Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Le tracé des frontières en vedette Délégation libanaise aujourd’hui à Londres pour consulter des experts internationaux

Que d’écueils le président Siniora a su contourner jusqu’à présent ! Encore une fois, en désamorçant la bombe du mazout, il dément les pronostics annonçant la chute du cabinet. Tout comme il l’avait fait après la réunion du « Core Group » à New York, en liquéfiant la campagne lancée contre lui en son absence. Ou encore quand il a neutralisé les tentatives d’instrumentaliser sur le terrain armé les formations palestiniennes d’obédience syrienne. Sans parler de sa parade diplomatique aux coups directs, trop violents du reste pour être efficaces, que le président Assad lui a portés dans son discours. Mais Siniora, prince de l’esquive et de la parade, sait aussi cultiver la contre-attaque. Après avoir exploité avec succès les contradictions du camp prosyrien, dont la répugnance à démissionner des ministres chiites contestataires, il passe à l’action. En remettant sur le tapis le programme du tracé des frontières avec la Syrie. Il dépêche ce samedi à Londres une délégation de militaires et de cartographes civils pour y consulter des topographes ainsi que divers experts géographes et juridiques, britanniques ou internationaux. Mais pourquoi Londres, au juste ? Parce que dans la période fondatrice de l’après-Première Guerre mondiale, du temps où Anglais et Français s’étaient partagé les mandats de tutelle sur les pays de la région, c’est à la Grande-Bretagne que l’on avait demandé de travailler sur la délimitation des frontières. Et c’est surtout dans ses archives que l’on trouve les lignes tracées alors entre la Syrie et ses voisins. Aide Une fois sa mission de collecte de documents et de renseignements affinés sur les procédures à appliquer, la délégation libanaise soumettra un rapport détaillé aux autorités libanaises, qui ont déjà, indiquent des sources informées, sollicité le concours et le parrainage des Nations unies, en se fondant sur le protocole bilatéral conclu en 1964, souvent cité par Siniora, qui précise que les travaux de la commission mixte syro-libanaise ont été stoppés par la guerre domestique en 1975. Mais en se basant aussi sur un arrangement de principe bien plus frais : le 9 mai dernier, en effet, juste au sortir des forces syriennes de ce pays, deux généraux dûment mandatés, l’un libanais et l’autre syrien, ont paraphé le procès-verbal d’une réunion officielle initiant un processus commun de tracé des frontières. Compte-rendu qui tient donc lieu, juridiquement, d’accord bilatéral en règle. L’aide de l’ONU ne serait pas de trop, étant donné que la Syrie se montre désormais hostile au pouvoir libanais, et n’entend plus coopérer. D’autant moins, en fait, que le bouclage des frontières la priverait de la possibilité de provoquer des remous, en utilisant les espaces béants pour armer et agiter « ses » Palestiniens, qui détiennent justement des bases dans les zones frontalières de non-droit. Le pari de Siniora reste quand même difficile. Son principal atout est que, sur le plan intérieur, les arguments de ses adversaires hérissent généralement l’opinion, car elle y voit une démission du sentiment national, au profit d’une allégeance nostalgique à la Syrie. Ce rejet populaire d’une attitude de contestation, qui semble surtout avoir servi la Syrie, a d’ailleurs clairement aidé Siniora à triompher des tentatives de le désarçonner. On sait en effet que même le Hezbollah, et à plus forte raison les aounistes, ont tenu à souligner que la campagne pour le mazout n’avait aucune motivation d’ordre politique. Et, surtout, aucune signification de soumission à la volonté perturbatrice des anciens tuteurs. Passoire Sur le terrain, il existe plus de 90 gués illicites, des circuits de contrebande et de trafic d’armes ou de drogue qui profitent aussi bien des accidents d’un terrain de jurd escarpé que du flou dans le tracé de la ligne frontalière. On se demande par exemple toujours si le malheureux topographe libanais abattu dernièrement a été tué par des tirs provenant du côté syrien ou du côté libanais de la frontière. L’armée libanaise fait de son mieux pour surveiller, sinon pour contrôler, cette passoire. Elle a installé 35 nouveaux points d’observation et de barrage. Mais aucune fermeture totalement hermétique n’est possible en pratique. D’autant qu’il y a des régions où, pour des raisons d’État, l’on a prié l’armée de relâcher son étreinte. Notamment du côté des hauteurs de Halwa cloutées de bases relevant des cellules palestiniennes d’obédience syrienne, comme Fateh-intifada ou le FPLP-Commandement général d’Ahmed Jibril. Le gouvernement libanais, qui privilégie logiquement le dialogue pour commencer, même avec les radicaux, ne veut pas prendre le risque de heurts armés sur le terrain avec ces formations. Toujours à propos de l’armement palestinien hors des camps, les Syriens laissent entendre, notamment par le truchement de leurs alliés, que c’est là une question à caractère régional qui relève de l’autorité des Nations unies et non de Beyrouth. Dans la même logique (?), ils estiment que le Liban ne doit pas s’occuper de l’armement des camps, et encore moins de l’arsenal du Hezbollah. Et qu’il n’a qu’à ignorer la 1559. Ce point de vue, rappelons-le, avait été développé il y a plus d’un an déjà par le président Assad. Qui tient, comme feu son père, à garder l’atout d’un front du Liban-Sud semi-ouvert en s’en lavant les mains ! Ainsi, quand Roed-Larsen a souligné à Damas même que Chebaa n’est pas libanaise mais syrienne, Farouk el-Chareh, qui se tenait à ses côtés, n’a rien objecté. Et c’est à cause de Chebaa en partie, comme par ressentiment, que la Syrie ne veut pas que les frontières entre les deux pays soient clairement délimitées. En tout cas, la majorité des Libanais semble estimer que le tracé des frontières, autant du reste que l’établissement de relations diplomatiques normales, est nécessaire pour fonder de saines relations avec la Syrie. Le problème, c’est que pour un tel accord géophysique, il faut être deux. Si Damas refuse de jouer le jeu, alors ce tracé des frontières restera, comme la liberté nationale jadis, un vœu pieux. Philippe ABI-AKL
Que d’écueils le président Siniora a su contourner jusqu’à présent ! Encore une fois, en désamorçant la bombe du mazout, il dément les pronostics annonçant la chute du cabinet. Tout comme il l’avait fait après la réunion du « Core Group » à New York, en liquéfiant la campagne lancée contre lui en son absence. Ou encore quand il a neutralisé les tentatives...