damas ou celle de Téhéran. Et, pour eux, l’histoire de Beyrouth paraît n’être perçue que sous l’angle d’un simple support à ces deux dernières. L’indépendance 2005 est désormais un fait acquis. Mais pour ne pas la compromettre, et afin qu’elle soit réellement un commencement, un sursaut national est requis de la part de certains responsables. À défaut, le pays risque d’être entraîné dans les mêmes égarements que ceux qui ont suivi l’indépendance de 43. Michel TOUMA
Ce 22 novembre que les Libanais célébreront demain, dans un climat politique tendu – pour ne pas dire malsain –, devrait fournir matière à mûre réflexion. Pour la première fois en trente ans, cet anniversaire intervient alors que le pays est libéré de toute occupation étrangère. Mais afin de ne pas rater « l’indépendance 2005 », pour reprendre le slogan de la révolution du...