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Universités - Le scrutin a largement reflété l’irrationalité politique dans laquelle le pays est plongé Élections âprement disputées à l’AUB; chacun y trouve son compte

«À nous la victoire ! » C’est le titre français du célèbre film de John Huston Escape to Victory , mais c’est aussi le sentiment final des deux coalitions qui se sont affrontées hier pour les élections du Student Representative Council (SRC), l’amicale des étudiants de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) : Courant du futur-Parti socialiste progressiste-Forces libanaises contre Courant patriotique libre-Hezbollah-Amal-Mouvement du peuple (de l’ancien député Najah Wakim). Les votes des quelque 7 000 étudiants de l’AUB, appelés à choisir entre 282 candidats pour pourvoir à 93 sièges, ont probablement départagé les deux camps. Mais chacune des deux coalitions s’attribuait hier la victoire, puisque l’écart entre elles, quel qu’il soit réellement, est finalement minime. Il serait de trois à quatre sièges tout au plus en faveur de l’alliance Courant du futur-PSP-FL, mais le CPL revendique une trentaine de sièges à lui seul, sans ses alliés (dix sièges maximum, dont huit au mouvement Amal, un seul au Hezbollah et deux au Mouvement du peuple). Cela fait des « No Frontiers », le groupe de gauche indépendant qui a obtenu quatre sièges, l’arbitre de la lutte entre les deux géants de l’université au sein du SRC. L’an dernier, le PSP et le CPL s’étaient partagé le gros des sièges. L’opposition plurielle du Bristol n’avait pas encore vu le jour, mais l’AUB avait préfiguré, avec ses résultats, le printemps de Beyrouth : les grands laissés-pour-compte du scrutin étaient les partis et courants prosyriens. Des formations comme le Parti syrien national social, Amal et même le Hezbollah avaient été marginalisées par le raz-de-marée en faveur des opposants à la mainmise syrienne. Ces courants ont réussi à se ranger derrière le CPL cette fois, même si des ordres « en provenance directe de Rabieh ont strictement interdit toute collaboration avec le PSNS », selon un candidat aouniste. Le Courant du futur, dont l’activité politique, notamment sur la scène estudiantine, avait été gelée par Rafic Hariri, s’était abstenu de participer à la bataille. Une fois de plus, les élections de l’AUB donnent le pouls du pays, en reflètent la réalité. Il ne s’agit pas d’une réaction radicale aux résultats de l’USJ, acquise aux aounistes, ou de la LAU-Beyrouth, remportée par le Courant du futur et le PSP, mais peut-être d’une somme des deux. Le scrutin d’hier conforte la bipolarité à l’AUB entre le PSP – avec à ses côtés un revenant en force, le courant haririen – et le CPL. Preuve en est, chacun des deux grands courants a remporté une victoire totale, éclatante, dans une faculté. Les douze sièges, en Business, ont été à l’alliance PSP-Courant du futur, tandis que le CPL a triomphé, comme chaque année, en Engineering. C’est pourquoi les élections ont été âprement disputées, et que rarement université aura été aussi divisée, aussi scindée entre deux camps politiques. À croire que le grand retour des partis, après la levée de toutes les restrictions et de toute la censure qui pesait sur la vie politique libanaise durant les quinze dernières années, pousse les étudiants à s’affirmer politiquement, à se livrer allègrement à un véritable étiquetage politique. Mais par-delà la traditionnelle lecture politique partisane, il est possible de tirer plusieurs leçons du scrutin de l’AUB, qui s’est heureusement déroulé, comme d’habitude, dans le calme. D’abord, les clivages reproduits sur la scène estudiantine, et tout particulièrement à l’AUB, véritable microcosme du Liban pluriel à tous les niveaux, sont les mêmes que sur la scène politique. Ainsi, il n’existe aucune innovation sur le plan du discours ou du débat estudiantin. Les nouveaux slogans – « Allah, Nasrallah woul Rabieh kella », « Berry, Nasrallah, Général » ou encore « Ouwett, Moustaqbal, Ishtirakiyyé » (FL, Courant du futur, socialistes) – ont remplacé le traditionnel « Horiyyé, Siyyédé, Istiqlal ». La part d’ingéniosité permettant à certains de se démarquer des grands blocs par un discours particulier, ou par un projet, reste quasi inexistante. Dans les deux coalitions en présence, on accuse l’autre de tous les maux, d’avoir collaboré, trahi, trompé, et surtout « de susciter les sentiments confessionnels et sectaires ». Cette accusation revient comme un leitmotiv, chez l’ensemble des responsables politiques à l’AUB, et n’augure franchement rien de bon. Ainsi, pour les uns, le CPL joue sur la fibre chrétienne et Amal et le Hezbollah sur les sentiments chiites, parce qu’ils veulent couler Fouad Siniora et le gouvernement. Pour les autres, le Courant du futur exploite de manière outrancière l’assassinat de Rafic Hariri et mobilise sur le plan sunnite, « accusant tous ceux qui ne sont pas avec lui d’avoir tué Hariri », et le PSP « continue de jouer sur la fibre druze, comme il l’a toujours fait ». Chacun estime que la coalition qu’il affronte est contre-nature, qu’elle est soit « une mosaïque faite pour gagner des sièges », soit une sorte de faux résidu du 14 mars. Tous, sans exception, affirment qu’ils ont recherché le dialogue et l’alliance avec les autres, mais qu’ils n’ont réussi qu’à obtenir la confrontation parce que les autres ont été négatifs, et que c’est dommage. Chacun pense que sa coalition est un modèle « d’unité nationale », qui « transcende les clivages communautaires », mais tout le monde use d’une lecture purement communautaire, qui cache en filigrane un profond malaise, inavoué, refoulé, entre sunnites et chiites. De plus, chacun est convaincu qu’il a raison et que ses arguments sont les meilleurs, mais personne ne se rend compte que c’est une situation politique dans son intégralité qui est irrationnelle et absurde. Et tout cela est dit avec une bien insoutenable légèreté… De quoi faire un peu frémir, en attendant des lendemains meilleurs sur la scène nationale, ainsi qu’un renouveau estudiantin, qui revêt de plus en plus le caractère d’urgence. Où est passé « le » 14 mars… Michel HAJJI GEORGIOU

«À nous la victoire ! » C’est le titre français du célèbre film de John Huston Escape to Victory , mais c’est aussi le sentiment final des deux coalitions qui se sont affrontées hier pour les élections du Student Representative Council (SRC), l’amicale des étudiants de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) : Courant du futur-Parti socialiste progressiste-Forces libanaises...