La stratégie des Syriens consiste à affaiblir l’axe Hariri-Joumblatt en suscitant des problèmes par le truchement de leurs alliés
Damas s’efforce, contre vents et marées,
de garder la haute main au Liban
le 17 novembre 2005 à 00h00
Après avoir gouverné ce pays pendant trente ans en l’occupant, la Syrie tente de le maintenir sous son contrôle à partir de Damas. Elle n’a pu y perpétuer la présence de ses forces, ni réaliser la fusion, au titre que Syriens et Libanais ne forment qu’un seul peuple, slogan favori de feu le président Hafez el-Assad.
C’est ce que relève, dans ses assises privées, une instance religieuse en passant en revue les diverses phases relationnelles sous les différents régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance.
Le dignitaire note qu’en réalité, la stratégie politique syrienne suit deux objectifs, du reste complémentaires : punir le 14 mars, notamment Saad Hariri et Walid Joumblatt, car leurs courants, traités d’ingrats, se sont détournés d’elle après en avoir été les alliés ; leur disputer le pouvoir, par le truchement et au profit de ses fidèles.
À ce propos, le religieux se demande par quelle aberration une partie peut vouer son allégeance à l’oppresseur de sa propre nation. Ainsi, pourrait-on imaginer, par exemple, qu’un parti opposant quelconque, en Europe ou ailleurs, se mette totalement au service d’une puissance extérieure contre les intérêts ou les préoccupations de son propre peuple, rien que pour gêner le pouvoir en place ? Le président Assad ne cesse de répéter qu’il ne se mêle pas des affaires intérieures libanaises. Il avait reconnu que des fautes ont été commises. Mais cela bien avant le retrait, et il n’en a plus parlé depuis. Il assure que la Syrie est innocente à cent pour cent dans l’assassinat du président Hariri, et il se porte garant des individus comme des institutions. Il ajoute que la coopération syrienne avec la commission internationale d’enquête sera totale. Et, dans les faits, c’est tout le contraire que l’on observe. L’immixtion dans les affaires intérieures locales n’est même plus discrète. Elle se fait au grand jour, soit par des contacts publics, affichés dans le discours du chef de l’État syrien, ou dans les médias officiels de son pays. Les alliés de la Syrie sont ouvertement incités à provoquer des remous, sinon des troubles, par des manifestations et des meetings. Les dirigeants libanais sont accusés de substituer la tutelle étrangère à la tutelle syrienne. Et le président Assad, après les avoir copieusement insultés, en réclame l’éviction, en affirmant qu’il ne peut pas traiter avec des gens qui font du Liban une plate-forme de complot contre la Syrie, complot qu’ils financent eux-mêmes, selon ses dires. C’est une curieuse façon de ne pas intervenir sur la scène politique libanaise. Les journaux syriens, de leur côté, se font soudain les défenseurs du mazout subventionné en appelant à la révolte sociale contre le gouvernement Siniora. En oubliant que si ce pays n’a plus les moyens de pratiquer une politique de soutien, c’est parce qu’il a dû contracter une dette de quelque 35 milliards de dollars pour assouvir l’appétit des anciens maîtres. Du côté de l’innocence syrienne dans l’assassinat du président Hariri, tout ce que l’on constate, c’est que la Syrie refuse toujours, de fait, de coopérer et de se soumettre aux nécessités de l’enquête. Elle prétend contester le lieu, sous prétexte de souveraineté, comme si c’était l’endroit qui pouvait déterminer le degré d’implication ou d’innocence des interrogés. Sans compter qu’on ne voit pas où se situe la souveraineté syrienne sur le Golan, au Caire ou à Vienne, sites proposés par le ministre Chareh. Cela alors que la coopération, comme le président Lahoud l’a montré en demandant à être entendu à Baabda, consiste à aller au devant des souhaits des enquêteurs, non à leur poser des conditions.
Peut-on oublier, par ailleurs, les attentats à la bombe et les assassinats de ces derniers mois, série noire au sujet de laquelle il y a eu des arrestations, suivies de confessions significatives ? Le but du plan étant de terroriser ce pays, de le déstabiliser, de lui faire regretter l’occupation, de montrer qu’il n’est pas apte à se gouverner lui-même. On a de même mis en branle les groupes palestiniens d’obédience syrienne, les dressant à l’occasion contre leur propre Autorité nationale. Tout comme on tente de dresser les Libanais les uns contre les autres. Ce qui se révèle, heureusement, plus difficile que prévu, car jusqu’à présent, personne n’accepte de claquer la porte du gouvernement, bien que le chantage à la démission persiste. En base de recommandations visant à provoquer une crise de pouvoir ouverte, permettant, selon la personnalité citée, au régime, fidèle allié de la Syrie, de subsister.
Émile KHOURY
Après avoir gouverné ce pays pendant trente ans en l’occupant, la Syrie tente de le maintenir sous son contrôle à partir de Damas. Elle n’a pu y perpétuer la présence de ses forces, ni réaliser la fusion, au titre que Syriens et Libanais ne forment qu’un seul peuple, slogan favori de feu le président Hafez el-Assad.
C’est ce que relève, dans ses assises privées, une instance...
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